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Forum : Anna Karenine

Sujet : Massacre


De Nicoco, le 17 juillet 2013 à 21:20
Note du film : 1/6

Je me suis imposé la lecture d'Anna Karénine. Grand livre évidemment, avec quelques longueurs, mais définitivement s'il fallait choisir entre Tolstoï et Dostoïevski, pas d'hésitation possible: ma préférence va volontiers à la fougue, la folie, la démesure, la vivacité littéraire de l'auteur des frères Karamazov.

Mais je m'égare, là n'est pas mon propos : je viens de visionner la bande d'annonce de cette nouvelle adaptation du chef d'oeuvre de Tolstoï, et je sens pointer la catastrophe cinématographique.

Réponse dans quelques semaines me concernant : il faut d'abord que j'achève le livre et que je visionne ce film, ou peut-être plutôt l'autre adaptation plus classique Anna Karénine qui fait beaucoup causer sur ce même forum.


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De Nicoco, le 3 août 2013 à 17:46
Note du film : 1/6

Je craignais la catastrophe, je ne m'étais pas trompé.

Ce n'est qu'une piètre adaptation du livre de Tolstoï qui souffre de défauts bien longs à énumérer.

La forme parlons-en : la mise en scène, grotesque et kitch à souhait, navigue entre le cinéma et le théatre, multiplie les ralentis et effets de style, la musique revient en boucle et accompagne ce qui se veut une chorégraphie ou une sorte de ballet moderne mais ce n'est rien d'autre qu'une vulgaire cacophonie. S'attaquer à un chef d'oeuvre littéraire, c'est s'exposer par avance et inévitablement à la critique car l'adaptation cinématographique ne pourra reproduire à l'évidence la richesse et l'infinie subtilité de ce que peut produire un livre, alors de grâce M. le réalisateur Joe Wright, un peu de modestie et n'en rajoutez pas dans la grandiloquence de mauvais goût, le classicisme a parfois du bon.

Je suis aussi extrêmement déçu par tout le reste : les personnages que je n'ai pas trouvés crédibles et intéressants, le comte Vronsky en tête, campé par Aaron Taylor-Johnson, dont on a l'impression qu'il sort à peine de l'adolescence et qu'il ne sait pas encore bien comment se raser. La relation amoureuse entre Anna (Keira Knightley ) et Vronsky m'a semblé très fade, ce qui est tout de même dommage vu le sujet du film. Il y a tellement de choses négatives à dire que je ne vais pas non plus m'épuiser à les détailler.

Des scènes sont absolument ridicules lorsqu'on a encore en mémoire le livre : la première déclaration de Levine, rejetée par Kitty, vient comme un cheveu sur la soupe et alors même que les protagonistes n'ont pas été présentés, que les enjeux n'ont pas été expliqués. La dramaturgie n'a pas été travaillée pour cette scène que j'avais trouvé poignante dans le livre.

Le film est un résumé grossier du livre en accéléré; le suicide d'Anna par exemple : rien ne montre la lente dégradation de sa relation avec Vronsky, leur impossible amour, la passion démesurée d'Anna, l'excès de ses sentiments, non, une seule dispute, quelques larmes, et la voilà qui vacille et se jette brutalement sous un train.

Levine et Kitty, interprétés respectivement par Domhnall Gleeson et Alicia Vikander, sont bien présents mais on se demande bien en visionnant le film quel est leur rôle : ils apparaissent de temps en temps, finissent par se marier et s'installer à la campagne, et leur relation est ainsi montrée de manière très superficielle et sans intérêt, en parallèle de l'intrigue principale qui porte sur Anna et Vronsky. C'est ridicule. Le réalisateur semble se contenter de résumer vulgairement ce qui est pour lui l'intrigue principale, la relation entre Anna et Vronsky, mais il oublie alors tout le reste, c'est à dire tout le livre. Car entendons-nous, le livre, bien qu'intitulé "Anna Karénine", relate l'histoire de 3 couples forts différents : Levine et Kitty, Dolly et Stepan, et Anne et Vronsky. Histoire d'un amour fou, impossible, desespéré (Anna et Vronsky) mais en même temps tendre, raisonné, réfléchi (Levine et Kitty), le livre met en lumière toutes les facettes possibles d'une relation sentimentale.

Bien plus, si Anna Karénine est un livre majeur c'est que son ambition, largement atteinte, est plus large : il est un condensé de la vie humaine, mettant en scène toute les grandes étapes et les drames de la vie humaine : la naissance, l'amour, le mariage, l'adultère, le travail, la maladie, la mort. Rien de tout cela dans ce film, qui évacue aussi les réflexions de Tolstoï sur le sens de la vie, l'émancipation des femmes, l'éducation des enfants, les bienfaits du travail de la terre… Bizarrement le réalisateur s'attache à des détails insignifiants, comme par exemple le goût d'Anna pour la morphine (seul moyen matériel qu'il a trouvé pour témoigner de la nervosité et la fragilité d'Anna).

Pour finir, une opinion personnelle : Anna Karénine est souvent présentée comme une figure de la femme libre et moderne, évidemment car elle décide de tourner le dos aux convention sociales, de vivre selon ce que lui dicte ses sentiments, au mépris des régles de l'époque, elle mène la vie qu'elle souhaite, de manière indépendante. Je comprends cela. Oui mais. Je ne sais pas si telle était l'intention de Tolstoï mais à la fin du livre Anna me laisse pour ma part le souvenir d'une femme folle, névrosée, totalement dépassée par l'excès de ses sentiments. Folie, excès, liberté, Anna Karénine, dont le destin triste est de finir sous un train, est-elle vraiment un si bon exemple de la femme moderne?


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