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De vincentp, le 7 février 2013 à 22:04
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Film d'auteur centré autour de la personne d'Anna Magnani, réalisé en 1948 par Roberto Rossellini. Ce long-métrage de 76 minutes semble aujourd'hui avoir été en avance sur son temps. La mise en scène s'attache à suivre au plus près le cheminement des pensées, émotions et sentiments de l'actrice dont le personnage est confronté à des problèmes personnels et sentimentaux, puis sociaux. Cette histoire pourra barber le spectateur ou le rendre admiratif. J'oscille entre ces deux perceptions, ayant surtout apprécié la seconde partie (Federico Fellini y est crédité comme scénariste et assistant-réalisateur). La photographie du village côtier (Furore, au sud de Naples, semble-t-il) y est magnifique. Au-delà de cet aspect esthétique, il me semble que Rosselini réussit à illustrer sur la pellicule, à la perfection, une certaine conception (d'obédience catholique peut-être, mais aussi sans doute très personnelle) de la destinée de l'être humain : destiné à souffrir au milieu de ses semblables, au cours de son bref passage sur Terre. Mais Amore semble aussi capter l'instant présent et figer l'éternité, via tout un tas d'éléments : le jeu des acteurs, la musique, la photographie, etc… Ainsi Anna Magnani grimpant péniblement, suivie par une chèvre, vers le sommet de la colline ou elle semble y trouver l'extase et le repos éternel.

Un chef d'oeuvre, par moments très impressionnant -par sa qualité formelle, et la puissance de son contenu-, mais plutôt destiné à des cinéphiles chevronnés…


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De Impétueux, le 19 novembre 2022 à 18:31
Note du film : 3/6

Il faudrait se pencher avec précision sur les coulisses intimes du cinéma pour en être certain ; mais je me demande bien si Amore n'est pas, en quelque sorte, le cadeau d'adieu que Roberto Rossellini offrait à Anna Magnani avant de la plaquer pour aller vivre avec Ingrid Bergman qui, pour lui, abandonna mari et enfant. Le réalisateur, qui disait ne pas aimer les acteurs, offrit pourtant à ses deux compagnes des rôles éclatants, la première dans Rome ville ouverte, la seconde dans Stromboli, Europe 51, Voyage en Italie. Quatre chefs-d'œuvre ou presque, en tout cas des films qui laissent une trace très durable dans la mémoire.

En dirais-je autant pour Amore ? Sûrement pas, malgré de grandes qualités formelles et la mise en valeur – qui malheureusement finit un peu par lasser – du jeu et de la personnalité de la volcanique Romaine. Voilà deux épisodes certes de (brève) longueur similaire (le premier un peu plus court), mais si différents, si hétéroclites qu'ils ne sont reliés que par le quasi one man show de l'actrice. Il n'y a pas d'unité, pas d'autre fil conducteur que l'interprète. On a du mal à marcher.

La première histoire, où on ne voit et n'entend que Magnani, est l'adaptation fidèle de La voix humaine, pièce en un seul acte de Jean Cocteau, créée en 1930, monologue étonnant où une femme en passe d'être quittée par son amant subit les angoisses de l'attente, les émotions des appels hachés et la certitude de la rupture. Trente-cinq minutes superbement écrites où la femme, qui sait que son amant va se marier quelques jours plus tard, joue d'abord l'indifférente – ou plutôt la résignée qui se consolera – puis, au fil des appels (car les communications sont souvent interrompues), avoue son désarroi, sa panique, son horreur d'être abandonnée par celui qu'elle aime.

Le texte de Jean Cocteau est fascinant de justesse ; je n'ai jamais eu grand intérêt pour ce funambule élégant, léger, vaporeux qui avait tant et tant de talents qu'aucun d'entre eux ne marquera trop longtemps. Roman, poésie, théâtre, cinéma, peinture, céramique… Tant de génie dans sa vie, trop peu dans son œuvre. Mais l'art des mots : La poésie est indispensable ; j'ignore à quoi ou bien – Si votre maison brûlait, qu’emporteriez-vous ? – Le feu !. Brillant, non ? La voix humaine n'est pas de la même veine d'esprit, mais c'est un texte puissant. Et – revenons au cinéma – extrêmement bien mis en scène par Roberto Rossellini. L'errance de la femme (qui n'est jamais prénommée) dans son appartement nocturne, ses agacements, ses attentes désespérées, ses craintes, ses angoisses, son désespoir, son effondrement terminal, tout cela est à un grand niveau.

Le second épisode, intitulé Le miracle, a été adapté par Fellini d'un récit de l'Espagnol Ramon Valle-Inclan ; déjà il y a l'esprit de la folie espagnole ; à quoi s'ajoutent les obsessions de Federico Fellini pour les bizarreries, les êtres contrefaits, les anomalies de la nature, la cinglerie du monde. C'est beaucoup moins convaincant, même si ça se passe dans un admirable cadre de calanques, de montagnes plongées dans la belle mer tyrrhénienne.

Une gardienne de chèvres misérable et assez demeurée imagine avoir rencontré Saint Joseph lui-même en un vagabond (interprété par Fellini lui-même) qui l'échauffe et lui fait un enfant. La pauvre fille devient la risée de son village et surtout des mendiants contrefaits (c'est la patte de Fellini) qui se moque de ses prétentions. Car elle s'imagine être une nouvelle Vierge Marie et avoir pour mission de donner naissance au Messie. On voit là goguenardise et sarcasme. Sur la religion, ou sur la bêtise intrinsèque des pauvres, des illettrés, des minables de la vie ? C'est un peu cela qui est gênant : un certain mépris pour les pauvres. Comme on est loin du merveilleux Miracle à Milan de Vittorio De Sica !

J'ignore évidemment comment Anna Magnani a reçu, souffert son abandon par Rossellini ; comment elle a reçu ce film-hommage. Elle y est superbe, pleine de tempérament, de fougue, de talent. Comme c'est bien que ce soit elle qui achève Fellini Roma en invitant Fellini à aller se coucher…


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