Un Eastwood à part. Un Eastwood "récréation" aurais-je envie de dire . Loin des messages distillés par Gran Torino ou Sur la route de Madison, ce Bronco Billy est une ode pleine de mélancolie, à la gloire d'une Amérique disparue. Outre son habit de cow-boy, Clint Eastwood revêt la nostalgie d'une époque oû les mustangs n'étaient pas équipés de V8 vrombrissants. Oû le grand chef indien Crazy Horse n'était pas encore figé dans la pierre de la Thunderhead Mountain à quelques kilomètres du mont Rushmore, et quand les conflits ne se réglaient pas par avocats interposés mais bel et bien dans la grand'rue, la main sur le Holster, en évitant si possible d'avoir le soleil dans les yeux. Mais on ne peut pourtant pas parler de Western. Même si le rêve de ce cow-boy, égaré dans un siècle qui lui déplait, aurait surement trouvé sa place dans le genre. Mais est' il vraiment si dupe, l'évadé d'Alcatraz ?

Peut on parler de film "bon enfant" ? Oui, puisque d'une part les enfants y sont à l'honneur, d'autre part parce que ce film semble être fait pour eux, et puis l'histoire est tout sauf biscornue. Sans violence, si l'on considère que les bagarres de saloon font partie d'un folklore bien établi, et surtout sans vices, cachés ou pas. Il y a même une attaque de train en bonne et due forme qui réservera quelques surprises. On peut également évoqué le Road-movie, puisque le spectacle de Bronco Billy, le Wild West Show, se produit de ville en ville, avec plus ou moins de bonheur. Le chapiteau est rarement plein et parfois bien vide mais le bonheur de faire revivre la légende du Far West est la plus forte. Ce film est rassurant. Parce qu'il enseigne aux gosses la foi dans nos rêves, la légende qui ne doit pas s'éteindre, la volonté malgré les obstacles, le travail accompli quelques soient les embûches. Et surtout, comme disait Cyrano, que c'est encore plus beau quand c'est inutile..

Très joli film, plein de copains "pour la vie", fauchés mais présents, tous acquis à la cause, au rêve fou de leur patron. Un plein de soleil dans le coeur, sous des pluies battantes que seule l'Amérique peut produire. De l'Amitié vraie comme la rudesse des jours. Vous savez ce que ce film me rappelle ? Un vieux feuilleton qui passait dans les années 60 : La caravanne Pacouli avec Frank Fernandel et Rellys. L'histoire de ce petit cirque ambulant, serpentant les routes de France. Qui s'en souvient ?
Après la pluie, le soleil se lèvera
passe la vie sur nos peines et nos joies
et les saisons partagent notre vie
et toi tu m'attend….après la pluie.

C'est un peu ça, Bronco Billy. Une espèce de Sous le plus grand chapiteau du monde pour les fauchés. Certes, le Buffalo Bill's Wild West qui oeuvrait sous l'immense Barnum devait avoir une autre gueule. Mais c'est plein de bons sentiments. Plein de tendresse. Et même si l'inévitable et très jolie Sondra Locke vient y apporter sa sensualité (faire revivre la légende c'est une chose, mais il faut quand même que le corps exulte), tout celà reste d'une pureté presque anachronique dans un film d'Eastwood. L'Inspecteur Harry sommeille encore sous le Stetson.. Et la gueguerre perpétuelle et vacharde que se livre les deux tourtereaux est jouissive. En tous cas, l'Amérique est là. L'ancienne et la nouvelle. Grande dans le coeur de chacun qui oeuvre dans cet espace de rêves pour petits et grands. Patriotisme, solidarité, espoir ! Ce film est d'une formidable pédagogie. Simple et chaleureux. Et doté d'un humour à toute épreuve. Les rires fusent volontiers. Oui, c'est une belle récréation dans la carrière de L'Inspecteur. Qui évite le ridicule qui lui était tendu et renforce notre conviction que, décidement, n'est pas Eastwood qui veut !

Paul Valéry disait : Le verbe rêver n'a presque pas de présent. Bronco Billy lui en donne un.