Tout simplement l'un des tous meilleurs polars français que j'ai pu voir depuis des lustres… Cette Nuit, c'est celle que passent ensemble deux flic, Weiss et sa conductrice, arpentant sans fin le pavé humide d'une soirée parisienne, allant et venant de boîtes de nuit enfumées à des réceptions somptuaires, pris dans un engrenage où se croisent des patrons de boîtes pas nets, des avocats véreux et des flics de l'Inspection Générale des Services qui soupçonnent Weiss d'avoir franchi depuis longtemps déjà la ligne mouvante de la Légalité…

Philippe Lefebvre opte pour un réalisme sans concession, limitant les péripéties au maximum (pas un seul coup de feu n'est tiré) et s'appuyant sur des personnages bien rôdés. J'ai toujours bien aimé Roschdy Zem, mais là il m'a littéralement bluffé en commandant de la mondaine, conférant à son personnage aune aura quasi melvillienne : d'une sobriété à toute épreuve, charismatique au diable, il fume clope sur clope et fraye avec une faune interlope. Sara Forestier, au rôle un peu sacrifiée, fait néanmoins preuve de fraîcheur et de conviction. Ils sont – très – bien entourée par une galerie de personnages secondaires savoureux, du vieux travesti sentimental à l'avocat corrompu ( à noter une apparition mémorable de Gérald Laroche et de Richard Borhinger).

Mais ce parti pris réaliste s'accompagne d'un parti pris esthétique très fort, celui de filmer le métrage en HD et intégralement de nuit. Résultat, je n'ai pas le souvenir d'avoir vu la ville Lumière aussi bien filmée de nuit, d'avoir exploré avec tant d'acuité les quartiers les plus pittoresque de la capitale.

Mais là où le film emporte définitivement l'adhésion, c'est dans son influence majeure qui transparaît presque à chaque plan : celle du grand Michael Mann ! On retrouve le spleen urbain, la tension mélancolique et la texture nocturne propre à l'immense réalisateur de Heat. Le film m'a beaucoup fait penser à Collateral : on ne compte plus les gros plans de visage dans les voitures, l'éclat des néons se reflétant sur les vitres mouillée. Mieux, loin d'être plombé par ce parrainage écrasant, le film trouve son identité propre et devient un lancinant voyage au bout de la Nuit.

Presque un coup de maître selon moi !

J'ai lu grand bien, ici et là, de cette Nuit  ; sans doute sans trop d'originalité dans le sujet, mais une très belle façon de filmer, que confirme Steve McQueen… Il semble qu'il y ait, ici et là, dans le cinéma français, un petit sursaut (il paraît que Une Vie meilleure ne manque pas de qualité ; mais c'est sans rapport°…

C'est vrai que le polar hexagonal n'a pas beaucoup brillé ces dernières années, hormis peut-être les films de Boukhrief et Une affaire d'Etat d'Eric Valette. Quant à Olivier Marchal, la vision des Lyonnais a fait resurgir je pense les défauts en germes dans ses précédents films, à savoir une évidente volonté de bien faire, mais aussi une tendance au pathos, une caractérisation sommaire des personnages heureusement défendus par des acteurs talentueux (Anconina, Parillaud, Auteuil, Depardieu, Karyo, Francis Renaud).

Comme le souligne Impétueux, il y a une belle façon de filmer dans Une Nuit, une sorte de fluidité mélancolique de la mise en scène, des plages contemplatives et de brusques accélérations, et une atmosphère nimbée d'une aura poétique discrète.