Forum - Le Christ s'est arrêté à Eboli - Arca 1943 avait raison
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Forum : Le Christ s'est arrêté à Eboli

Sujet : Arca 1943 avait raison


De vincentp, le 8 décembre 2011 à 16:03
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Un film magnifique, certes sur le fascisme, donc politique, mais aussi sur le monde rural du sud de l'Italie (la Lucanie) donc social. C'est le croisement de ces deux sujets (parfaitement imbriqués l'un dans l'autre) qui constitue l'intérêt majeur de ce film. La mise en scène de Rosi est magistrale. Rosi trouve le ton juste (un peu d'humour bienvenu par exemple) et chaque nouvelle séquence apporte un plus par rapport à la précédente (sur le fond et la forme). Les différences de psychologie des personnages (bourgeois ou paysans) sont parfaitement décrites, par l'image, le son (les dialogues). Rosi mixe un peu de tout (des théories, des anecdotes, des faits et gestes) sur différents tons (élégiaque par moment, puis très terre à terre -une démarche quasi-ethnographique- ensuite). Un peu de mélancolie et de poésie aussi… La musique de Piccioni et la photo de Pasqualino de Santis (les étonnants paysages de Lucanie) portent aussi superbement le récit. Du très grand spectacle…

Ce film plaira aux spectateurs intéressés par les sciences sociales en général, par l'Italie contemporaine, et aussi aux cinéphiles…


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De Arca1943, le 10 décembre 2011 à 01:45
Note du film : 6/6

« Ce film intéressera les spectateurs intéressés par les sciences sociales… »

Certes, n'en doutons pas. Il devrait même intéresser ceux qui comme Benedetto Croce, Gaetano Salvemini ou Leonardo Sciascia mettent des guillemets aux "sciences" sociales.

En tout cas, le choc de cette rencontre d'un Italien du Nord avec le Sud montre à quel point était voué à l'échec le projet des autorités d'alors de "faire les Italiens", de fondre le peuple italien dans une identité nationale unique. ("Facciamo l'Italiano tipo unico !", "Faisons l'Italien de type unique !". c'était déjà une injonction dans la revue Roma futurista du printemps 1912).

Et en passant, un facteur qu'on évoque moins souvent pour expliquer ce contraste culturel et historique entre le Nord et le Sud, c'est bien sûr que les deux bouts de la péninsule avaient été séparés l'un de l'autre pendant des siècles par les territoires pontificaux, qui couvraient grosso modo ce qu'on appelle aujourd'hui l'Italie centrale. Ces territoires ne devinrent caducs (grâce à l'action de courageux libéraux) qu'en 1860-1870, donc même pas un siècle avant l'histoire qui nous est contée dans ce film.

« Allons, don Carlo, vous parlez comme s'il y avait deux Italies ! », dit à Carlo Levi le podestà (maire) du village.

Mais que voulez-vous, don Carlo, il ne faisait que constater l'évidence.


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De vincentp, le 10 décembre 2011 à 14:05
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Les contrastes de l'Italie se retrouvent -peut-être dans une moindre mesure- également en France. Il y a un monde entre le tout Paris (je travaille à 400 mètres de l'arc de triomphe) et les petits villages du centre de la France (voire en cherchant bien en Savoie aussi). Le propos de Rosi (et de Levi) est universel, et c'est ce qui fait l'intérêt du film.

Il y a des similitudes entre Le christ s'est arrêté à Eboli et le guépard : le voyage vers le petit village accroché dans la montagne, les contrastes sociaux, et sur la forme, l'utilisation des possibilités offertes par les horizons lointains (vues sur la campagne italienne, par des plongées saisissantes, situées à mi-longueur du film).

Relisant les nombreux, très intéressants et judicieux messages postés par Arca1943 sur le christ s'est arrêté à Eboli, je tombe sur cette phrase que j'approuve complètement (à propos du rôle du podesta). "Dans ce rôle, l'acteur Paolo Bonacelli est vraiment merveilleux, il est parfait."


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De Impétueux, le 10 décembre 2011 à 21:56

Je ne connais pas le film, mais je ne puis laisser dire que les contrastes de l'Italie se retrouvent aussi en France, malgré les différences considérables qui existent entre Marseille et Dunkerque.

La France est un des rares États-nations qui existent en Europe ; avec l'Angleterre (et sûrement pas la Grande-Bretagne) et, de temps en temps l'Espagne. La France est une construction volontariste, déterminée, relativement arbitraire, créée par l'État (les Rois, pendant mille ans, la République depuis deux siècles). La France est une mosaïque de peuples extraordinairement différents (entre le Provençal et le Breton, il n'y avait, d'apparence, rien de commun, en tout pas la langue, avant 1914) mais unis par la fiction d'une histoire commune, celle qui nous donne tous pour ancêtres les Gaulois, que nous soyons Basques, Alsaciens ou Martiniquais.

Ça n'a absolument rien à voir avec l'Italie, même si on pourrait apporter de très nombreuses nuances à l'affirmation qu'il y a un peuple italien.

Nous, les Français, nous sommes nés au dimanche de Bouvines, en 1214, nous avons souffert la Guerre de Cent ans (que nous ayons été Armagnacs ou Bourguignons), nous avons pâti des Guerres de Religion, nous avons été le phare du monde sous Louis XIV et Louis XV, (même si certains d'entre nous ont été Réformés, Camisards), nous avons fait la Révolution française (même si certains d'entre nous ont été Chouans), nous nous sommes effarés d'avoir à notre tête Napoléon, qui est du même niveau qu'Alexandre le Grand et Jules César, et nous sommes morts le 11 novembre 1918, rendus exsangues par le million et demi de morts qui étaient les meilleurs d'entre nous. Et même le général de Gaulle n'a pu que nous raconter notre légende dorée, mais n'est pas parvenu à nous faire croire encore en notre destin.

L'Italie ? Elle n'a jamais été plus grande et plus fertile que divisée, séparée en une multitude de principautés, de duchés, de républiques, de possessions papales. elle a donné au monde artistes, savants, penseurs lorsqu'elle n'était pas cette absurde construction tout artificielle qu'illustrèrent Garibaldi, Cavour et Mussolini.

Le génie de l'Italie, c'est de ne pas être un État. Le génie de la France est de n'exister que par l'État. D'où les drames d'aujourd'hui, où l'Italie a trop d'Etat, et la France pas assez..


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