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Sujet : Bon petit polar


De Florian, le 9 octobre 2011 à 19:14

Quel bon petit polar que ce Jusqu'au dernier ! Nous le devons à un certain Pierre Billon, réalisateur de la version parlante de L'Argent, ainsi que de L'Homme au chapeau rond …films à côté desquelles Mon phoque et elles fait tâche. Son nom m'était vaguement familier.

Pour une fois que Raymond Pellegrin n'incarne pas un héros sans peur et sans reproche, on ne peut que s'en féliciter car il s'en sort mieux que d'habitude (bien que je n'ai aucun grief contre lui), Fernand Bastia est un truand « doubleur » et somme toute, assez couard. Jeanne Moreau, excellente comme la grande majorité de ses films des années 1950. Et le grand méchant possède toute la classe propre à Paul Meurisse, égal à lui-même, avec son débit lent et ce sang-froid qu'il conserve en toute situation.

Les autres rôles sont tenus par Jacques Dufilho et son étrange voix, l'athlétique Howard Vernon, la convaincante Lila Kedrova, la transparente Jacqueline Noëlle et la grande révélation (même si il avait 60 ans lors du tournage) : Max Révol, que je ne connaissais que par son disque enregistré en 1932. Il compose un directeur de cirque miteux plus vrai que nature, exploiteur, dépensier et difficile à cerner, aime t-il sa fille ou est-il intéressé…

Ah oui, il y a également l'excellent Mouloudji, artiste complet, aussi bon au disque qu'à l'écran dont la mère est jouée par Orane Demazis, silhouette reniée par Pagnol, échouée dans sa roulotte et tentant d'oublier qu'elle fut Fanny, Angèle…Pagnol l'ingrat avait rappelé tout le monde dans Manon des Sources, tout le monde sauf elle. Elle a perdu l'accent du sud, et la taille n'est plus aussi fine, mais la caméra ne s'attarde pas sur elle, c'est Jeanne Moreau qui est la jeune première.

L'atmosphère de ce cirque qui tente de survivre malgré la vénalité du directeur et la médiocrité des numéros est bien rendue, on a presque affaire à un huis-clos, Billon ne fait que de courtes incursions dans un bar, un vieux château et à la gare du Nord. J'aime à croire que le milieu de 1957 ressemblait à ce que Meurisse, Noëlle, Dufilho et Pellegrin nous montrent : le boss et sa maîtresse, l'homme de main et le traître, mais d'après les ouvrages sur le sujet, c'était plus compliqué que ça. Jusqu'au dernier est plus qu'un film pour dimanche pluvieux, il peut être visionné en soirée par des cinéphiles avertis avec plaisir (j'ai dit cinéphiles, pas snobinards blasés de tout) sans pour autant s'attendre à une grande découverte.


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De Impétueux, le 26 novembre 2020 à 15:23
Note du film : 4/6

Bonne surprise que la découverte inopinée de ce bon agréable polar efficace, tourné par le bien oublié Pierre Billon. À dire vrai, je suis presque certain que c'était là le premier film que je voyais d'un réalisateur dont un des rares titres de notoriété est d'avoir mis en scène, en 1946, L'homme au chapeau rond, dernier film interprété par Raimu, adapté de L'éternel mari de Dostoïevski. Mais sinon, d'une honnête filmographie d'une bonne trentaine de films, dont certains ont paraît-il eu un certain succès public, rien ne surnageait.

Ceci n'est pas pour dire que Jusqu'au dernier est une pépite admirable oubliée dans le grand torrent des années. Quoiqu'on veuille en penser, les chefs-d'œuvre inconnus sont aussi rares que les artistes maudits et sans doute même davantage. Mais on peut passer une heure et demie bien agréable à suivre une histoire bien fichue, bien racontée, bien interprétée, bien dialoguée (par Michel Audiard, qui avait déjà derrière lui une jolie carrière mais ne bénéficiait pas encore de la grande notoriété qui surviendra très vite ensuite).

Et puis aussi une musique signée par Georges van Parys, des décors par Jean d'Eaubonne, comme assistant réalisateur Claude Pinoteau. On n'est pas dans la gnognote, on n'est pas dans le film fauché ; d'ailleurs mettre au devant de l'affiche Raymond Pellegrin et Paul Meurisse marquait une belle ambition. Le premier était, en 1957, une des grandes vedettes de l'écran français, tout auréolé de la stature de Napoléon Bonaparte qu'il avait incarné dans le Napoléon de Sacha Guitry. Le second venait de remporter un succès éclatant avec Les Diaboliques de Henri-Georges Clouzot. Parmi les seconds rôles, Mouloudji tenait une place importante, moins dans le cinéma qu'il avait abordé tôt (Les disparus de Saint-Agil, Les inconnus dans la maison que dans la chanson ou Comm' un p'tit coquelicot ou Un jour tu verras lui avaient assurés une place à la mesure de son grand talent.

Chez les filles, Jeanne Moreau avait engagé depuis quelques années une carrière qui allait devenir de plus en plus éclatante ; elle est, dans le film, absolument ravissante et séduisante. On ne peut pas dire tout à fait la même chose de Mijanou Bardot qui est, comme on le devine, la sœur de l'autre, mais qui devait être tellement mauvaise qu'on a jugé bon, dans Jusqu'au dernier, de la faire doubler, pour la voix, par Martine Sarcey ni de Jacqueline Noëlle, extrêmement bien carrossée mais dénuée de tout talent. Passons sur le visage étrange de Lila Kedrova et admettons qu'il fallait bien qu'Orane Demazis pût payer son loyer et son café au lait après avoir été abandonnée par Marcel Pagnol.

Voilà bien des choses sur ce qu'on pourrait appeler la confection du film ; passons à sa substance, même si le mot est trop fort ; le vieux schéma du gangster, Fernand Bastia (Raymond Pellegrin) qui, à peine sorti de prison, tente de rouler ses complices pour profiter à lui tout seul du gros magot de 14 millions de francs qu'il a mis à l'abri dans un casier de consigne de la Gare du Nord. Naturellement ses complices, dirigés par Fred Riccioni (Paul Meurisse), assisté par son homme de main sadique Pépé (très bien interprété par Jacques Dufilho) ne sont pas du tout disposés à se faire gruger. Et tout cela se passe dans le cadre bizarre d'une fête foraine où Bastia/Pellegrin tente de se dissimuler au milieu des forains, surtout des artistes de cirque.

Il y a là de l'originalité, du rythme, des trognes bien dessinées, des rebondissements classiques mais qui se laissent regarder. À la fin, comme le cinéma de 1957 est éminemment moral, les méchants, les gangsters, les canailles sont tous éliminés et l'argent volé finit en cendres. N'empêche qu'on a pris bien du plaisir à regarder, à apprécier les nombreuses péripéties qui ont conduit à cette conclusion tout à fait logique. En d'autres termes, des films comme ça, on en redemande et on en est ravi !


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