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Sujet : Un acteur qui ne connaît pas la médiocrité


De Florian, le 20 juillet 2011 à 21:38

Harry Baur. Que dire d'un acteur qui ne connaît pas la médiocrité ? Le cinéma français compte aussi Michel Simon, Arletty ou Danielle Darrieux…et parmi eux, Baur tient une bonne place. Lorsque Siodmak lui fourni un bon film, que Jacques Prévert touche au scénario ; il ne reste plus qu'à l'entourer de camarades à la hauteur de la confrontation : Gabrielle Dorziat, Albert Préjean, Pierre Renoir le sont parfaitement.

Cette réalisation nous fait évoluer dans deux univers opposés, d'un côté la bourgeoisie de Dunkerque : propre, bien élevée, chrétienne mais si vicelarde. De l'autre, le quotidien crasseux d'un cargo au long cours, sentant le cambouis, distillant une vapeur étouffante. La caméra rend exactement ces détails. Harry Baur fait office de pont entre ces deux mondes car il appartient à chacun, mais sa préférence tend nettement au second, il ne supporte pas sa harpie d'épouse, pas plus que les hauts représentants de la compagnie qui l'emploie, et qu'il arnaque d'ailleurs abondement. Personne n'est donc absolument innocent. Albert Préjean a perdu son accent goualeur mais a conservé le bagout nécessaire pour gifler comme il se doit le rampant Jacques Baumer, employé servile et intéressé, n'hésitant pas à se servir de ses appuis pour faire une crasse.

Le film est l'exemple-type celui voulant démontrer que l'emploi d'un comédien avant cette prétendue Nouvelle-Vague (expression facile et trop étendue), c'est une question de faciès. Dorziat représente ces épouses qu'il est impossible d'aimer tant elles sont guindées, et même sadique, et par ce côté, elle se rapproche de Catherine Fonteney dans Poil de carotte. Dalio a un rôle qui ressemble fort à celui qu'il tenait dans Pépé le Moko, traitre sale et froussard qui n'inspire que de la pitié. Au contraire, les hommes d'équipage se composent de Baquet, Legris, Melrac, Pérès…ce qui attire la sympathie pour ces comédiens habitués de par leurs traits aux rôles de « bourrus au grand cœur ». Il y a aussi Lurville, Mauloy, Seller…papelards protocolaires jusqu'au bout des ongles. Ce sont ces rôles redondants pour un même acteur qui, sans doute, incitèrent Chirat et Barrot à les classer par « genres » dans l'ouvrage « Les excentriques du cinéma français ».

Peut-on voir dans ce film une critique de la part de Siodmak adressée aux firmes multinationales dont il croque tour à tour le directeur (Lurville), le chefaillon local (Baumer), le délégué (Louvigny), le garçon de bureau (Devère) et les employés «d'en bas». Ces énormes entreprises qui se livrent à des trafics mais qui n'hésitent pas à dénoncer leurs propres employés si ceux-ci sortent des rails. Siodmak dénonce-t-il aussi ? Je ne le connais pas assez pour m'avancer et pourtant tout cela me fait penser à l'entrepreneur Bernouillin (Carpentier) dans La crise est finie ; est-il l'équivalent comique de Jacques Baumer. Grâce à son intrusion au sein d'une famille déchirée, d'un couple qui ne s'est jamais aimé, mais aussi dans une équipe soudée qui ressemble pour Baur à une deuxième famille, ce film inspire un certain malaise. Les personnages savent sans doute que leurs existences sont gâchées ou mises en danger par ces trafics, et cela s'oublie dans les verres et les filles de Shanghai.

Bref, Baur se montre admirable, transmettant une grande finesse de jeu malgré la grossièreté de son personnage. Dorziat : doit-on la plaindre ou la maudire ? Le délaissement a fait d'elle une femme meurtrie qui ne fait que rendre les coups portés par son mari. Albert Préjean, second dévoué, et l'équipage assisteront le capitaine Mollenard jusqu'à son dernier souffle, celui-ci désirant être entouré de sa famille choisie plutôt que de celle qu'on lui a choisi. Un film à redécouvrir absolument, notamment pour les amateurs de Harry Baur, je suis certain qu'une édition DVD ne déparerait pas dans une bonne collection.


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De Impétueux, le 20 juillet 2011 à 22:35
Note du film : 5/6

Mollenard sort en édition DVD en septembre, chez Gaumont à la demande ; je dirai alors ce que j'en pense, ne me souvenant pas de l'avoir jamais vu, mais me réjouissant d'avance de retrouver Harry Baur !


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De leonard, le 21 juillet 2011 à 20:00

Vous ne connaissez RIEN .

Une seule rareté à la télé ,cette année : Veille d'armes . En dvd : une main a frappé ; six petites filles en blanc (édité hors de france).

Gaumont à la demande : inévitable mr Dubois . C'est peu…..


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De Impétueux, le 23 juillet 2011 à 13:47
Note du film : 5/6

Moi t'expliquer, puisque toi rien comprendre : ce site s'appeler DVD Toile et il concerne principalement (toi comprendre les mots concerner et principalement ? Sinon toi consulter gros livre appelé dictionnaire).

Un film qui passe régulièrement à la télévision comme Les bronzés, par exemple, ou Les tontons flingueurs… Toi pas l'acheter ? Moi l'acheter. Moi l'avoir dans ma DVDthèque (toi comprendre mot DVDthèque ? Si toi pas comprendre, toi penser à bibliothèque ; toi avoir bibliothèque ? Beaucoup, beaucoup livres…)

Moi attendre Mollenard avec impatience, parce que moi pas aimer guetter passages télévisés.

Toi compris ?


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De Impétueux, le 12 août 2012 à 20:01
Note du film : 5/6

Ah, mais c'est bien et ce serait même très bien si il n'y avait ici et là quelques petites faiblesses démagogiques (les clowneries du garçon de bureau unijambiste Joseph – Arthur Devère -, les excès de veulerie de Happy John – Marcel Dalio, qui en fait trop), et surtout si ça ne se terminait pas de façon un peu héroïque, le commandant Mollenard mourant, enlevé par son équipage pour pouvoir disparaître en mer et non dans son crapoteux étouffant ménage.

Reproches à dire vrai assez véniels, parce que, sinon, c'est un film qui est tenu, rythmé, passionnant de bout en bout. Un film qui entrecroise avec habileté deux chemins d'histoires, celle du marin Mollenard, de ses hommes, à lui dévoués dans la navigation tout autant que dans le trafic d'armes, et celle de l'homme Mollenard, mauvais mari et mauvais père non pas par égoïsme, mais par une sorte de fatalité pesante, où le mariage d'amour réciproque s'est transformé, une fois l'éclat de la nouveauté éteint, en une exaspération mutuelle inconciliable.

Mollenard est un film dur, sans beaucoup de personnages positifs (à dire vrai, on n'en voit même qu'un : celui de la fille du Commandant, Marie (Ludmilla Pitoëff) seule à comprendre à peu près la désespérance et la solitude de son père), un film où les scrupules n'étouffent personne, où on n'hésite pas à mentir, à duper, à tuer. Il est vrai que les trafics d'armes sont ceux du Shanghai des Concessions, dans la Chine anarchique de la fin des années Trente, un Shanghai plein de marlous, de contrebandiers interlopes, de fils de famille décavés, de bordels sonores, d'argent facile et de trahisons majuscules. On s'y tire dessus tout autant qu'on s'y enivre, de filles, de drogue et d'alcool… On vend la marchandise au plus offrant, sans trop respecter les accords qu'on a pris et on sévit en plaçant des bombes incendiaires dans la cale du bateau pour causer un gentil naufrage en pleine mer…

On comprend que Mathilde Mollenard (la remarquable Gabrielle Dorziat), glaçante, confite en dévotion, d'une rare mesquinerie d'âme puisse rejeter de tout son dégoût son mari, le forban qu'elle a jadis aimé, mais dont elle ne pardonne pas la vitalité, le manque de scrupule, le goût des équipées, des bordées et de la violence. On comprend que Mollenard soit désespéré d'avoir gâché sa vie d'homme avec une femme pareille, rebutoir si odieux qu'il en dit, dans un moment d'ivresse haineuse On se fatigue plus facilement du lit conjugal que du Pernod. Et voilà que l'aventurier est cloué chez lui par une défaillance de son grand corps malade. Et que l'épouse vertueuse le cloître, l'enferme, le séquestre, jouissant comme personne de la déchéance physique de son mari, tirant de l'amertume de sa propre vie gâchée assez de haine pour avilir le père de ses enfants… Voilà qui n'est pas mal du tout.

Le commandant Mollenard, c'est le grand Harry Baur ; un acteur immense dont le nom ne dit rien, ou presque rien aujourd'hui à quiconque, et qui est pourtant du même niveau, de la même épaisseur que Raimu, qui était son presque contemporain. Sans doute n'a-t-il pas eu la chance de rencontrer la grâce du chef-d'œuvre, ce moment extrême où l'acteur, le réalisateur, le dialoguiste, le scénario se rencontrent miraculeusement pour demeurer dans la mémoire absolue du spectateur… Mais quel talent ! Quelle mesure, quelle qualité de jeu, jamais prise en défaut, toujours d'une justesse parfaite ! Julien Duvivier en avait perçu la ductilité, l'employant dans de très nombreux films, de David Golder à Carnet de bal ; mais il ne joue pas dans ses plus grands films… Et l'horreur de sa fin de vie, cette absurde arrestation par les Allemands, qui le prenaient pour Juif et le relâchèrent après quatre mois de prison, exsangue et mourant, aura paradoxalement éteint sa renommée. C'est stupéfiant, parce que ce grand artiste mériterait d'être rangé au rang de nos plus grands acteurs…

Le reste de la distribution de Mollenard ne pâtit pas vraiment de la présence écrasante d'Harry Baur ; si Gabrielle Dorziat est impeccable, mais si Robert Lynen, en adolescent un peu couillon, un peu lâche, est aussi peu supportable que d'habitude, les acteurs sont de qualité ; Albert Préjean est bien meilleur en second rôle qu'au premier plan (sans pour autant être transcendant) et le reste est solide, de Pierre Renoir à Jacques Baumer en passant par Marcel Pérès.

Film de qualité, histoire intéressante, interprètes majeurs…


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