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Forum : Félicie Nanteuil

Sujet : Sortie des artistes


De Impétueux, le 11 avril 2010 à 12:59
Note du film : 4/6

Si je titre Sortie des artistes ce point de vue, c'est en un clin d'œil magistral (quoique d'une grande facilité et d'une réelle fausseté) à ce qui fut le meilleur film de Marc Allégret et qui est, évidemment Entrée des artistes, pourtant bien loin d'être un chef-d'œuvre.

Aîné en âge, mais largement cadet en talent de son frère Yves, Marc Allégret réalise donc en 1942 un nouveau film sur le théâtre, ses pompes, ses œuvres et ses mesquineries. Félicie Nanteuil est adapté d'un roman du trop oublié Anatole France, sceptique passionné et écrivain exact, roman qui se situe aux premières années du siècle passé et dont le meilleur conte les trajectoires de deux comédiens, Félicie Nanteuil, précisément (Micheline Presle) et Aimé Cavalier (Claude Dauphin).

Cavalier, acteur déjà un peu notoire, d'une notoriété qui en impose aux simples spectateurs, qui voient en lui un homme de la profession, déjà nanti d'un statut social, mais qui, dans le métier n'est qu'un artisan de second rang, Cavalier, donc, rencontre dans une fête de charité, dont il est la vedette, une très jeune débutante, presque encore un enfant, Félicie, à qui, à juste titre, il trouve du talent. Il parvient sans mal à la prendre pour élève et, avec à peine plus de difficultés, à la faire embaucher par le Théâtre de l'Odéon, dont il est pensionnaire. Il en tombe naturellement très amoureux et en devient amant ; (une intrigue située dans le milieu du théâtre, toujours sulfureux, permet de tenir la relative invraisemblance de cette liaison charnelle entre une très jeune fille et un trentenaire, en 1901 ; ce milieu-là avait depuis tous temps de drôles de comportements, ce que mes grands-mères appelaient des mœurs élastiques, incluant et confondant là-dedans tutoiement facile, camaraderies entre les deux sexes, champagne, vie nocturne et multitude d'amants et de maîtresses).

Le meilleur, l'excellent du film, c'est le croisement des destins et des rôles : l'étoile de Félicie ne fait que grandir, alors que Cavalier stagne, régresse, se cramponne à peine à un deuxième ou un troisième rang ; et parallèlement, bien sûr, Félicie qui avait admiré Cavalier et s'était donnée à lui parce qu'elle le croyait un grand acteur, se rend compte qu'elle a bien plus de talent que lui, commence à se lasser et s'exaspère, même, de son assiduité et de sa possessivité. L'inversion des cheminements est un ressort dramatique toujours assez fort (me vient en tête, un peu absurdement, Je vais craquer de François Leterrier, d'après Gérard Lauzier, mais il y a sûrement des tas d'autres exemples ; n'empêche qu'il y a toujours là quelque chose d'assez poignant).

S'il concentrait son propos là-dessus, le film serait bon, et même souvent excellent ; mais un artifice mélodramatique- le suicide de Cavalier – en gâche le déroulement dans le dernier tiers, heureusement rehaussé, à l'extrême fin, par un unhappy end bien venu et assez nostalgique. Et puis l'aristocratique Robert de Ligny, qui va, sans grand mal, arracher Félicie à Cavalier est interprété par le catastrophique Louis Jourdan, viveur gommeux épouvantable, ridiculement moustachu, redoutable tête-à-claques que je n'ai jamais vu bon que dans Lettre d'une inconnue où, dirigé par le grand Max Ophuls, il interprétait un pianiste séducteur et inconsistant, comme son beau visage melliflu.

Dommage, pour l'interprétation, car Dauphin, qui joue donc l'emphatique et médiocre Cavalier, s'en sort plutôt bien (on peut anecdotiquement noter que, juste après le tournage de Félicie Nanteuil, en 1942, il rejoignit Londres, ce qui mit l'Occupant en fureur, qui interdit l'exploitation du film, sorti donc seulement en juin 1945, huit jours après le Falbalas, de Jacques Becker, qui est bien meilleur, et qui est le meilleur rôle de Micheline Presle.

Micheline Presle ! En voilà une de ces jeunes actrices nées juste après la Grande guerre, comme Danielle Darrieux et Michèle Morgan mais qui, au contraire de ses deux camarades, n'a pas pu trouver assez de rôles important pour son grand talent, et demeure un peu en retrait, malgré Falbalas, donc, Boule de suif ou Le diable au corps… Dommage qu'elle n'ait pas trouvé davantage, parce qu'elle était bien belle et avait de la fantaisie et de la qualité…


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