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Forum : Un Chien qui rapporte

Sujet : Critique


De dumbledore, le 21 juin 2004 à 09:43
Note du film : 4/6

Si le film survit aujourd'hui, c'est sans doute pour la présence d'une jeune comédienne qui fera carrière : Arletty. Elle est jeune, elle possède une énergie, une présence physique éblouissantes, et son parlé tout à fait unique. Elle joue ici déjà une fille facile comme souvent par la suite, mais elle reste encore une "jeune première". Elle n'a pas encore explosé, pas encore développé son côté roquet, femme à la fois séduisante et qu'on craint à l'idée de se disputer avec elle. Femme forte.

Toutefois, ce film est un véritable ovni cinématographique. Une découverte. Il se place dans le début des années 30, période charnière du cinéma français. Le parlant émerge et n'est pas encore considéré comme sérieux ni crédible. Il faudra qu'il attende les quelques années à venir pour s'imposer.

On ne le dira pas assez mais le cinéma muet et le cinéma parlant sont deux cinémas différents, avec deux langages totalement différents. Presque deux arts différents. Le passage de l'un à l'autre revint à recréer une grammaire narrative différente un autre langage. Sans doute parce que le parlant est né dans une époque d'hégémonie culturelle (américaine), et non pas dans la pluralité nationale qu'a connu le muet (avec des styles différents : russe, allemand, italien, français), le cinéma parlant est très vite confiné dans des codes narratifs moins surprenants, moins riches qu'à l'époque du muet, codes issus du cinéma US. Voyez le cinéma classique de, je ne sais pas, l'année 1950 dans le cinéma mondial (avec ces entrés et sortis champs en début et fin de scène et champs contre champs à l'intérieur) et l'année, je ne sais toujours pas, 1924, et vous verrez que l'inventivité, la créativité, la recherche et les leurres également, étaient plus riches à l'ancien temps.

Les années 30 sont encore des années électriques, de recherches et d'apprentissage. Un chien qui rapporte est un parfait exemple de cela, il en même un exemple phare. On sent d'abord la double tentation, celle du dialogue très écrit et forcément très statique à l'image, très théâtral en somme et d'un autre côté la tentation du musical (chanson, musique "dans le cadre", sifflements, accordéon, etc).

Mais le film est encore baigné de la liberté du muet, la folie possible d'une narration déchaînée. Il y a des défauts comme ces dialogues très "expositionnels" avec des plans de coupes de bateaux qui passent pour gérer des ellipses aussi lourdes que le texte. Texte qui doit être dit pour "expliquer comme il faut" les choses. La narration entre montages parallèles et scènes informatives est laborieux et maladroite… mais significatifs d'une époque.

D'un autre côté, on a des scènes d'une impudence terrible pour l'époque. La présentation du personnage principal est osé mais sublime: plans de décors, de corps, jambe, buste, etc qui finit par prendre une unité que tardivement dans la scène. Jolie présentation d'un personnage de "femme facile". Elle est facile, un corps avant d'être une femme…

Jean Choux se lâche encore plus par la suite. Il ose des axes inédits comme une plongée absolue comme filmée du plafond, ou bien encore des accélérés dans la voix d'une voisine barbante et même une utilisation de retours en arrière. Surprenant.

Le seul défaut du film est son scénario guère passionnant, très, trop, vaudeville : des filles faciles découvrent le moyen d'accrocher les hommes riches par l'utilisation d'un chien savant qui monte dans les voitures de riches, les contraignant à le ramener chez lui.

Mais attention, le titre est trompeur, ou ironique, ce qui revient au même chez Jean Choux : le chien du "Chien qui rapporte" n'est pas celui qu'on croit, il s'agit en fait d'Arletty elle-même. Personne n'osera me contredire, cette femme "a sacrement du chien" et personne ne pourrait lui résister.


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