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Forum : Les Fraises sauvages

Sujet : Un classique, diversement apprécié


De stronibein, le 19 février 2010 à 14:14

Curieux que personne n'ait encore donné un avis sur ce film.

Je vais donc le faire en passant, au choix, pour un iconoclaste, un plouc, un inculte ou un provocateur.

Le cinéma de Bergman m'ennuie prodigieusement, et "Les Fraises Sauvages" n'échappent pas à la règle.

J'ai essayé de le regarder lors de sa récente diffusion télévisée, mais je n'ai pas tenu plus de 15 minutes.

Dans les années 65/70, ma future femme et moi n'aurions manqué un Bergman à aucun prix, mais il nous arrivait de trouver le temps long et de penser (j'en ai honte!) au petit restau du quartier latin qui nous attendait ensuite.

Je ne suis pas le seul à blasphémer contre le cinéma scandinave, ses longueurs, sa vision protestante hard du monde, ses non-dits, ses silences, ses plans interminables et son côté "heavy", puisque j'ai failli me fâcher avec des amis à qui j'avais recommandé d'aller voir "Ordet", de Dreyer.

Quand Woody Allen (grand admirateur de Bergman) est arrivé pour nous parler des mêmes problèmes avec bien plus de légèreté et d'humour, j'ai rangé Bergman et Dreyer au rayon des archives d'où ils ne sont jamais ressortis. D'ailleurs, quand Woody a rendu hommage à Bergman avec son film "Intérieurs", il y a si bien réussi qu'on regarde sa montre au bout de 30 minutes.

Personnellement, l'une des plus grandes déceptions de ma vie de garçon a été de constater que les fantasmes d'ados boutonneux sur les Suédoises faciles n'étaient que du vent, qu'un voyage en Scandinavie dissipait illico. Quiconque n'a pas cherché sous la pluie, en août, un restau ou une cafète encore ouverts à 20h30 à Trondheim ou à Bodo n'a pas connu la vraie Scandinavie, celle où un demi de bière coûte 9 euros !

La Scandinavie est splendide, mais les Scandinaves ne sont pas d'une gaieté folichonne. Et leur cinéma leur ressemble…


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De starlight, le 19 février 2010 à 15:02

Tout à fait d'accord avec votre commentaire…. et je me garderais bien de donner une note à ce film ou à la filmographie en général d'Ingmar Bergman, tant j'hésite pour les appréciations que j'ai de cet Auteur…

Dans les années 60 il était de bon ton d'aller voir les films de Bergman… J'étais en fac de Droit et côtoyais des collègues de la fac de Lettres qui essayaient de décoder les messages subliminaux cachés ça et là… Comme vous, je me suis fait des "ennemis", en estimant qu'il aurait été "criminel" de laisser visionner de tels films à des copains dépressifs !

Je repense plus précisément à ce film morbide "Le silence" où l'on partageait les angoisses d'Ingrid Thulin derrière les vitres embuées d'un train improbable… et où, d'après certains, la clef philosophique se trouvait chez cet enfant qui urinait (sic) sur le trou de serrure d'une porte !….

Je considère par contre "La Source" comme une allégorie moyennageuse digne d'intérêt, ne serait-ce que par le jeu subtil des éclairages en "noir et blanc" et la présence emblématique de Max Von Sydow.


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De Impétueux, le 19 février 2010 à 17:04

Tout à fait d'accord avec vous deux : la parenté de génération qui est d'évidence la nôtre nous permet de considérer d'un œil mi-attendri, mi-effaré ces années terroristes où la doxa cinématographique (lisez là-dessus tout ce qu'a écrit notre ami Arca) exerçait un magistère spirituel absolument totalitaire…

Si, à la surprise de stronibein, dont j'ai apprécié la verve narquoise envers les Scandinaves moralistes et ennuyeux, Les fraises sauvages n'avaient, jusqu'à son commentaire, suscité aucune réaction sur DVDToile, c'est que ce site d'amateurs souvent passionnés préfère sans doute oublier qu'il fut un temps, aux deux tiers de l'autre siècle, où ce cinéma cafard et constipé apparaissait comme l'horizon insurpassable de la modernité.

Je ne sais pas d'ailleurs si nous avons bien raison d'exhumer ce cadavre desséché…


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De vincentp, le 20 février 2010 à 12:05
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Allons donc, Papa ! Non, Bergman n'est pas un artiste surfait ou daté… Bel et bien au contraire un des vingt et un cinéastes majeurs du siècle dernier (avec Ozu, Mizoguchi, Kurosawa, Renoir, Rossellini, John Ford, Fritz Lang, John Huston, Hitchcock, Visconti, Antonioni, Chaplin, Sternberg, Orson Welles, Fellini, Satyajit Ray, Dreyer, Kubrick,Bunuel, Eisenstein…).

L'attente des femmes, Monika, Sourires d'une nuit d'été, à un degré moindre Jeux d'été constituent des sommets cinématographiques des années cinquante, et ont toujours leur place dans le panthéon du cinéma. Les fraises sauvages, très renommé, n'est pas forcément le plus réussi des films de son auteur… Mais relisez mon argumentaire publié sur le fil L'attente des femmes (je ne tiens pas à réexprimer à nouveau la même chose). Il y a une part de gravité et d'austérité propre à la culture scandinave dans les films de Dreyer, Bergman, (voire Lars Von Trier, plus récemment) et tout est plus une question d'accoutumance, que de qualité -indéniable-…

Les fraises sauvages parle du temps qui passe, des relations familiales, des rapports entre la culture et la nature… Tout de même mieux que Le congrès des belles-mères !


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De Impétueux, le 20 février 2010 à 19:04

Ah, cher Vincentp, votre côté bon élève me ravira toujours… On croit quelquefois, à vous lire, parcourir un palmarès d'allure scientifique, comme si le cinéma, ici, là et ailleurs, était une donnée objective…

A n'en pas douter, les noms que ceux que vous citez sont ceux qui sont les plus souvent cités lorsque l'on collationne les livres, articles, encyclopédies, sommes critiques du Septième Art ; et ce qui m'émerveille, c'est que tous ces grands noms, vous les aimez tous, et que vous êtes prêt à écrire un jour un ouvrage du type Les vingt réalisateurs dont il faut avoir vu les films

J'écris cela cum grano salis et avec toute la sympathie que j'ai pour vous, mais aussi avec l'œil amusé de qui revendique le bonheur des incohérences…

Quant à l'idée que nous puissions nous intéresser à la gravité et à l'austérité de la culture scandinave, ses ciels bas, ses alcoolisations forcenées, ses taux de suicide records, son moralisme luthérien et tutti quanti…. voilà qui me laisse perplexe…


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De vincentp, le 3 avril 2010 à 14:14
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Le bilan forcément subjectif que j'établirais aujourd'hui au sujet de Bergman serait le suivant (ayant vu à ce jour 25 de ses films et plusieurs documentaires consacrés au cinéaste).

Les fraises sauvages, sujet de la polémique de ce fil, doit sa renommée à mon sens au fait qu'il a consacré le cinéaste sur la scène internationale (avec Sourires d'une nuit d'été, découvert lors d'un festival de Cannes). Il n'est à mon avis pas forcément plus réussi que d'autres films du cinéaste suédois des années cinquante. On peut comprendre que le tapage excessif mené par des critiques-terroristes ait irrité des spectateurs.

Parmi les grandes réussites (à mon sens) de Bergman : de nombreux films des années cinquante comme Monika, L'attente des femmes, Sourires d'une nuit d'été. Du cinéma épicurien, parfait sur le plan de la mise en scène. Des images magnifiques de l'été scandinave. Une œuvre alors marquée par des répliques fabuleuses et modernes (exemple, sur le déroulement d'une existence dans Rêve de femme "Toute chose a un commencement et une fin", sur le fait de vieillir dans La nuit des forains de mémoire "on m'a appelé pour la première fois Madame"). Difficile de ne pas adhérer à cette époque de l'œuvre du cinéaste, de ne pas apprécier au moins quelques éléments, de ne pas relever la finesse et l'intelligence du propos, l'acuité avec laquelle Bergman aborde les rapports humains et sociaux -sous l'angle de la comédie-, son habileté à diriger des comédiens, à mettre en valeur des personnages féminins. Au cours des années cinquante, ce cinéaste est clairement en avance sur le cinéma européen de son époque, à la fois sur le fond et la forme, et aligne perle sur perle.

Par la suite, les choses évoluent, une morale luthérienne pesante semble prendre petit à petit le dessus, et contribue à bâtir une réputation de cinéaste barbant. Et puis un cinéma français, italien, … renouvelé, prend son envol et Bergman perd avec ceci ce qui a fait une partie de sa spécificité. Néanmoins, parmi les réussites incontestables des années 60 du cinéaste suédois, je citerais La source (1959, mais annonciateur des œuvres graves des années 60), mal reçu à sa sortie par le public et la critique, mais qui a extrêmement bien vieilli, car très moderne. Persona est un chef d'œuvre absolu, peut-être le point d'orgue de la carrière cinématographique de Bergman. Le silence est intéressant, novateur, magnifique sur un plan formel.

Les films des années 70 et au-delà liés aux relations conjugales, inspirés des propres déboires de Bergman m'intéressent beaucoup moins… Je ne suis pas non plus un partisan de Fanny et Alexandre (1982). Cette dernière et longue partie de cette œuvre a au moins eu le mérite d'avoir existé, et inspiré des cinéastes comme Almodovar. Citons Cris et chuchotements (1972) comme réussite incontestable de cette époque. Mais il faut s'accrocher pour le regarder…

En conclusion, je dirais que l'œuvre cinématographique de Bergman, prolifique et protéiforme, est un chef d'œuvre en soi, et que chacun peut y trouver son bonheur, à condition de chercher un peu ce qui correspond à ses propres goûts !


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De vincentp, le 17 mai 2016 à 23:35
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Une oeuvre revue dix ans après l'avoir découverte en dvd, avec un jugement revu à la hausse. Aucun doute, c'est une oeuvre majeure de Bergman, extrêmement bien écrite et filmée, sur le sujet difficile du bilan d'une vie d'un homme âgé de soixante-dix huit ans (âge canonique en 1957). On pourra chipoter sur l'interprétation de Victor Sjöström, pas totalement naturelle dans le rôle de ce professeur âgé, porté au rang de notable modèle par sa communauté. Quelques scènes semblent surjouées ou d'un intérêt discutable. Ingrid Thulin est au contraire formidable dans le rôle de la belle-fille de ce personnage principal. Le bilan de celui-ci s'avère contrasté : vie familiale heurtée, mais reconnaissance de la communauté, à laquelle il a sacrifié une partie de son temps ("j'ai passé ma vie à travailler" nous confie-t-il en voix-off). Il est plus que probable que Bergman adresse un reproche implicite à son propre père, pasteur rigoriste…

Ce sont les qualités formelles de Les fraises sauvages qui emportent in fine notre adhésion. Une lumière blanche intense entoure les scènes représentant les souvenirs d'enfance du professeur, errant dans un halo sombre au beau milieu des scènes du passé. Prouesses et inventivité de la mise en scène. La multiplicité des plans enserre les personnages sous notre regard, décrivant gestes et attitudes très représentatives de pensées et sentiments, de leurs élans et impulsions (travelling avant par exemple sur le bureau du professeur, très explicite sur les comportements de celui-ci). On remarque combien la communauté urbaine, ses aspects sociaux et politiques intéresse finalement très peu Bergman, focalisé sur les relations familiales -heurtées-, de quelques personnages dont on nous décrit en long, large et en travers les défauts et dysfonctionnements, croisés avec des éléments de réussite matérielle et intellectuelle.


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De vincentp, le 23 septembre 2018 à 19:50
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Revu sur grand écran, depuis ma place préférée (l'ouvreuse zélée pourra gueuler ou me faire un strip-tease pour y asseoir de façon particulièrement gonflée les éternels retardataires : je n'en bougerai pas). Cette place m'a été conseillée par l'excellent Verdun, que je remercie. Comment soit-dit en passant peut-on arriver en retard de dix minutes pour un film qui en dure quatre-vingt dix ? Mystère.

Revenons à Les fraises sauvages. Le film est tout simplement parfait (pas une seconde inintéressante, pas un plan gratuit), mais il faut aimer le genre auquel il se rattache : le drame psychologique familial, à base de dialogues sophistiqués, avec sans doute l'influence des dramaturges scandinaves. Les qualités du film sont évidemment innombrables, un commentaire consiste simplement à en exprimer un ressenti subjectif.

Admirable Ingrid Thulin, naturelle, et qui contrebalance le jeu un peu guindé des acteurs masculins. Une force – mais peut-être aussi une faiblesse (cela dépend du point de vue que l'on porte au cinéaste) – de l'univers de Bergman est son caractère intemporel et universel. La société suédoise des années 1950 est très peu visible, quelques décors dépouillés avec peu de personnages, le sujet est la psychologie des personnages. Les fraises sauvages reste très moderne en 2018. A mon avis, il s'agit d'un des dix meilleurs films de Bergman, un des chefs d'oeuvre du cinéma d'auteur forcément incontournable, mais mes préférences iront vers d'autres œuvres du cinéaste (Jeux d'été,…).


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