Car la raison d'être du film m'aurait semblé devoir encore davantage braquer le plus vif des éclairages sur celui qui se prête naturellement, dans une ébouriffante autosatisfaction et avec un art consommé du cabotinage à une leçon de choses. Les bouffons les plus sanglants comme Idi Amin Dada, à qui Schroeder a consacré un de ses premiers films méritent qu'on aille avec eux jusqu'au bout pour qu'on se rende bien compte de l'étendue de leur folie.
Le parcours de Jacques Verges est évidemment plus tortueux et complexe que celui du dictateur ougandais ; mais une fois énoncée l'évidence apparente que toute l'activité de L'avocat de la terreur a été fondée sur une haine du colonialisme qui l'a fait s'acoquiner avec François Genoud, banquier suisse nazi (exécuteur testamentaire d'Hitler et de Goebbels), financier du FLN, Carlos, le tueur vénézuelien ou Pol Pot, l'un des plus effroyables génocidaires de tous les temps, que trouve-t-on à gratter ? Quelle est la part d'humanité, dévoyée, si l'on veut, mais réelle, qui sous-tend la cohérence essentielle d'actions apparemment incompréhensibles ?Ce qui m'aurait intéressé vraiment, c'est le démontage d'un cheminement de détermination, détermination d'aller jusqu'au bout sans se laisser arrêter par rien, surtout pas par la mort, c'est-à-dire surtout pas par la moindre transcendance.
Lorsque les militants du FLN algérien ou du FPLP palestinien déposent leurs bombes consciemment pour tuer des innocents – et frapper ainsi davantage l'opinion que par des frappes ciblées -, lorsque les Khmers rouges massacrent avec constance des catégories entières de population (les porteurs de lunettes qui sont forcément des intellectuels, donc des individus à détruire), on se rapproche de cette indifférence absolue de ce qui n'est pas le but. Et Jacques Verges avec son sourire de séducteur, ses cigares, sa capacité d'empathie, son courage physique attesté, m'ouvre de drôles de perspectives sur l'âme humaine…Jacques Vergès vient de mourir. Personnage fascinant, complexe, d'une subtilité et d'une agilité de pensée exceptionnelles. Peut-être – mais j'en doute – ses exécuteurs testamentaires livreront-ils quelque jour des secrets, notamment sur sa disparition complète entre 70 et 78. Conseiller de la Chine ? Inspirateur des Khmers rouges ?
Va savoir !…
Le parcours -trouble- de l'avocat doit peut-être être nuancé en fonction des événements qui se sont produits à partir des années 1960 (décolonisation). Ou était le bien et le mal à ce moment-là ? Cela dépend du camp dans lequel on se situait. Cet avocat a pu prendre de mauvaises routes dans les années -70 (activiste aux côtés des khmers rouges ?). Mais à mon avis, il faut en fin de vie, savoir reconnaître ses erreurs de parcours. Et faire son mea culpa, si nécessaire. Et d'une façon générale, la méthode Gandhi (voire Mandela) basée sur des agissements pacifiques est préférable.
Belle et intéressante expo Mandela à l'hôtel de ville de Paris, en juin de cette année, soit-dit en passant.
Quel angélisme ! Si quelqu'un était à cent lieues de se renier jamais, c'était bien Jacques Vergès ; son parcours au barreau, qui mêle les défenses de Carlos, de Khieu Samphan, de Slobodan Milosevic, de Klaus Barbie et de tant d'autres a toujours été, à ses yeux, d'une parfaite cohérence.
Il y a un très intéressant livre de dialogues entre le professeur Bernard Debré et lui : Le suicide de la France…
Mais bon ; on quitte le cinéma, là ; et si le film de Barbet Schroeder n'est pas très bon, revoir Vergès, qui ne recule devant rien ni personne est un plaisir…
On a semble-t-il ici affaire (je suis prudent, ne connaissant que très peu d'éléments) à une personne qui a des avis sur certains sujets idéologues et extrémistes. Etant pragmatique, et recherchant des solutions de compromis, je ne suis pas sur la même longueur d'onde que ce type d'individus. On quitte certes le cinéma, mais les docu. de Barbet Schroeder invitent précisément à le faire ! Je vous conseille de regarder son excellent documentaire sur Idi Amin Dada.
J'ai évoqué Idi Amin Dada dans mon message qui inaugure ce fil pour regretter que Barbet Schroeder n'ait pas connu la même réussite avec L'avocat de la terreur…
Que vous ne soyez pas, Vincentp, sur la même longueur d'onde que Jacques Verges n'a d'ailleurs, avouons-le, qu'une importance très relative ; l'êtes-vous davantage avec Caligula ou l'Adolf Hitler de La chute ? Sûrement pas.
Vergès était un aventurier de l'esprit, au – paraît-il – grand courage physique et à la cohérence intellectuelle indéniable, même si son parcours paraît singulier.
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