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Sujet : Le sourire d'Anne Alvaro...


De Torgnole, le 11 juin 2009 à 08:09
Note du film : 5/6

Oui, d'accord, Le Goût des Autres se passe à Rouen, notamment au théâtre des Deux Rives qui se trouve être juste à côté de chez moi, mais les qualités de ce film ne se résument pas seulement à ses choix géographiques. Toute cette mécanique est si bien huilée, les personnages, les rencontres, tout se lie et se lit à travers des dialogues écrits à la perfection sans aucune lourdeur explicative ni mots d'auteurs trop pesants. Un scénario simple et des émotions franches, des situations gênantes mais tellement vraies, des personnages pathétiques mais touchants incarnés par des acteurs au diapason, le dernier sourire d'Anne Alvaro lorsque elle aperçoit Jean-Pierre Bacri au premier rang a failli me voler une larmichette.


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De kfigaro, le 11 juin 2009 à 16:20
Note du film : 6/6

Ce qui est surtout passionnant là dedans (et en dehors de l'aspect formel "choral" plus ou moins dans la lignée d'un Sautet), c'est le fond sociologique très réaliste du propos.

La façon dont ce patron "autodidacte" (et vraisemblablement d'origine modeste) est rejeté voire méprisé d'office par une certaine élite culturelle urbaine n'a absolument rien de caricatural et repose sur des faits qui ont été analysés non seulement par Bourdieu mais plus récemment par Lahire ou Coulangeon.


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De Torgnole, le 11 juin 2009 à 17:01
Note du film : 5/6

La comparaison avec Claude Sautet est intéressante, le regard sociologique d' Agnès Jaoui est peut-être un peu plus cynique même s'il est vrai que ses personnages sont réalistes et ne font que frôler la caricature sans jamais tomber dans la grossièreté. De plus, les films de Jaoui paraissent plus légers, moins dramatisant, cela est peut-être dû en partie à l'ambiance moins enfumée et alcoolisée.(que voulez-vous, à chaque film de Sautet, je suis tenté de faire une radio des poumons…)


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De Tamatoa, le 10 août 2012 à 21:56
Note du film : 5/6

le dernier sourire d' Anne Alvaro lorsque elle aperçoit Jean-Pierre Bacri au premier rang a failli me voler une larmichette… nous dit Torgnole.

Et bien en voilà une deuxième ! Ne soyons pas honteux de nos vraies émotions. Parce que j'ai vu un bon, un très excellent film ! Une descente en règles dans nos "moi" profonds, et si "je" est un autre, Le goût des autres met de l'ordre dans toute cette marmelade psychoridiculogique. Agnés Jaoui, pour son coup d'essai, nous emmene en voyage très organisé dans ce qui fait Nous. Nos grandes ambitions et nos actes manqués. Nos petits héroismes et nos lâchetés rentrées, ce que nous n'avons jamais su être et ne serons jamais. Elle nous donne rendez-vous dans un lieu que Audiard n'aurait pas renié : "-Au rendez vous des prétentieux !-"

C'est un régal que de voir ces acteurs baissant les yeux et la tête et le coeur pendant les trois quarts du film, jouer aux autos-tamponneuses avec leurs sentiments, leurs grands espoirs et l'inéluctable qui est leur lot. Formidable Jean-Pierre Bacri, jouant les abrutis et pourtant, le plus conscient de tous. Virevoltant avec les autres dans le grand maelström de la vie, il sera le seul à ne pas se faire avoir en redressant la tête au moment oû on s'y attendait le moins. Quel bel acteur. Et il n'est pas seul à la table des sensations et de la tendresse : Son garde du corps, Gérard Lanvin tourbillonne lui aussi, plus physique qu'intello, toujours le cul entre deux chaises de solitude et d'espoir restreint. Ces chaises bancales qu'il partage comme un pain de désespoir avec un Alain Chabat chauffeur de maitre, trimballant une âme d'adolescent mélancolique. Et c'est Anne Alvaro, théâtreuse Bérénice pourtant pas mieux logée que les autres, qui sera ce phare dispensant par son sourire de bonheur, la lumière de la fin. Car avant d'être Lumière, elle sera douleur, hésitante, engoncée et si pâle. Qu'ils sont beaux ces va et vient entre pudeur et indécence. Qu'ils sont donc vrais tous ces gens, ces autres, qui tournent et valsent dans ce bal masqué de la vie. Qu'il y en a du monde, beau et moins beau, bon et moins bon, autour de ce chef d'entreprise moustachu qui, même une fois rasé, fera les frais du regard des autres. Parce que le grave du sujet passe, adroitement, par une fantaisie ironique..

Un bien bel exercice de style de la part d' Agnés Jaoui qui a tapé au plus juste niveau acteurs. Comment traiter le pesant de nos coeurs, de nos "moi" ennivrés avec le léger de l'amour. Et le leger tout court d'ailleurs car son film est plein de cet humour qui nous est nécéssaire pour faire croire que. Et si elle même n'est peut-être pas très crédible en femme facile, ou qui voudrait l'être, elle nous livre la ballade des gens peureux avec une dextérité redoutable. J'avoue avoir eu peur qu' on prononce mon nom pendant cette escapade chez les perdus. Il est tellement ou trop ( c'est selon ) humain ce film ! C'est tellement Le gout de Nous ! Oui, la peur nous gagne vite au fur et à mesure que cette chronique de la gêne ordinaire s'intensifie. Si une chatte n'y retrouverait pas ses petits, nous avons vite fait de nous y reconnaitre. Et puis :

le dernier sourire d' Anne Alvaro lorsque elle aperçoit Jean-Pierre Bacri au premier rang a failli me voler une larmichette..

Ouf ! Merci Bérénice… C'est vrai, la lumière, ça existe ! J'ai presque failli l'oublier..


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De Impétueux, le 4 août 2014 à 13:13
Note du film : 5/6

C'est bien dommage qu'Agnès Jaoui soit tout, sauf une réalisatrice et qu'elle n'ait pas confié à un vrai metteur en scène le tournage d'un film qui, pour une fois, n'était pas l'adaptation d'une pièce de théâtre mais une œuvre originale intelligente, subtile, profonde, souvent émouvante et magnifiquement interprétée.

Ça sent encore un peu trop les conventions de la scène (par exemple cette manie de faire se retrouver les protagonistes à tout bout de champ dans le même bistro ; je sais : c'est là que se nouent les intrigues, mais c'est tout de même artificiel et maladroit), mais ça s'échappe enfin, après Cuisine et dépendances et Un air de famille à la restriction de l'intrigue dans un cadre trop étroit. Et malheureusement, Agnès Jaoui ne retrouvera pas ensuite la qualité du Goût des autres en s'égarant dans des récits moins harmonieux, avec Comme une image et Parlez-moi de la pluie (je n'ai pas vu sa dernière production, Au bout du conte).

L'idée de la confrontation entre le self-made-man Castella (Jean-Pierre Bacri) et le monde de la culture subventionnée, si souvent parasitique a sûrement quelque chose à voir avec la liaison qui a longtemps uni à la ville Bacri et Agnès Jaoui et continue à les unir dans le travail, lui issu d'un milieu modeste, elle fille d'intellectuels aisés. Cette espèce de choc qui rend si incommunicables les univers est traité avec une charmante férocité, avec toute la complexité requise ; d'ailleurs l'incommunicabilité ne touche pas simplement les relations entre Castella et la bande des théâtreux qui le méprise puis en profite : elle touche aussi les rapports entre Castella et Weber (Xavier de Guillebon), le polytechnicien chargé d'améliorer la gestion de l'usine, Weber dont on est sûr qu'il aurait un mal dissemblable mais analogue à s'insérer dans la bande… Bande qui peut, en revanche incorporer, au moins superficiellement, Manie (Jaoui elle-même), serveuse de bar, mais qui fait partie du monde de la nuit…

Tout groupe humain est hérissé de codes sociaux, intégrés au cours des années de formation ou lentement assimilés au prix d'un apprentissage difficile mais dont la pratique, si elle n'est pas innée, sent toujours un peu l'effort. Dans Angelo qui est une sorte de brouillon du Hussard sur le toit, Jean Giono caractérise ainsi une botte d'escrime redoutable dont use son héros, Angelo Pardi : C'est un coup qui demande dix ans de pratique et trois siècles de désinvolture héréditaire. Édifiant et nullement faux.

Je m'écarte un peu du Goût des autres, mais à peine ; la fin du film où, après avoir joué Hedda Gabler, cette pièce terriblement barbante du terriblement barbant Ibsen la comédienne Clara Devaux (Anne Alvaro) cherche des yeux dans la salle Castella et s'illumine dès qu'elle l'aperçoit va plutôt à l'encontre de tout cela ; cette fin est-elle crédible, pour autant ? Je me le demande et je ne gagerais pas que si l'histoire était prolongée de quelques mois elle aurait cette fin douce…

Cela étant, il est amusant de noter que seule va rester sur le carreau Angélique, la détestable ridicule épouse décoratrice de Castella (Christiane Millet), à la fois sèche, niaise, obtuse et privée de toute chaleur ; celle-là qui, sentant que son mari la délaisse, pleurniche en voyant gambader son caniche et minaude qu'il faudrait que tout le monde soit comme ça, dépourvu de méchanceté, d'hypocrisie, de violence et s'entend répondre par Bruno, le chauffeur (Alain Chabat), Alors, faut vivre à Disneyland…


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