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Forum : Un Tramway nommé désir

Sujet : Poisseux


De jipi, le 19 mai 2009 à 14:25
Note du film : 5/6

Répugnant et poisseux « Un Tramway nommé désir » répand en lieu clos toute la misère d'un microcosme dont l'environnement tranchant et sans âme ne fait qu'accentuer les sens bestiaux.

Le mari macho passe en côtoyant perpétuellement un entourage à la limite de la crasse de la domination brutale à l'imploration en se servant de la femme comme outil de défoulement ou d'apaisement.

L'ouvrier exténué par l'usine récupère le soir une énergie aux parties de cartes à la bouteille et aux colères subites pendant qu'une homosexualité féminine en puissance voit presque le jour suite à son abandon de sentiments masculins.

L'univers de Tennessee Williams révèle tout le nectar négatif d'une race humaine délabrée récupérée par la peur de vieillir, la débauche et l'instinct du fauve dans un climat d'expiation de la faute.

Tout ce temps passé à vociférer, à casser et à se rassurer n'offre qu'un spectacle lamentable, un jeu de séduction pervers à un troupeau parasité par le visuel de ses propres perceptions.

Foutaises et approximations intellectuelles se succèdent dans un contexte managé par des esprits devenus presque primaires suite à une exclusion imposée par leurs différences.

Les nerfs tendus à vif ne distribuent que des bourrades au milieu de tests de séductions rassurant un visage traqué par les premières rides.

« Un travail nommé désir » est une œuvre sociale, un cliché sordide d'une certaine catégorie d'individus parqués dans des appartements insalubres, exigus ne faisant qu'encourager tous les vices.

De la violence au racisme en passant par un bavardage autant copieux qu'inutile toute une bande de dégénérés s'exterminent intra muros, se dirigent lentement vers la folie en valorisant haut la main tous les attributs nécessaires à leurs auto-destructions.

Le film est fort mais un peu longuet.


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De DelaNuit, le 1er janvier 2014 à 21:14
Note du film : 6/6

Contournant autant que possible la censure de l’époque, le drame de Tennessee Williams rencontre le cinéma d’Elia Kazan. Il y avait à la Nouvelle Orléans deux lignes de tramway. L’une se nommait Cimetière car elle finissait là où nous finissons tous, l’autre se nommait Désir car elle menait dans l’ancien quartier français qui portait ce nom. C’est au sens propre comme au figuré que Blanche Dubois alias Vivien Leigh, ex-Scarlett déchue, emprunte la seconde ligne pour fuir la première, sa plantation ruinée, sa famille déglinguée et le scandale des trop jeunes gens auprès desquels elle trouvait quelque réconfort.

C’est cette fois-ci chez sa sœur Stella que l’ancienne belle du sud trouve refuge. Mais malgré son prénom scintillant, cette dernière, mariée à un Polonais brutal et aviné, ne peut lui offrir que ce qu’elle a. Peu importe, la fragile Blanche a les yeux pleins d’étoiles qui lui cachent la crasse des taudis. Mais entre les étoiles et la crasse de l’ancienne villa française décatie, surgit face à la nymphe vieillissante la force virile ruisselante de testostérone du faunesque Marlon Brando pour une confrontation dont le théâtre comme le cinéma ne se sont jamais complètement remis.


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De DelaNuit, le 19 décembre 2014 à 14:03
Note du film : 6/6

En version originale, c'est aussi Blanche Dubois, car elle est d'origine française… (comme la mère de Scarlett O'Hara, née Robillard, dans Autant en emporte le vent). D'où également le nom de sa plantation perdue : "Belle rêve". L'origine française d'un certain nombre de familles et quartiers du sud (dont le fameux quartier du Désir où conduit le tramway) font partie intégrante de l'atmosphère.

Citons au passage la remarquable partition d'Alex North (à qui ont doit aussi celle du film Les désaxés / The misfits) dont les moites influences jazzy ne sont pas pour rien dans ladite atmosphère.

Je recommande à tout amateur du film Un tramway nommé désir la lecture de la sulfureuse pièce de théâtre de Tennessee Williams, facilement disponible en livre de poche, afin de découvrir notamment les passages coupés pour des raisons de censure dans la version cinématographique. Ainsi, la cause du suicide du mari de Blanche… à rapprocher de La chatte sur un toit brûlant.

Et pour retrouver la fragile Vivien Leigh dans de semblables rôles de belles vieillissantes et abimées par la vie, je ne saurais trop recommander la vision de La nef des fous : la scène cruelle et pathétique devant le miroir suivie de l'altercation violente avec Lee Marvin sont impressionnantes !

Et puis bien-sûr Le visage du plaisir (ce dernier également inspiré de Tennessee Williams, d'après son roman "Le printemps romain de Mrs Stone"), face au bellâtre gigolo Warren Beaty. Tous deux sont sortis en dvd.


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De Impétueux, le 28 octobre 2020 à 21:41
Note du film : 5/6

Il y a sûrement quelque chose un peu maléfique, assurément quelque chose de malsain dans l'atmosphère trop touffue de ce Sud profond des États-Unis, d'où nous arrivent, comme ça, des bouffées de haine et de dégoût, des histoires de folies et de frustrations qui surgissent au milieu des bayous, des tulipiers chargés de mousse espagnole, dans une atmosphère étouffante. On songe aux horreurs de Angel heart d'Alan Parker, à la cruauté de Chut, chut, chère Charlotte de Robert Aldrich.

Et à toutes les folies et frustrations imaginées par Tennessee Williams qui a scruté sa contrée natale avec une certaine fascination méprisante. Il y a sans doute assez peu d'auteurs dramatiques qui aient été aussi vite et aussi facilement adaptés au cinéma. Si Baby doll d'Elia Kazan a été directement écrit pour l'écran, La rose tatouée de Daniel Mann, La chatte sur un toit brûlant de Peter Brooks, Soudain l'été dernier de Joseph Mankiewicz, L'homme à la peau de serpent de Sidney Lumet et j'en oublie sûrement ; dans tout cela l'humidité poisseuse du Sud.

Et avant même tous ces films, le succès triomphal de Un tramway nommé Désir, qui donnera à Vivien Leigh son deuxième Oscar d'interprétation et son dernier triomphe et qui révélera au public l'extraordinaire talent de Marlon Brando. La force du récit est assez grande pour permettre d'oublier la théâtralité des dialogues et la façon finalement assez sage dont Elia Kazan filme un presque huis-clos, une histoire de névrose confinée dans deux pièces minables et un petit bout de trottoir de la Nouvelle Orléans.

Blanche Dubois (Vivien Leigh) y rejoint, après plusieurs années de séparation sa soeur Stella (Kim Hunter) ; elles sont issues d'une de ces familles patriciennes du Sud profond, écrasées lors de la Guerre de sécession et condamnées par la victoire du Nord industrieux et rapace à péricliter et disparaître. On ne sait ni comment ni pourquoi Stella a épousé Stanley Kowalski (Marlon Brando) un ouvrier d'origine polonaise, violent, brutal, buveur, qui aime la castagne et le poker ; tout ce qu'on voit et comprend, c'est qu'elle lui est absolument assujettie sexuellement. Mais elle est aussi absolument attachée à sa sœur ; on ne verra que bien plus tard qu'elle en connaît les failles et les déséquilibres.

Aux yeux de tous, Blanche apparaît comme une jeune femme fragile, raffinée, un peu évaporée, dont la distinction, la beauté, la délicatesse agacent et intriguent son beau-frère Stanley/Brando mais émerveillent et séduisent Mitch (Karl Malden), un camarade de Stanley, brave garçon qui vit avec sa vieille mère malade et qui voudrait bien épouser l'oiselle.

Le récit progresse avec une savante lenteur, instille graduellement des doutes, des ambiguïtés, des questionnements. Blanche a d'emblée avoué à sa sœur Stella qu'elle a dû abandonner la propriété familiale Belle rêve, qu'on imagine un peu comme la Tara de Autant en emporte le vent, peu à peu réduite puis dévorée par les hypothèques ; qu'elle a dû, par fatigue, renoncer à sa place de professeur ; qu'elle est veuve et qu'elle ne peut pas se remettre de la mort de son mari. À l'ouverture de ses bagages, on a pu découvrir tout un fourbi de robes de soirée, de colifichets, de bijoux. Des bruits insinuent qu'avant d'arriver à la Nouvelle Orléans, elle ne menait pas la vie sage d'une veuve éplorée. Et que sa manie de prendre continuellement des bains brûlants confine à l'obsession.

La folie de Blanche, de fait, ne se dévoile que peu à peu ; si on peut sentir dans la graduation dramatique trop habile un peu des constants procédés de la scène, c'est tellement bien fait qu'on se laisse emporter dans l'enfoncement morbide, névrotique du personnage. Chaque séquence ajoute au portrait de cet esprit déséquilibré, halluciné, obsessionnel, qui dissimule sa nymphomanie comme elle cache ses rides naissantes.

Je suppose que les spectateurs qui ont découvert Marlon Brando dans Un tramway nommé Désir ont saisi d'emblée qu'ils se trouvaient devant une de ces révélations comme il n'y en n'a pas plus de deux ou trois par décennie. Violence, douceur, séduction, indifférence, agressivité, rapacité, ivrognerie : dans tous les registres, il est exactement dans le ton. Il avait alors 27 ans. Au moment du tournage du film, Vivien Leigh avait déjà 38 ans ; elle souffrait de plus en plus de troubles bipolaires qui la plongeaient successivement dans l'accablement dépressif, l'explosion de rage, puis la perte de conscience ; comment ne pas voir ce que cette affreuse maladie a pu apporter à la qualité de son interprétation où elle est, de fait, absolument bluffante ?

Malsain, malade, désagréable. Un grand film.


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