Le fascisme se caractérise entre autres par un bizarre mélange d'intelligence opportuniste et de bêtise à hurler; et de même, la censure fasciste (*). Et c'est ce côté bêtise crasse de la censure fasciste qui s'est manifesté dans le cas de Noi vivi. Ils n'y ont vu que du feu ! Adapté librement d'un roman à clé de la philosophe conservatrice Ayn Rand (américaine d'origine russe, persécutée dans sa jeunesse par le régime soviétique), Noi vivi est très officiellement un film anticommuniste, qui raconte une histoire de personnages dont la vie est écrasée par le régime communiste. Mais n'oublions pas que l'Italie est le pays qui a vu naître le mot totalitaire («totalitario», apparu en 1924 sous la plume du penseur et politicien libéral Giovanni Amendola) pour désigner à la fois les régimes fasciste et communiste. Alors, selon l'angle qu'on choisit, parler de l'un peut être parler de l'autre. Et donc, dans ce film du fort astucieux Alessandrini – qui est bien sûr surtout une sacrée curiosité plutôt qu'un chef-d'oeuvre – vous avez sous le pavé anticommuniste, la plage antifasciste qui génère une critique toujours indirecte mais dure du régime de Mussolini. Or la censure ne se réveilla qu'après cinq mois d'un très grand succès en salle (on était en 1942). Toutes les copies furent alors détruites par le régime, mais un négatif, fort heureusement, survécut. En fait il existait deux versions du film qui furent fusionnées lors de la découverte des négatifs à la fin des années 60 pour donner, à peu près 40 ans après la première sortie du film, Nous, les vivants avec la star Alida Valli. Je le possède sur VHS avec sous-titres anglais (un des rares films italiens qui passaient à CBC, le pendant anglophone de Radio-Canada).

(*) Voici une pasquinate, c'est-à-dire une blague sur le régime qui circulait clandestinement : « Y-a-t-il des fascistes sincères ? – Mais oui. – Y a-t-il des fascistes intelligents ? – Bien sûr. – Y a-t-il des fascistes sincères et intelligents ? – Comment veux-tu. S'ils sont sincères, ils ne sont pas intelligents; s'ils sont intelligents, ils ne sont pas sincères ! » Cité par le Comte Sforza dans Les Italiens tels qu'ils sont (1944).

Je ne l'avais pas prévu, mais pourquoi pas ! Je vais à tire d'aile papillonner sur d'autres fiches…

Bah, mon prochain récit d'anticipation comportera l'apparition de moustiques d'hiver, fruits d'une petite expérience génétique qui a un brin mal tourné. Et plus il fait froid, plus ils se multiplient…

Excellente question, sur laquelle je vais devoir supputer ! Mais s'il s'agit bien d'une dystopie, elle est surtout politique et guère climatologique. Mes moustiques chéris seront là surtout pour le dépaysement…