Cette charge de la brigade légère des années 30 fait aujourd'hui l'objet de débats.
Si les amateur du cinéma des années 30-40 le considèrent comme un grand classique, ceux qui ont vu en premier la version de la fin des années 60 de La charge de la brigade légère ont plus de mal. En effet, cette version plus récente utilise cet épisode militaire pour brocarder la violence meurtrière imbécile de militaires bornés menant leurs troupes au massacre.
Pour autant, on peut aussi considérer que la version de Curtiz n'est pas une simple ode guerrière à la gloire des héros au premier degré. On y voit clairement que le personnage interprété par Errol Flyn désobéit à ses supérieurs pour lancer sa brigade de cavalerie contre les canons russes à Balaklava tout en sachant pertinemment qu'il les mène au massacre et au suicide.
A cela, plusieurs raison : la volonté de se venger d'un sultan allié des russes, l'espoir que ce gigantesque suicide collectif servira néanmoins les alliés anglo-français en leur ouvrant une brèche dans le front russe… et puis le désespoir d'avoir perdu l'amour de Olivia de Havilland, qui lui préfère son frère cadet…
Ainsi le personnage d'Errol Flynn n'est ici finalement pas si loin – toute proportion gardée – de son rôle du capitaine Custer menant ses hommes au massacre dans La charge fantastique de Raoul Walsh.
Quant au poème de Tennyson qui inspira le film de Curtiz, ne nous y trompons pas : pour ce chantre de la légende arthurienne, il s'agit de mettre en vers des mythes et non pas une réalité historique.
Les deux versions de cette histoire semblent donc plus complémentaire qu'antinomiques.
Alors comme ça cher Vincent vous ave été déçu par ce film rempli de clichés colonialistes ? Dans ce cas je vous recommande un antidote: le remake décapant et iconoclaste réalisé en 1968 par Tony Richardson.
Et surtout La charge fantastique qui sur un sujet quasi-identique, avec les mêmes acteurs principaux, transforme des lieux communs et une vision un peu simpliste de l'histoire en un portrait mémorable d'un personnage hors-norme. Deux films à visionner en parallèle, pour mesurer les limites de l'un et les énormes qualités de l'autre.
J'oublie ma bile noire et reviens au film, qui est magnifique. D'abord parce qu'il est, pour son époque de tournage, extrêmement original. Déjà il est féroce, brutal, sans pudeur : la tuerie des malheureux prisonniers de la citadelle de Chukoti, capturés par fourberie, est d'une violence rare : femmes et enfants sont massacrés sans aucune pitié et Curtiz ne s'interdit pas, tout à fait à raison, de montrer la dépouille sanglante de Prema, charmant petit garçon indigène (Scotty Beckett) et de sa mère. Il n'est pas si fréquent que ces réalités soient montrées aussi crûment.
Puis parce que s'entrecroisent, s'entrelient avec beaucoup de finesse les développements diplomatiques et militaires qu'aboutissent aux scènes de bataille et l'histoire personnelle du commandant Geoffrey Vickers (Errol Flynn) dont la fiancée Elsa Campbell (Olivia de Havilland) préfère le frère Perry (Patric Knowles). Je n'ai pas vraiment souvenir que le principal interprète et héros flamboyant d'un film rencontre de tels mécomptes. D'autant – et c'est sûrement là une des grandes faiblesses du film – que ce frère est d'une si totale insignifiance qu'on ne peut pas comprendre une seconde que la gracieuse Elsa puisse le préférer à son aîné, autrement plus séduisant. Le film est d'une très belle tenue, doté de moyens exceptionnels et magnifiquement réalisé. Les scènes de bataille sont superbes : escarmouche dans le désert, assaut et défense de la citadelle de Chukoti et, bien entendu, charge de Baklava, geste fou qui ne se comprend qu'à la lumière de la volonté de vengeance des hommes de la 17ème brigade légère sur les traîtres de Surat Kahn (Henry C. Gordon) qui ont tué sans pitié leurs frères d'armes, leurs femmes et leurs enfants.Et si on ne peut pas comprendre ça, c'est qu'on est bien près de renoncer à tout.
Page générée en 0.0051 s. - 5 requêtes effectuées
Si vous souhaitez compléter ou corriger cette page, vous pouvez nous contacter