En réponse à Freddy qui me taquinait gentiment les glandes en sous-affirmant que l'excellence lui paraissait un bien grand mot pour les oeuvres du réalisateur Olivier Assayas, je lui avais répondu de même, que je n'avais vu que ce Clean qui m'avait marqué il y a quelques années lors d'une diffusion au cinéma.

Et pour cause, après une revision du dvd à tête reposée, la photographie citadine est toujours aussi agréable à l'oeil et retranscrit le réel avec subtilité notamment pour ce qui est de la vie nocturne, chaque plan, chaque cadrage a une importance considérable et produit son petit effet affectif, esthetique et intellectuel. Les mouvements de caméra, du travelling au balayage, tiennent du génie et, tout en restant pudiques, ils accompagnent les personnages au coeur de l'action en alliant fluidité des gestes et syncopes du montage, montage rythmé tantôt par les éléments du décor, qui se renvoient parfois leur mouvement d'un plan à un autre à la manière d'une danse inspirée, tantôt par l'inéluctable fondu au noir marquant chaque partie de leur profondeur respective.

Maggie Cheung impose sa beauté froide et séduit instinctivement de par son jeu mature, jonglant avec les langues, et sa grâce naturelle qui a du en rendre amoureux plus d'un(e), le charismatique Nick Nolte campe un grand père lucide et mystérieusement humaniste, son aura émouvante est accentuée par une voix profonde aux nuances complexes de sagesse et d'amertume. Les différents personnages croisés semblent froissés par la vie mais épanouis et beaux comme des oiseaux de nuit, de Elena (Béatrice Dalle) à Irène Paolini (Jeanne Balibar) ainsi que le très jeune Jay en passant par le chanteur et compositeur Tricky interprétant son propre rôle.

Voilà comment avec talent et inspiration on peut réaliser une grande oeuvre, à la manière de Lost in Translation. Le scénario est très simple, le budget limité, mais le résultat est équilibré et déborde de grâce, de profondeur, d'émotion, de beauté. Alors même si les autres films d'Assayas, que je n'ai pas vus, semblent médiocres en se partageant beaucoup de critiques virulentes (peut-être méritées), on ne m'otera pas de l'esprit que c'est un excellent réalisateur, car Clean me suffit pour juger de son potentiel.