D'un style narratif classique au possible, mais qui a fait ses preuves, ce téléfilm sur la première chirurgie cardiaque – elle fut réalisée sur un bébé ! – m'a vraiment accroché. Le tout repose en bonne partie sur le jeu complémentaire de deux excellents acteurs, quelques mesures de jazz et une ligne de piano, une photographie bien réussie pour de la télé, un récit qui court grosso modo sur quarante ans (1929-70). Deux sujets sont emboîtés dans cette histoire authentique : les miracles de la science et la discrimination raciale.

Le docteur Alfred Blalock, grand chirurgien, est un personnage simple en apparence, mais en réalité retors. Chirurgien aux doigts de fée c'est sûr, brave homme sans aucun doute, mais en même temps… comment dire… son attitude est ambiguë. D'un côté, il est absolument dépourvu de préjugés. Alors, que son assistant de laboratoire soit un Noir, lui n'y voit pas le moindre problème, n'y pense même pas en ces termes, ce qui, dans les États-Unis des années 30, fait de lui un excentrique. Mais d'un autre côté, cet excentrique est un conservateur qui se conforme aux normes en usage, du moins à l'extérieur de son royaume, le bloc opératoire, l'hôpital… Alan Rickman est parfait, et son accent du Sud aussi. Face à lui, le dénommé Mos Def, que je ne connaissais pas, est tout aussi crédible et nous fait croire à ce destin hors norme d'un charpentier qui devient peu à peu chirurgien de fait sous nos yeux éblouis, avant d'être enfin reconnu à la fin de sa vie comme le docteur Vivien Thomas.

Passionnant.

Vivien Thomas (en haut à gauche) se tient derrière le chirurgien Alfred Blalock (en train d'opérer).