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Sujet : Une Italie révolue... mais éternelle


De Arca1943, le 28 mars 2004 à 05:30
Note du film : 6/6

C'était dans Le Journal de Montréal il y a seulement trois ou quatre ans : en Sicile, un vieux communiste a poursuivi en cour l'église de son village car « le bruit des cloches nuisait à son repos ». Il semble que c'était là un nouvel épisode d'une série d'escarmouches entre ce citoyen et le curé local. Ça valait bien la peine que les Italiens se décarcassent pour nous expliquer que l'Italie du Petit monde de Don Camillo est révolue…

Non ! Elle n'est pas révolue et ne le sera jamais, grâce aux contes impérissables de Giovanni Guareschi, grâce à Fernandel et à Gino Cervi, grâce à Julien Duvivier et ses collaborateurs, qui tous ont su la rendre si extraordinairement vivante.

Arca1943


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De David-H, le 26 juillet 2005 à 13:14
Note du film : 5/6

Ajouter quelque chose à ce film tellement mythique semble aujourd'hui difficile. Les célèbres aventures de Don Camillo et de Peppone sont le fruit d'un cinéma d'un autre temps mais la solidité du récit de Duvivier et de Barjavel lui attribue une vocation quasiment historique désormais, en songeant par exemple aux visions actuelles du Christianisme et du Communisme, très divergentes depuis cette période italienne de l'après-guerre. Si le Petit Monde de Don Camillo faisait beaucoup rire il y a plus de cinquante ans, il ne fait plus que sourire dorénavant -car l'humour vieillit parfois mal- mais il instruit, certainement…


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De Arca1943, le 11 août 2006 à 13:11
Note du film : 6/6

« …mais la solidité du récit de Duvivier et de Barjavel lui attribue une vocation quasiment historique… »

Et la solidité des miraculeux contes de Giovanni Guareschi, qui sont, avant l'excellent film, un des grands plaisirs de lecture du XXème siècle.


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De Impétueux, le 24 mars 2013 à 22:20
Note du film : 6/6

Regarder aujourd'hui Le petit monde de Don Camillo avec attention et œil bienveillant et critique, – alors qu'on a vu le film dix fois, lors de sa sortie, mais aussi, un peu distraitement sans doute lors d'un de ses multiples passages télévisés – se pencher sur cet immense succès public, c'est un peu comme relire en adulte un bouquin formidable qui avait enthousiasmé l'enfant qui l'avait découvert.

Parce qu'il y a, comme ça, des œuvres universelles et durables qui peuvent faire le lien entre les générations et qu'on aime et apprécie qu'on ait dix ans ou soixante… Peut-être pas Jules Verne, mais sûrement Alexandre Dumas, par exemple ; seulement combien d'adultes prennent la peine de relire Les trois mousquetaires ou, mieux encore, Le comte de Monte Cristo ?

Eh bien, re-vision faite hier du premier volet des aventures de Don Camillo et de Peppone, j'ai l'immense plaisir d'annoncer Urbi et Orbi (la Semaine Sainte commence !) que c'est encore mieux que dans le souvenir, d'autant que, l'histoire étant connue, et les morceaux de bravoure assimilés, on peut concentrer l'attention sur le paysage global et les scènes secondaires.

On pourrait gloser des heures durant sur les raisons profondes du succès extraordinaire rencontré par la série (dont, il est vrai, les deux, voire les trois derniers épisodes peuvent aisément être oubliés) : ce n'est pas une Italie de carte postale qui est mise en scène, une Italie touristique qui, à coup de Venise, Rome, Florence ou Naples aurait pu séduire par son bel exotisme ; c'est la plaine du Pô, plate et un peu triste, perdue de brouillard ; c'est un récit dont l'histoire d'amour (entre Vera Talchi et Franco Interlenghi) est tout à fait secondaire et parfaitement symbolique ; c'est un conflit entre un prêtre solide irascible et un maire communiste coléreux et bon comme le pain, ce qui n'en fait pas précisément des héros glamorous ; c'est un film généreux, souriant, marqué d'un christianisme social essentiel, ce qui pouvait étonner dans le climat de Guerre froide qui prévalait alors.

Oh, certes Guareschi ne tient pas la balance égale entre les deux camps ; j'ai lu ici et là qu'il était clairement monarchiste et considérait (comme, je crois, beaucoup d'historiens sérieux) que le référendum de juin 46 qui fit pencher la balance pour la République avait été honteusement truqué. La balance n'est pas égale, et c'est toujours Don Camillo qui a le dernier mot, malgré quelques retours de bâton ; on pourrait voir, d'ailleurs, dans le tutoiement qu'il emploie envers Peppone, alors que celui-ci le vouvoie un signe majuscule de cette évidence. Peppone finit d'ailleurs toujours par être le dindon de la farce… mais il n'est pas dit qu'il en soit tellement marri. Ainsi lors de la délibération du conseil municipal de Brescello où, après avoir recueilli tous les avis de ses amis qui refusent que le cercueil de la vieille Madame Cristina (Sylvie) soit recouvert du drapeau royal revêtu de la Croix de la maison de Savoie, tranche impérialement C'est le Parti qui commande, ici, et le Parti, c’est moi !. Peppone est une crème d'homme, ombrageux, autoritaire, généreux, fait pour s'entendre, au delà de tous les mots, avec un Don Camillo qui est de la même espèce.

C'est sûrement pour cela que leur confrontation fonctionne si bien, d'autant qu'elle est observée, du haut de sa croix, par un Christ bienveillant et drôle, toujours prêt à instaurer la distanciation nécessaire et de rabattre le fort caquet de son flamboyant serviteur Camillo, qui s'indigne de tout, mais avant tout de l'égoïsme de ceux qui ont beaucoup reçu et ne veulent rien donner.

Il n'est en tout cas jamais plus magnifique que lorsqu'il est seul, entre propriétaires avides et bigotes frileuses d'un côté et révoltés hostiles de l'autre, quand, dans une scène d'une grande noblesse, abandonné de tous, à peine escorté par un chien errant, il porte seul le crucifix sur la vaste place du village, voyant massés au bout du chemin les Rouges hostiles qui s'écarteront bientôt devant sa détermination et salueront la croix.

C'est Gino Cervi qui devait, primitivement, jouer le rôle du prêtre, Guareschi interprétant le maire ; mais celui-ci, dès les premières prises, apparut si piètre acteur que la production exigea le bouleversement bienvenu qui nous enchante encore : deux grands acteurs au sommet de leur art, mis en scène par un grand réalisateur, un Duvivier qui a su, pour l'occasion, écraser son intime pessimisme et nous donner le témoignage de ce que peuvent apporter au monde les hommes de bonne volonté.


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De Arca1943, le 25 mars 2013 à 12:48
Note du film : 6/6

« …le référendum de juin 46 qui fit pencher la balance pour la République avait été honteusement truqué. »

Pure billevesée, au contraire. Le processus électoral était tout ce qu'il y a de fair. C'est une simple astuce de propagande lancée à l'époque qui a été reprise par des historiens révisionnistes (qui sont souvent aussi ceux qui cherchent à réhabiliter le totalitarisme fasciste).

Guareschi était en effet très à droite (mais pas fasciste). Son idéologie est le campanilismo (la campagne contre la ville) et transparait surtout quand des communistes de la ville arrivent au village: c'est eux les vrais méchants, vu qu'ils conjuguent les deux signes de la Bête. (Ce dont il reste un léger écho dans le film.)

Par ailleurs, si le référendum de 1946 avait été remporté par les monarchistes, les chances de rechute dans le fascisme auraient été très élevées: depuis 1922, la maison de Savoie s'était compromise jusqu'au cou avec le "Duce" (et les Britanniques, qui ne comprenaient pas grand-chose à l'Italie et sous-estimaient gravement la nature liberticide du fascisme italien et son degré d'affaissement moral, avaient bêtement refusé en 1944 la solution avancée par des monarchistes constitutionnels italiens (notamment Croce) d'une abdication du roi Victor-Emmanuel III au profit de la génération suivante des Savoie, ce qui aurait pu en effet sauver la monarchie en limitant l'odieuse complaisance royale de 1922-26 vis-à-vis du fascisme à ce roi-là plutôt qu'à toute la dynastie.

En outre, ce qui désormais traînait dans le coin comme monarchistes n'avait plus guère à voir avec les libéraux monarchistes-constitutionnels qui ont établi la démocratie parlementaire de 1860. À preuve la Destra nazionale – le petit parti monarchiste italien – s'est fusionné avec le parti néofasciste en 1972 pour former le MSI-DN.


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De Impétueux, le 25 mars 2013 à 15:10
Note du film : 6/6

Oh là là, Arca, moi, ce que j'en disais… J'ai lu ça quelque part (plusieurs fois, tout de même) mais je sais bien n'avoir, sur l'histoire italienne, pas le dixième du quart de la connaissance approfondie qui est la vôtre…

Cela étant – et nous en avons maintes fois débattu – je ne crois pas que l'Unité italienne ait été une bonne chose en regard du génie si fort et si particulier de ce peuple ; et la dynastie de Savoie n'a pas, pour la péninsule, ce caractère national que les Capétiens ont eu en France ; je n'en défendrai donc rien.

Seulement, j'aime beaucoup les gens qui ont une fidélité ; et celle de la vieille institutrice pour Victor Emmanuel m'a semblé touchante et admirable ; et plus admirable encore la réaction de Peppone !

De toute façon, réunissons-nous, vous et moi dans l'admiration pour ces admirables personnages !


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De Arca1943, le 25 mars 2013 à 15:58
Note du film : 6/6

« De toute façon, réunissons-nous, vous et moi dans l'admiration pour ces admirables personnages ! »

Ah, tout à fait. Tant Duvivier que Guareschi sont des orfèvres du personnage, sans parler des acteurs qui les incarnent avec une faconde inimitable.

Mon seul regret est l'absence dans le film (comme dans les suivants) de l'épisode intitulé "Le meeting", dont la valeur échappait peut-être aux Français, alors que c'est pour ainsi dire le cœur battant du livre de Guareschi : parce que Don Camillo et Peppone y "reçoivent" (mais certains se font une drôle d'idée de la façon de recevoir) un invité rare: un député du Parti libéral venu faire un discours dans la commune ! À la fin du bref conte, dont je me garde bien de vous révéler la teneur, les « trois Italies » – libérale, démochrétienne et de gauche – se retrouvent pour un dîner en toute discrétion chez un restaurateur de la région connu pour être apolitique de naissance. De l'or en barre !


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De Tamatoa, le 21 juillet 2014 à 01:07
Note du film : 5/6

C'est Gino Cervi qui devait, primitivement, jouer le rôle du prêtre, Guareschi interprétant le maire ; mais celui-ci, dès les premières prises, apparut si piètre acteur que la production exigea le bouleversement bienvenu qui nous enchante encore.

J'apporte une petite rectification à vos dires, ami Impétueux, qui va peut-être vous surprendre : de la bouche même de Julien Duvivier, Giovanni Guareschi accepta que l'on adapte son livre à la condition extrême que le rôle du curé soit tenu par …Pierre Etaix. Ce dernier déclina l'offre parce que, disait-il, je suis un comique de mime, de gestes, pas de dialogues. Le nom de Gino Cervi ne fut évoqué que plus tard car, fort déçu du refus de l'acteur, Giovanni Guareschi décida de jouer lui-même le rôle de Don Camillo mais, comme vous le soulignez, dut se rendre à l'évidence : autant pour le maire que pour le curé, Il n'était pas un acteur. Ce n'est qu'en dernier recours que Barjavel prononça le nom de Fernandel, alors au creux de la vague. Il sortait d'une longue série d'échecs : Adhémar ou le jouet de la fatalité, Casimir, Boniface somnambule et bien d'autres. Seule, L'auberge rouge le remit un peu dans la lumière. Mais avant lui, moult comédiens italiens fort célèbres furent contactés mais déclinèrent pour des raisons de frilosité politique. Quand Cervi entendit le nom de Fernandel, il accepta le rôle de Peppone.

De même pour la réalisation : Duvivier ne fut choisi qu'en tout dernier lieu parce qu'ayant un regard très détaché sur la politique du moment… Avant cela, la société Rizzoli Film proposa des ponts d'or à plusieurs cinéastes italiens pour la réalisation de cette œuvre. Mais personne ne voulut se mouiller, ne sachant pas comment le tournage allait se dérouler, le parti communiste de l'époque, alors le plus puissant d'Europe, ayant posé un veto formel à la réalisation de ce film. Ce n'est qu'après la présentation à Brescello même d'une première scène qui fit beaucoup rire 99% des communistes présents, que la permission fut donnée. Avec la promesse de la production que Cervi porterait moustache (il n'en portait pas) comme Staline. Comme quoi, ajoute Duvivier, on peut affirmer que le succès de ce film tient du miracle… Et pour l'anecdote, dans la version américaine, Orson Welles avait tenu à être la voix de Jésus, car il avait été envoûté par celle de Jean Debucourt


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De Arca1943, le 21 juillet 2014 à 03:50
Note du film : 6/6

« …le parti communiste de l'époque, alors le plus puissant d'Europe, ayant posé un veto formel à la réalisation de ce film. »

Main sur le cœur, à l'italienne, faisons jeu égal entre Don Camilllo et Peppone en rappelant que la censure démocrate-chrétienne n'a pas non plus épargné le film de Duvivier, qui pour cette raison, est plus long en français qu'en italien. Que les communistes italiens, qui en tant que principal groupe d'opposition parlementaire, vilipendaient avec raison la stupide censure catholique, ne se rendissent pas compte qu'ils étaient eux aussi des censeurs, voilà bien le genre de choses dont les blagues de Guareschi et Duvivier tirent leur substance !


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