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Sujet : Images rares de jours sombres


De Impétueux, le 14 février 2008 à 19:24
Note du film : 5/6

Dieu sait s'il existe sur la période noire du nazisme et de la guerre de 39-45 des monceaux d'archives et des montages subtils de documents, en premier lieu le remarquable De Nuremberg à Nuremberg de Frédéric Rossif qui date de 1994 et constitue le plus complet, le plus exhaustif des films (à qui je reproche seulement un peu de s'étendre très, trop longuement sur le procès de 45-46) ; Dieu sait si la télévision, périodiquement nous présente des archives, parfois très novatrices, comme la remarquable série Ils ont filmé la guerre en couleurs ; Dieu sait si des pistes ont été ouvertes, terrifiantes, sur l'Holocauste, jadis (Nuit et brouillard de Resnais) ou naguère (Shoah de Claude Lanzman) ; Dieu sait si Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophuls a permis de gratter jusqu'au saignement certaines hontes jusqu'alors tues…

Mais je ne suis pas très sûr qu'il y ait beaucoup de montages comme cette Mémoire courte qui présentent à la fois, sous une forme chronologique et pédagogique le déroulement factuel de la Guerre, mais aussi dressent une chronique de l'Occupation, de ses horreurs, mais aussi de ses aspects cocasses (la mode, la vie mondaine, la débrouillardise dans les transports), grotesques (l'adulation du Maréchal Pétain, les objets à lui consacrés, médailles, bustes, timbres), intemporels (la vie artistique), sordides (le rationnement), voire porteurs d'avenir (les Chantiers de jeunesse dont furent issus beaucoup de cadres de la Résistance).

En 1963, lorsqu'il est sorti, ce film était assez innovant et avait frappé les esprits ; l'écart avec la période décrite – moins de vingt ans – permettait de raviver des souvenirs, de s'adresser à beaucoup de ceux qui avaient vraiment connu ces moments, mais aussi de montrer aux jeunes pousses du baby-boom (dont j'étais !) ce qu'avaient vécu leurs parents ; la télévision était infiniment moins répandue qu'aujourd'hui, et, d'ailleurs, confinée à une unique chaîne, ne présentait pas ces images.

Revu aujourd'hui, le film me paraît tout autant passionnant qu'il l'était alors : il comporte une foule d'images que je n'ai jamais vues ailleurs, ne se contente pas de filmer la France, mais fait des incursions un peu partout, en Norvège, en Yougoslavie, en Italie (dites moi un peu si vous connaissez le visage de Quisling ou celui d'Ante Pavelitch !) ; il montre aussi des scènes rares d'Allemagne, de sélection de femelles aryennes, blondes, grasses, au bassin large, propres à porter un grouillement de bébés sélectionnés qui gigotent comme des lombrics sur un grand espace commun).

Images rares aussi que ces films de propagande britanniques, tournés pendant la bataille d'Angleterre, bruissants de courage tranquille, prêchant la défense passive et montrant tout un peuple au travail, femmes largement comprises ou de bandes américaines qui, juste après Pearl-Harbour m'apprennent que les États-Unis ont rationné l'essence, le bœuf, le beurre afin de faire face à l'effort de guerre.

Le commentaire est intelligent, peu partisan, digne, bien écrit et bien dit : c'est par la distanciation qu'il souligne certains aspects monstrueux, notamment lorsque sont montrés des films de propagande allemande.

Je conseille donc à tous La Mémoire courte, exemplaire d'un regard très diversifié, synthétique et intelligent ; il est dommage qu'on ne le trouve jamais dans les bacs et j'ai dû le commander directement sur le site de René Chateau qui, pour avoir édité cette rareté mérite, pour une fois, toute ma sympathie…


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De fernand, le 14 février 2008 à 20:53

Ah ! Voilà un sujet qui même en noir et blanc , me parle ! Un peu trop , même…Je ne connais pas le film que vous évoquez Impétueux "virulent" (j'ai lu ça plus bas..)
Oui , l'histoire nous parle et crie à nos oreilles et à nos yeux , nous rappelant qu'un minimum de culture est plus que nécéssaire pour…."apprécier" les subtilités de l'Histoire. Alors je profite de l'occasion pour poser une question que je pense essentielle : Comment doit on entendre , à défaut de les écouter , les discours des révisionnistes ? On me répondra peut-être qu'il ne faut pas les entendre , mais ils font partie des sons de cloches…Ils me dérangent , mais tout dans la guerre , me dérange…La voix de Daniel Costelle raconte . Celle de Robert Faurrisson aussi. Qui "sait" ? Qui ne "sait" pas ? Et moi , au milieu de tout ça ?


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De fernand, le 19 février 2008 à 07:04

…Et croyez bien que j'apprécie beaucoup votre contribution (je crois qu'il faudra que nous reparlions, en tête-à-tête du questionnement déposé sur le fil de La mémoire courte…

Alors , avant de partir à la nécole , et à la demande même d'Impétueux , je repose ma question…

Et puis un petit bonus : J'ai lu beaucoup de vos commentaires à tous sur les films consacrés à la résistance :L'armée des ombres , Lacombe lucien et d'autres. Tel film est excellent parce que ….mal rendu , parce que….etc.. Comment peut on juger de cela , alors que ces films parlent d'une époque ou personne ne savait qui était qui , et qui faisait quoi ? Comment porter un jugement objectif sur un film qui retrace une période "sombre" de notre histoire ? Je sais bien que si on ne parlait que de ce que l'on a connu et vu , on n'évoquerait jamais Dieu. Les films sur la résistance ne sont fait qu'à partir d'écrits de survivants mais qui oeuvraient dans une ombre peu propice à l'objectivité. Alors , dire qu'un film est grand , petit ou trés moyen , je peux m'appuyer sur quoi pour en juger ?


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De Impétueux, le 19 février 2008 à 10:28
Note du film : 5/6

Sur le point de savoir si L'armée des ombres et Lacombe Lucien retracent précisément la réalité… c'est que précisément ils ne donnent pas une image univoque et primaire de la réalité, c'est qu'ils la retracent dans son infinie complexité dans sa sauvage horreur ! L'exécution des traîtres par les réseaux (voir aussi Le père tranquille !) qui choque notre actuelle conscience délicate est une obligation… que dire alors, dans le film de Melville de l'exécution de Mathilde (Simone Signoret) parce que les Allemands ont – ou pourraient avoir – prise sur elle choque plus encore, mais est dans la parfaite logique des choses.

Et j'ai dit aussi sur le fil de Lacombe Lucien combien le hasard qui fait de Lucien un collabo est tout à fait conforme à ce qui pouvait arriver à des esprits faibles, dans des époques aussi ambigües ; d'ailleurs, Lucien n'est pas à proprement parler un collabo : il est le porte flingue d'une petite bande de voyous rassemblés par le même hasard : le seul collabo à idées politiques structurées (si on peut dire !), c'est l'antisémite obsessionnel à moustaches (son nom m'échappe)…et on peut donner ce nom aussi aux Miliciens qui attaquent le maquis où Tonin est blessé…

Cela dit ces films sont à cent lieues des hagiographies, même très talentueuses, du type La bataille du rail, ou des épisodes très dramatisés univoques comme Jéricho.

Mais comment savoir, pour nous qui n'avons pas vécu ces années, si ces films reflètent leur réalité ? Du fait de leur complexité, sans doute ; aussi pour les témoignages dont ils sont porteurs : Melville – de son vrai nom Grumbach – était un authentique résistant de réseau (comme Kessel, d'ailleurs) ; on pourra difficilement contester à Modiano une connaissance approfondie des eaux troubles de la période…et ainsi de suite.

Mais – vous n'avez pas tort – comme il est terriblement difficile de se garder du péché de relativisme et de l'anachronisme mental, tout jugement en ce domaine ne peut que nous rendre sceptiques…


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