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Forum : L'Arbre, le maire et la médiathèque

Sujet : Un chef d'oeuvre d'humour Tocquevillien


De dumbledore, le 23 mai 2004 à 22:54
Note du film : 4/6

Surprise ! Eric Rohmer fait un film politique. Fini les chassés croisés amoureux, les jeunes filles en fleurs et la parole comme espace de séduction. La parole est toujours là, au centre du récit, mais elle est parole politique. Parole de discours mais aussi parole de mensonges, chacun le sien, car si chacun a ses vérités, chacun a également ses mensonges.

L'arbre, le maire et la médiathèque est un des films les plus étonnants du cinéaste. A changer aussi radicalement de genre, on aurait pu s'attendre à une volonté soudaine de dire quelque chose, de tenir un propos urgent sur la société dans laquelle il se trouve, bref de délivrer un message. Il n'en est rien. les personnages ne sont là pour ne véhiculer aucun message politique, juste colporter une parole vide. Là résidera sans doute la déception du film. Le film aborde la politique, frôle plusieurs thèmes comme l'urbanisme, l'écologiste, mais n'en tire finalement pas grand chose et les concepts deviennent vite des clichés.

La parole, centre du cinéma de Rohmer atteint ici toutefois ses limites. Trois personnages sont là pour tenter d'articuler cette parole. Le politique, l'opposant et la journaliste. Et rien n'en sort si ce n'est ce rien. A cet égard le film offre une des visions les plus noires des films de Rohmer, mais également des plus modernes sur ce qu'est devenu la politique de nos jours.


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De Arca1943, le 24 mai 2004 à 16:20

Moi qui suis généralement allergique aux films d'Eric Rohmer, pour qui le cinéma semble n'être qu'une sorte d'extension de la littérature, j'ai bien aimé cette comédie satirique – sans doute parce qu'elle est tout à fait atypique. Notons toutefois qu'une des blagues – celle de la petite fille hyperpolitisée – est pompée sur Un Roi à New-York de Chaplin.


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De Impétueux, le 30 août 2007 à 19:00
Note du film : 3/6

Eh bien moi, qui, au contraire de l'ami Arca, suis un admirateur (mais non pas inconditionnel : vigilant !) d'Eric Rohmer, j'ai été fortement déçu par la re-vision du film, qui m'avait pourtant bien plu lorsqu'il était sorti.

Mais sans doute était-ce parce qu'il sortait (10 février) quelques semaines avant les élections législatives de mars 1993 (21 et 28 mars), élections qui furent le théâtre de la plus monumentale déculottée qu'un des camps politiques majeurs ait jamais reçu (57 socialistes et 23 communistes sur 577 sièges !) et que la fièvre électorale ne m'avait pas, à l'époque, laissé indifférent.

Ceci laissé de côté, qui n'a plus de pertinence, je me suis bien ennuyé, parce qu'à changer de sujet – les relations amoureuses, ou sentimentales, les jeux de séduction des hommes et des femmes – Rohmer change de ton ; bien sûr, on retrouve l'écriture savoureuse, la finesse, la subtilité des dialogues et la justesse des notations. Mais appliquées à un sujet extérieur, ces qualités paraissent artificielles et l'atmosphère sonne faux. Ce n'est pas du tout le cas de L'Anglaise et le Duc, autre film politique où les personnages sont faits de chair et de sang et accrochent parfaitement l'attention (malgré une autre artificialité, bienvenue, celle-là : celle des décors).

Dans L'arbre, le maire et la médiathèque, hors à de rares instants, on a toujours l'impression d'une épure tracée au tableau par un géomètre, ou même par une machine : ça manque d'épaisseur humaine !

Dommage pour Pascal Greggory, excellent, alors que Luchini, livré à lui-même sur un sujet dont manifestement il se contrefiche, est caricatural. Quant à Arielle Dombasle, ses mines et ses poses faisaient déjà petite vieille à l'époque…

Un truc qui agace le connaisseur convenable de la carte électorale que je fus : avoir situé en Vendée l'intrigue et avoir fait dire à Julien Dechausmes (Pascal Greggory, donc) que le Nord du département est historiquement à gauche ; je ne sais de quelle désinvolture ou malice Rohmer a voulu faire preuve ici : JAMAIS, ni sous la IVème, ni sous la Vème République, la Vendée n'a élu un député de gauche (à l'exception de 1986, où, le scrutin étant proportionnel, un malheureux socialiste passa ; mais, par définition, il n'avait pas de circonscription)

Rohmer aurait pu, pour évoquer un département de l'Ouest rural très contrasté, parler des Deux-Sèvres ; mais là, c'est le Nord catholique qui est à droite (il confine à la Vendée) et le Sud protestant qui est à gauche (c'est la circonscription de Ségolène Royal)…

Enfin, tout cela n'a d'importance que relative ; mais je trouve que Rohmer s'est tout de même pas mal fourvoyé…


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De RdT, le 7 octobre 2007 à 15:30
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Eric Rohmer réalise avec L'arbre, le maire et la médiathèque un chef d'oeuvre absolu d'humour Tocquevillien. Julien Dechaumes (Pascal Greggory), chatelain d'un village Vendéen veut faire de la politique. Après un échec aux élections cantonales où il se présentait sous étiquette socialiste, il veut recommencer et se présenter aux élections legislatives.

Il veut appuyer sa campagne sur son mandat de Maire apprécié de ses électeurs. Il applique pour cela les vieilles recettes de l'aristocratie, qu'évoquait déjà Alexis de Tocqueville :

«C'est en gouvernant les villages qu'une aristocratie établit les fondements du pouvoir qui lui sert ensuite à gouverner tout l'Etat.»

Julien Dechaumes décide donc de faire construire une médiathèque avec «des pierres du pays». L'enthousiasme de cet élu naïf, convaincu est généreux est brossé avec un talent sans égal par un Eric Rohmer maitrisant totalement son art. Il porte sur son héros un regard amusé, et complice. Faux aristocrate (un de ses ancêtres a supprimé sa particule pour acquérir des biens nationaux). Julien Dechaume est un exemple typique de cette deuxième gauche tendance Tocquevillienne : décentralisatrice et cultivée. Mais il a quelques failles : les femmes notamment. Il a réussi à s'amouracher d'une «autrice» parisienne insupportable et snobinarde magnifiquement défendue par Arielle Dombasle. Rien de plus amusant que ces instants au début du film où elle s'émerveille (sans vouloir se salir) sur la beauté de fleurs sauvages dont elle ignorait jusqu'alors l'existence…

Une fois l'intrigue lancée, tout va aller de travers. Julien Dechaume rencontre une jeune journaliste : Blandine Lenoir

campée par Clémentine Amouroux épatante dans un rôle où son charme naturel fait des merveilles. A partir de là, la machine se grippe : une série de hasards anodins viennent déjouer tous les plans d'une technocratie sûre d'elle. L'arbre, la nature, les enfants prennent leur revanche sur la «mission civiisatrice» que s'était donné le petit maire de village… Petit maire de village qui est aussi dandy parisien dilettante…

L'ambiguité du personnage : campagnard/dandy parisien, socialiste/chatelain/pseudo-aristocrate/artistocrate… font du petit maire joué par Pascal Greggory un des personnages les plus intéressant du cinéma Rohmerien : amour, humour, esthétisme, et civisme forment une alchimie émouvante dans un film qui slalome avec une virtuosité sans égal entre le politique et le poétique.

Rohmer a réussi un tour de force : nous rendre Tocqueville (l'aristocrate inventeur de la grisaille démocratique) humoristique… Ce splendide tableau de la politique au village jouerait-il un rôle dans l'acharnement des élus de la Loire à poursuivvre Eric Rohmer pour Les amours d'Astrée et de Céladon? A mon humble avis ils auraient dû se souvenir de ce film avant de trainer Eric Rohmer devant le Tribunal de Grande Instance de Montbrison…

Rappelons que le Conseil Général poursuit Eric Rohmer et sa société de production pour diffamation. Le Tribunal de Montbrison se prononcera sur cette plainte demain Lundi 8 octobre… Je tiens à redire ici combien je souhaite que la plainte du Conseil Général de la Loire soit rejetée.


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De vincentp, le 18 mai 2009 à 19:02
Note du film : 5/6

4,8/6.

Portrait intéressant et réussi de la France contemporaine, reposant sur des dialogues abondants, des mises en situation de moments très banals de la vie courante. Combinés, sur la durée, ces éléments constituent le moteur narratif d'une dissertation imagée. Dissertation structurée, avec des digressions parfois surprenantes, et visiblement des improvisations d'acteurs. Un coktail réussi, conférant à l'ensemble un aspect à la fois réfléchi et naturel.

Sans doute Eric Rohmer a-t-il mis une partie de lui même dans les deux personnages masculins principaux du récit : le politique (Pascal Greggory), parisien dans l'âme et ambitieux, mais aussi enraciné dans la terre, proche de ses semblables et du terrain, et son alter-égo, le pédagogue moderne mais pronant le respect des traditions (Fabrice Luchini). L'affiche du film qui joue sur les ressemblances physiques entre les deux acteurs est admirablement bien pensée, car les deux personnages qu'ils interprétent traduisent de toute évidence la double face d'un seul et même individu.

Ce portrait de la France contemporaine propose des pistes de réflexion concernant l'état des relations campagne-ville. Ces éléments de réflexion, et bien, ils nous viennent en tête quotidiennement, quand on se déplace soit à la ville, soit à la campagne.

Un parallèle est opéré par Eric Rohmer entre ce clivage traditionnel de l'habitat et celui noué entre la politique menée sur le terrain et celle développée au sein des appareils politiques, à Paris. Des images de la campagne électorale législative de 1992 (telles celles des affiches électorales), ou les images représentant la ville moderne en cours de recomposition, caractérisent pensées et actions des acteurs de cette époque. Des pensées et actions que l'on découvre marquées par de l'ambition, portées par des dogmes, doublées d'un certain narcissisme, et conjuguées parfois avec une relative démagogie. Mais en 2009, près de vingt ans après la réalisation du film, ces images de la vie réelle de 1992 font surgir également leur aspect éphémère et artificiel. Les villes nouvelles alors flambant neuves n'ont par exemple plus guère la côte aujourd'hui, en matière architecturale.

Face à la vacuité relative de la pensée et de l'action humaine, prisonnière des contingences du moment présent, tributaire de caractéristiques physiologiques intangibles, une voie est tout de même empruntable pour bâtir un présent et un avenir collectif plus profitable à chacun, nous explique in fine Eric Rohmer. Le chemin doit être pavé de modestie, de raison, et être respectueux des traditions et des cultures ancestrales.

Comme l'arbre de la médiathèque, gageons que l'œuvre de Eric Rohmer, discrète mais imposante, si riche en thèmes et en idées, traversera les époques, et sera sans cesse redécouverte par les générations futures. Elle survivra sans aucun doute à son auteur bien après que les agitations médiatiques, souvent si futiles, produites par les hommes politiques d'appareil de notre époque, pour exister, aient quitté les mémoires !


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De vincentp, le 16 mars 2010 à 21:49
Note du film : 5/6

Il est amusant de mettre en perspective ce film de Rohmer avec la campagne électorale pour les Régionales qui bat son plein en ce moment. L'accord national entre les socialistes et les écologistes semble historique, et rendre d'ailleurs jaloux le camp d'en face ! Les commentaires fusent pour nous expliquer les dessous de cette élection ! Mais dans deux semaines, on n'en parlera plus. Dans un mois, on ne se souviendra même plus que cette élection a eu lieu et qui l'a gagnée. N'est-ce pas mademoiselle Domsbale ?

Nb : il est dommage que l'excellent RdT auteur un peu plus bas d'une chronique sur ce film de Rohmer fort bien argumentée, ait disparu de la circulation. Rdt, reviens !


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