Surmontant mes frémissements d'indignation, j'ai vérifié : et oui, le spectacle monté par Van Damm pour Mme Henderson comporte effectivement des jeunes femmes (britanniques !) nues. Quelle honte ! Quelle dépravation ! Mais où va l'Angleterre? Qui l'a laissée tomber aux mains du pornographe Stephen Frears ? Les flammes de l'enfer guettent ces égarés, à l'évidence. D'autant qu'ils ne sont pas repentants du tout : Mme Henderson et M. Van Damm (ne serait-il pas Juif, en plus !?) vont même valser ensemble, de nuit, sur le toit d'un immeuble londonien… Ah, là, là, tout ça ne serait pas arrivé du temps de notre bonne reine Victoria.

4,8/6. Une très large thématique (relations humaines et sociales tout azimut, tenants et aboutissants de la création artistique) est parfaitement déployée via une mise en scène employant à la perfection l'arme de l'humour -très britannique, sagement irrévérencieux vis à vis des institutions, et potache aussi (on pense par moments à The full monty ou Les virtuoses)-. Certaines séquences de Madame Henderson présente sont extrêmement drôles (exemple, quand la bonne société anglaise découvre le spectacle de jeunes filles dénudées). Une mise en scène gérant aussi parfaitement la composante émotionnelle, par le biais d'une bande sonore variée, très élaborée et omni-présente de bout en bout pour souligner, amplifier les images et dialogues relatifs aux idées et émotions des différents personnages (ainsi, madame Henderson sur la tombe de son fils).

Le scénario est astucieusement bâti (mais j'aurais maintenu en vie la belle blonde du récit). Ce scénario introduit subtilement des effets de surprise (exemple, le déshabillage en public des personnages). Subtilité du développement des idées, aussi : certaines actions énigmatiques de personnages s'expliquant par des éléments distillés tout au long du récit. Les numéros musicaux sont enfin superbement construits et filmés (couleurs, mouvements) et très bien intégrés dans l'histoire (le faisant évoluer imperceptiblement, lui conférant allant et dynamisme). On retient au final l'idée qu'il est important de triompher des préjugés, et des vicissitudes de la vie en général, via une démarche entrepreneuriale tirant le meilleur des capacités de chacun, permettant de rétribuer ensuite au centuple chacun de ses contributeurs.

C'est un film contemporain très réussi de Stephen Frears, cinéaste de toute évidence particulièrement performant dans le domaine de la comédie dramatique, avec en arrière-plan un cadre social, politique, et historique. Frears sait parfaitement illustrer ce qui fait la particularité de l'establishment britannique (un mélange de distinction, de pudeur et d'audace, source de bien des ambiguités). Les relations souvent complexes entre les différents personnages (entre Mme Henderson et van Damme par exemple, qui passent leur temps à se chamailler comme un vieux couple) sont brillamment décrites et dépassent le cadre historique de ce récit se déroulant fin des années 30 et au-delà. Voilà une bonne illustration de ce que peut être au quotidien la psycho-sociologie d'une organisation, quand se croisent projets et réalisations personnels et collectifs. Madame Henderson présente est à la fois un très bon divertissement et un film qui donne à réfléchir!