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Forum : Une Journée particulière

Sujet : Kolosal erreur


De kolosalerror, le 18 décembre 2003 à 14:27

Une journée particulière :

Hitler n'a pas envahit l'Italie !

Hilter rend visite à Mussolini et tout l'immeuble sort pour le défilé, ce qui change la situation.

Avez-vous vu le film ?


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De spontex, le 18 décembre 2003 à 14:42

Bonjour,

Le résumé que vous jugez faux a été supprimé.

Merci de nous en proposer un nouveau !


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De Arca1943, le 19 décembre 2003 à 05:22
Note du film : 6/6

Bravo à AlHolg pour sa diligence.

Et bravo, bien sûr, à Kolosalerror qui, le premier, a signalé cette erreur.

S'il est un film pour lequel s'impose un rappel à l'ordre à la précision des faits historiques, c'est certes cette grande tragicomédie d'Ettore Scola.

Elle livre, en cheminant à travers une seule journée de 1938, un portrait des plus précis et des plus renseignés de la vie fasciste (si on peut appeler ça une vie!) qu'on ait vu au cinéma. Du reste, les vedettes comme les auteurs ont connu le fascisme de première main, dans leur adolescence.

C'est un portrait par la bande. Fidèles en cela à une vieille règle de la «comédie à l'italienne» que n'aurait pas reniée la fameuse école d'historiens français dite "Des annales", le tandem au long cours Scola-Maccari a mis au point un récit où les événements historiques sont vus d'en bas, par d'humbles protagonistes. Méthode narrative qu'ils avaient déjà appliquée au fascisme dans La Marche sur Rome et Années rugissantes.

Quand débute Une Journée particulière, un immeuble de rapport de Rome se vide littéralement de ses habitants, partis assister en masse à la visite officielle d'Adolf Hitler.

Mère de famille déjà épuisée par ses tâches ménagères, Antonia (extraordinaire Sophia Loren) s'est levée de très bonne heure, ce matin-là, pour nourrir et habiller sa marmaille (quatre enfants, si ma mémoire est bonnne). Et quand je dis habiller, c'est la totale: la chemise noire, le fez, les bottes cirées, la dague pour les plus vieux – tout y est.

Mais Antonia ne va pas à la fête: il y a trop à faire à la maison.

Elle croit être la seule locataire de l'immeuble à être restée sur place. Mais bientôt, elle tombe sur un voisin, Gabriele (extraordinaire Marcello Mastroianni), petit speaker à la radio, qui prépare ses affaires en vue d'un départ.

Et au cours de cette journée, avec en fond sonore la radio tonitruante à laquelle il est impossible d'échapper, nos deux protagonistes vont ébaucher – maladroitement – une amitié.

Antonia se trouve, en quelque sorte, à être une laissée-pour-compte du fascisme. Nourrit-elle quelque dessein contre le régime? Pas du tout, ou alors très, très vaguement. J'aurais voulu vous y voir, moi. Ce n'étais pas évident de sortir la tête hors de l'eau, dans des conditions pareilles. Comme des millions de femmes italiennes d'alors, Antonia a un de ces gros albums où elle collectionne les portraits du Duce et en confectionne elle-même, patiemment, avec des petites perles de verre colorées.

Pas plus qu'Antonia, Gabriele n'est un antifasciste. Comme dit une réplique-clé du film: «Ce n'est pas moi qui suis antifasciste, c'est plutôt le fascisme qui est anti-Gabriele.»

À la radio, le speaker Gabriele ne se sert nullement de sa modeste tribune pour dire un mot plus haut que l'autre. Certains, à l'époque, le faisaient; pas lui. Il est encore bien moins membre d'un réseau clandestin comme Giustizia e Libertà (gauche républicaine non-marxiste) ou Alleanza nazionale (droite libérale constitutionnelle). Et encore moins au parti communiste.

Bref, Gabriele n'a pas la moindre activité contre le régime. Pourtant, c'est un indésirable. Pire: un indésirable qui n'est même pas censé exister: car dans la vulgate agressivement viriliste et nataliste du fascismo, l'homosexualité est une tare. Les très rares fois où il sera ouvertement question d'homosexualité, le régime vous le dira: l'homosexualité n'existe pas en Italie, point à la ligne. (Par contre, on la retrouve – ben voyons! – chez chez ces peuples «ramollis par la vie facile des ploutocraties décadentes»: comme la France, l'Angleterre, les États-Unis…).

Gabriele est identifié comme un ennemi du régime parce qu'il est homosexuel, pas parce qu'il est antifasciste.

Outre la visite d'Hitler à Rome, c'est donc aussi un autre tournant du fascisme qui nous est montré: un tour d'écrou de plus dans cet étau qui va en se resserrant de plus en plus de 1922 à 1943.

Gabriele est puni pour ce qu'il EST, et non pour ce qu'il FAIT. En 1937-38, en Italie, c'est nouveau: ça commence à affleurer.

Longtemps, en effet, le fascisme italien – différent en cela du nazisme – a puni le FAIRE et non L'ÊTRE. Jusqu'au milieu des années trente au moins, sa machine ultrapolicière est tournée d'abord et avant tout contre l'antifascisme et les antifascistes. C'est donc un cauchemar essentiellement politique. Les théories de la race ne sont pas sur la table: personne, ou presque, n'y croit. Mais alors, l'antisémitisme? me demanderez-vous. Eh bien, jusqu'au milieu des années trente au moins, les Juifs italiens se départageront en fascistes et antifascistes dans les mêmes proportions, tout simplement, que les autres Italiens.

Autrement dit, que tu sois juif ou pas, Mussolini s'en tape jusqu'en 1936 (c'est-à-dire jusqu'au Pacte d'Acier avec Hitler) et même un peu plus tard encore. (À ce sujet, voir les historiens Zeev Sternhell, Pierre Milza et Renzo de Felice, entre autres. Ou plus simple encore, lisez Primo Levi).

Cela va commencer à changer à partir de 1937. Et ce qui ce trame, avec la rencontre Hitler-Mussolini qui à lieu à Rome, en cette journée particulière du 6 mai 1938, c'est aussi cela: cette nouvelle aggravation totalitaire du régime. «De plus en plus intraitable vers l'intérieur, de plus en plus contraignant à l'intérieur», écrit Leonardo Sciascia dans Portes ouvertes (aussi un très bon film de Gianni Amelio avec Gian Maria Volontè).

Mais cette transposition de l'antisémitisme à l'homophobie n'est-elle pas proposée rétrospectivement, avec nos yeux de 1977? me demanderez-vous. Pas le moins du monde. Ce parallèle fut pensé à l'époque même: on en trouve un exemple saisissant dans une nouvelle de 1937 de l'écrivain juif italien Giorgio Bassani, Les Lunettes d'or. (Porté à l'écran par Giuliano Montaldo avec un excellent Philippe Noiret).

Moi, ici, dans ce mail qui s'étire, je suis un peu didactique, donc barbant. Mais ne croyez surtout pas que ce film, lui, le soit jamais. À aucun moment! Le prêchi-prêcha, ce n'était vraiment pas le truc des Italiens d'alors (avec évidemment de grosses exceptions comme 1900 de Bertolucci). Qui plus est, c'est encore d'une comédie qu'il s'agit. Une Journée particulière ne veut aucunement "éduquer les masses", mais tout simplement raconter une histoire et construire des personnages. Bien sûr, l'histoire de ces personnages va nous en dire long sur l'époque. Très, très long, même. Mais quand une histoire est bonne, vraiment bonne, on n'a pas besoin de la lester du moindre discours: elle parle d'elle-même.

Comme dit le grand metteur en scène Luigi Comencini: «Le cinéma exige la vérité du réalisme et non la vérité de l'idéologie».

Et comme le dit la philosophe Hannah Arendt: «Aucune philosophie, aucune analyse, aucun aphorisme, quelque profonds qu'ils soient, ne peuvent se comparer en intensité et en plénitude avec une histoire bien racontée.»

Arca1943


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De gaulhenrix, le 19 décembre 2003 à 16:02

Mais n'y a aucune perversion esthétique… De même que Arca1943 évoque le passage du FAIRE à l'ETRE, il faut insister sur le PARAITRE des grandes messes fascistes. Or, les personnes superficielles sont attirées par le prestige de l'uniforme et l'autorité qu'il est censé représenter. Ces "fêtes" qu'ont organisées tous les régimes totalitaires s'adressaient bien à ces "citoyens"-là. On peut, aujourd'hui, retrouver dans les images de la télévision cette même simplification qui abuse ceux qui n'ont pas les moyens (éducation ou culture) de décoder l'imposture.


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De Arca1943, le 21 décembre 2003 à 03:27
Note du film : 6/6

Au sujet du fascisme, ce qu'on oublie souvent – parce que souvent on veut l'oublier, histoire de dormir tranquille – et qui le rend particulièrement dangereux, c'est sa séduction. Pensez, par exemple, à la fête fasciste dans Amarcord.

Sur le brouillage des repères esthétiques, vous avez d'autant plus raison de le souligner que souvent, ce brouillage non seulement accompagne, mais précède et annonce l'émergence du fascisme. Comme l'écrivent Fruttero et Lucentini dans La Prédominance du crétin, «mièvrerie et sensiblerie sont toujours annonciatrices de malheurs et de désastres.»

Ainsi, la mentalité des jeunes filles qui se pâment sur le beau Duce prend une de ses sources dans le «dannunzianismo», une mode culturelle sensualiste et morbide qui exerce une influence non négligeable sur les esprits dès avant la Première Guerre mondiale – et pas seulement en Italie, d'ailleurs. On trouve une excellente peinture de cette mouvance dans la très instructive comédie de Luigi Comencini, Mon Dieu Comment suis-je tombée si bas?).

Arca1943


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De Zid, le 8 juin 2004 à 20:50

Bonjour,

bravo pour cette courte analyse qui n'est pas plus barbante que le film est un chef d'oeuvre.

petites précisions,Antonia à 6 enfants (elle parle même d'en avoir un 7ème pour toucher une"prime" d'état)..et le portrait du Duce qu'elle a confectionné l'est à partir de bouton (Gabriel lui fait remarquer que la fermeture Eclair existant depuis peu il comprend qu'elle n'ai su quoi faire de ces boutons..)

j'ai vu ce film hier, au lendemain de la commemoration du 60eme anniversaire du débarquement.

Je travaille sur la bande sonore.Le film a été adapté au théatre il y a quelques années.. .je travaille actuellement sur une nouvelle mise en scène.

Autant vous le dire, ce film m'a mis une "claque".

Vivement le DVD.

Et le bonheur.


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De Arca1943, le 11 janvier 2005 à 13:32
Note du film : 6/6

Ah ben joual vert, il sort enfin ! Yyyyyyyyes sir!


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De PM Jarriq, le 16 février 2005 à 18:35
Note du film : 6/6

Malgré mes suppliques dans un message précédent, je m'aperçois en lisant la fiche, que "Une journée particulière" sera présenté en 4/3 et uniquement en v.f. Merci, M. Chateau et surtout, changez rien !

J'ajoute après achat à contre-coeur, qu'il n'y a même pas de chapitrage et qu'il est indiqué sur la jaquette : "Image et son d'orgine". Une forme d'honnêteté ! Vive la VHS !


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De JIPI, le 28 septembre 2006 à 15:18
Note du film : 5/6

Les immeubles sont pratiquement vides en cette singulière journée, Antonietta mère de famille nombreuse et Gabriel homosexuel sont reclus.

La distance des incompréhensions va peu à peu diminuer. Cette mère « truie » porteuse d'abord réticente au discours hors norme de cet homme refoulé suite à sa non-conformité va se laisser conquérir et remettre en question son statut de sous femme, créature soumise aux désirs de son mari nerf de la guerre d'un régime considérant l'homme comme seigneur et maitre.

Antonietta est vieille avant l'age, les taches quotidiennes épuisantes ne sont porteuses d'aucunes reconnaissances de la part d'un régime qualifiant uniquement les femmes d'organismes de reproductions et de machines à dépoussiérer.

Gabriel par ses propos est convainquant, Antonietta grisée se reconsidère puis cède à cette nouvelle passion mais celui-ci se rétracte.

Antonietta en lente destruction morale et physique trouve l'espace d'un moment une lueur d'espoir véhiculée par un homme courageux digne dans l'acceptation d'un état différent de la normalité.

L'état broyeur de marginaux déportera ce « parasite » de société.

Antonietta résignée continuera sa longue agonie.


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