Sortie d'un coffret Mizoguchi
Carlotta édition prestige "special années 40" le 20 juin prochain avec 5 films:
C'est y pas une bonne nouvelle? J'ai découvert il y a quelque mois sur grand écran Les femmes de la nuit qui est un film extraordinaire (comme tous les films de Mizoguchi), je pense me jeter allègrement sur ce prochain coffret.
Quand on pense que pratiquement les deux tiers de la filmo de ce cinéaste génial a disparu au Japon pour cause de mauvaise conservation des pellicules et autres innondations… Sachant, de plus,que Mizoguchi tournait plusieurs films par ans, sans aucune baisse de qualité, un véritable boulimique qui tournait comme il respirait, et qui a réalisé pas loin de 90 films de 1923 à 1956… Les deux tiers disparus… Ca fait un peu mal tout de même…
Femmes de la nuit est réalisé en 1948 par Kenji Mizoguchi, dans un contexte post seconde guerre mondiale. Le conflit a plongé la société japonaise dans la misère et désolation, et précipité des femmes dans le milieu impitoyable de la prostitution. L'époque est marquée sur un plan cinématographique par l'émergence du néo-réalisme italien, dont l'influence se sait ici sentir (on pense à Païsa).
Très sombre, Yoru no onnatachi semble agité de convulsions, avance sur un rythme et un ton frénétique, à base de plans courts. Le scénario de Yoshikata Yoda adaptant le roman Joseimatsuri de Eijiro Hisaita suit de près le destin croisé de trois jeunes femmes issues du même milieu familial, sombrant dans la prostitution, syphilitiques pour deux d'entre elles. Force du récit : présenter le point de vue nuancé et adapté des autorités de l'époque, tentant d'endiguer avec tous les moyens disponibles un fléau à la fois moral et de santé publique.
Le descriptif du mode de vie des prostitués est déroulé de façon minutieuse, sans emphase, réaliste, juste. Un bémol possible pour Yoru no onnatachi : demeurent quelques scories observées en nombre pour les films de Mizoguchi des années 1930 (difficultés à identifier précisément un interlocuteur, des transitions abruptes). Ces scories seront inexistantes pour les oeuvres des années 1950 du cinéaste. Contrairement à ce que prétendent aujourd'hui certains exégètes du cinéaste, celui-ci a bel et bien fait progresser de façon considérable la qualité de son écriture cinématographique au cours du temps, atteignant sa plénitude à la fin des années 1940, début des années 1950. Malheureusement pour nous, le prolifique Mizoguchi est décédé en 1956 à l'âge précoce de 58 ans. Quelques défauts pour Yoru no onnatachi mais le résultat final est d'une qualité exceptionnelle, donnant du grain à moudre à ceux qui placent le cinéaste sur une des plus hautes marches du cinéma mondial.
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