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Sujet : Le sourire des dieux


De DelaNuit, le 17 mai 2007 à 01:51
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Il s'agit sans doute d'une des plus belles adaptations cinématographiques de "l'Odyssée" d'Homère. Certes, de nombreuses péripéties de l'oeuvre originale ont disparu, mais il aurait sinon fallu un feuilleton ! L'essentiel est que l'esprit de l'oeuvre soit respecté. Et non seulemet il l'est du point de vue du scénario, mais les personnages ont une réelle épaisseur psychologique, ce qui mérite d'être souligné car ce n'est pas si fréquent dans les peplums italiens.

Kirk Douglas est complètement crédible dans le rôle titre, mais la palme de l'interprétation revient à mon avis à Silvana Mangano, dans le double rôle de la patiente épouse Pénélope et de la magicienne Circé. Elle incarne ici "La Femme" dans ses différents visages, à la fois concrête, épouse, mère, maîtresse de maison aux vertus domestiques (Pénélope) mais aussi mystérieuse, fatale, chimérique, initiatrice, détentrice des secrets de la vie et de la mort (Circé). Et c'est bien du Féminin Sacré qu'il s'agit, de "La Femme" dans ses différents visages, puisque, lorsqu'Ulysse, découvrant la face de Circé, soudain dévoilée par une brise magique, s'écrie : "Comme c'est étrange : tu as le même visage et les mêmes yeux que ceux de ma femme Pénélope", l'enchanteresse lui répond : "Qu'y a t-il d'étrange ? La différence entre une femme et une autre n'existe que dans l'imagination des hommes". On raconte qu'avant le tournage de cette version du mythe d'Ulysse, un projet circulait depuis longtemps à Hollywood, de faire interpreter à Greta Garbo le triple rôle de Pénélope, Circé et Calypso.

On est aussi bien content au visionnage du film de découvrir en seconds rôles Antony Quinn (Antinoüs) et Rossana Podesta (Nausicaa) et d'admirer un vrai bateau dans des paysages méditerranéens qui auraient pu être ceux traversés par le véritable Ulysse. Certaines scènes telles que le chant des sirènes, l'apparition de la mère d'Ulysse au royaume des ombres ou les retrouvailles finales du héros et de son épouse après 20 ans d'absence sont poignantes.

La seule VF dans le dvd actuellement en vente (dont les couleurs sont par aileurs un peu passées) ne permet pas d'entendre les vraies voix des acteurs, mais de toute façon, la VO non plus, puisque Kirk Douglas est doublé en italien et Silvana Mangano était toujours doublée même dans sa langue. Pourquoi ? Mystère. Les dialogues français sont de belle qualité, et très poétiques.

Lorsque survient la dernière image du film, celle de la tapisserie de Pénélope, dans une pudique façon de laisser se dérouler hors champ l'étreinte du couple depuis si longtemps séparé, des choeurs s'élèvent, ponctués de quelques accords de lyre, et l'émotion étreint le spectateur, tandis que s'inscrivent les dernières phrases de cette légende filmée : "Le courage d'Ulysse, les rochers de Polyphème, la patience de Pénélope et les charmes de Circé se confondent aujourd'hui dans un même rêve. L'immortalité que le héros refusa d'une déesse lui fut donnée par un poète. Et le chant d'Homère plane pour toujours sur le monde, consacrant le génie grec issu d'un sourire des dieux." Amen.


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De PM Jarriq, le 17 mai 2007 à 07:25

Il y avait eu une minisérie TV dans les années 70, avec Bekim Fehmiu, Irène Papas et Barbara Bach, dans mon souvenir très réussie.


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De Impétueux, le 7 avril 2012 à 14:29
Note du film : 4/6

Eh bien, après avoir regardé à nouveau sur Arte, l'autre soir, cet Ulysse de Mario Camerini, passionnément vu et revu au moment de sa sortie et plusieurs fois ensuite, j'étais venu déposer une goutte de fiel, pour m'être agacé d'entendre Kirk Douglas doublé – comme d'habitude ! – par l'insupportable voix de Roger Rudel et pour n'être plus tombé dans le piège mélodieux des standards du film de genre : noble emphase, attitudes plastiques, roulements d'yeux furibonds et tout le tremblement…

Et puis la lecture renouvelée du message de DelaNuit a insinué un doute ; finalement est-ce que le film est si mauvais que ça ? Démonstratif, emphatique, artificiel, certes… L'Odyssée à la double influence de Hollywood et de Cinecittà… Mais c'est bien honnête, finalement, par rapport aux horreurs d'aujourd'hui, aux réécritures de la mythologie et des légendes dorées par les margoulins cosmopolites…

Et puis Silvana Mangano, et puis Rossana Podesta… Allez, pas de fiel, mais un sourire affectueux… Ne serait-ce que pour la dernière phrase, si opportunément citée par DelaNuit ''Et le chant d'Homère plane pour toujours sur le monde, consacrant le génie grec issu d'un sourire des dieux."


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De Tamatoa, le 11 avril 2012 à 18:55

Kirk Douglas doublé – comme d'habitude ! – par l'insupportable voix de Roger Rudel !

Je savais bien que j'avais lu ça quelque part ! Mais la voix de Roger Rudel est liée à tout jamais à Kirk Douglas ! Claude Chabrol disait : "- je refuse de voir un film avec Kirk Douglas qui ne soit pas doublé par Roger Rudel !-". On se sent tout paumé quand Kirk Douglas perd sa voix. Un peu comme quand Eddie Murphy n'a plus la voix de Med Hondo.


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De Impétueux, le 29 juin 2022 à 21:32
Note du film : 4/6

Je crois qu'il n'y a presque rien de plus beau que L'Odyssée dans nos vieilles terres d'Europe ; que cette histoire de roi maudit condamné à errer sur la mer couleur lie de vin comme la décrit Homère, mer au sourire innombrable comme l'évoque Eschyle continue depuis près de trois mille ans à illuminer notre imaginaire. Lisez cela dans la belle traduction du grand helléniste Victor Bérard, qui date de 1924 mais n'a pas pris une ride : Le vaisseau filait sans secousse et sans risque et l'épervier, le plus rapide des oiseaux, ne l'aurait pas suivi. Il courait, il volait, fendant le flot des mers, emportant ce héros aux divines pensées, dont l'âme avait connu, autrefois, tant d'angoisses.

|Évidemment, à côté de cette merveille poétique, une coproduction internationale, comme on en tournait pléthore jadis fait un peu pâle figure. Contingent d'acteurs de plusieurs nationalités, distribués à proportion des contributions financières de chaque pays à la production. Et donc, en premier lieu, les États-Unis d'Amérique, qui se taillent la part du lion avec de solides têtes d'affiche : Ulysse lui-même, bien sûr, le bondissant Kirk Douglas et, un peu en retrait Antinoos (Anthony Quinn), le prétendant le plus proche de faire chanceler la vertu de Pénélope. Les jolies femmes sont italiennes : Pénélope, donc, Silvana Mangano, l'épouse patiente mais un peu lasse, qui prête aussi son visage à la magicienne Circé, et Nausicaa, interprétée par Rossana Podesta ; chose curieuse (ou évidente, allez savoir !), la très jolie fille, deux ans après Ulysse sera, en 1956, l'Hélène de Troie de Robert Wise, Hélène par qui tous les ennuis ont commencé. Comptons aussi Télémaque, fils d'Ulysse, mais assez mièvre Franco Interlenghi. Parents pauvres, les acteurs français doivent se contenter de seconds rôles, voire d'utilités : Daniel Ivernel, Jacques Dumesnil, Sylvie

Il faut d'abord grogner contre l'extrême médiocrité de la qualité du DVD, à l'image sombre et, dirait-on, presque salie : des tonalités brunâtres, une atmosphère poussiéreuse : même lorsque les séquences sont en plein jour, on se croirait au crépuscule ; les couleurs sont presque uniformément de teinte caca d'oie : filmer le soleil grec et la mer Égée – ou les retranscrire aussi mal – avec cette désinvolture est bien regrettable.

En revanche l'adaptation est assez scrupuleusement fidèle à l'épopée et on saura gré à Mario Camerini d'en avoir respecté les larges espaces. Y compris d'avoir présenté Pénélope en femme qui est bien proche de céder à la lassitude de l'attente et qui n'est pas du tout insensible au désir violent d'Antinoos. De la même façon qu'Ulysse – certes frappé d'amnésie – récolte au hasard de ses errances les beautés qui surviennent. Mais il est aussi certain que le plus sage des Grecs, celui grâce à qui les murs de Troie ont pu être abattus, le sage, le perspicace, l'ingénieux Roi d'Ithaque est quelquefois présenté comme une sorte de chien fou, de capricieux, d'écervelé qui met en péril son voyage et ses compagnons d'infortune.

On a tout à fait raison d'apprécier les moments forts du récit : l'appel démesuré, presque obscène, des sirènes, la monstruosité de la caverne de Polyphème le cyclope (Umberto Silvestri) et, naturellement, la joute finale, le massacre des prétendants. Mais on se dit aussi qu'avec davantage de moyens, un réalisateur d'aujourd'hui pourrait tirer mieux de cette fabuleuse histoire que ma petite-fille de dix ans et demi a regardé avec un grand intérêt. C'est déjà ça que le wokisme n'aura pas gagné.


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