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Sujet : L'Amérique profonde


De Gaulhenrix, le 20 avril 2007 à 00:00
Note du film : 5/6

Récompensé par le Prix spécial du jury au festival policier de Cognac en 1999, Sam Raimi propose un film qui n'est pas sans rappeler le Fargo des frères Coen, dont on a salué les mérites, hier, sur DVDtoile. On retrouve le même décor enneigé et les mêmes personnages simples de l'Amérique profonde.

Sam Raimi insiste sur la blancheur immaculée des paysages enneigés du Wisconsin pour mieux faire ressortir que l'effet de la chute de l'avion – la tentation brutale par l'argent – sur l'innocence virginale des êtres va faire fondre la neige de l'apparence et révéler la noirceur des désirs humains, comme une pierre jetée dans l'eau calme vient la troubler durablement et propager ses ondes néfastes. En effet, Hank, malgré son bonheur conjugal et son caractère posé, ne sait pas s'opposer à l'appât du gain qui saisit son entourage et ne prend pas la bonne décision : rendre l'argent aux autorités. Dès lors, Sam Raimi orchestre une véritable descente aux enfers au cours de laquelle chaque événement trace un rond supplémentaire dans l'eau de plus en plus trouble du quotidien de ses personnages, jusqu'à les conduire à ne plus rien maîtriser et à devenir les jouets d'un enchaînement tragique où chacun va révéler qui sa sottise, qui son égoïsme, qui sa cupidité, qui son mal-être. La scène finale, d'une simplicité bouleversante, ponctue un film émouvant.

Si Fargo installait dès l'abord des êtres malhonnêtes et s'attachait à les suivre dans leurs turpitudes, Un Plan simple propose un schéma plus riche, et le traitement du sujet est foncièrement différent. Sam Raimi commence par présenter des « gens comme les autres » plus ou moins bien intégrés dans la vie, ( quoi de commun, toutefois, entre Hank et Jacob en dehors de leur affection fraternelle ?), plutôt sympathiques, avant de les soumettre à la tentation et d'observer enfin l'engrenage fatal qui, après les avoir piégés, va progressivement les transformer.

Ce film aux scènes épurées, aux personnages peu bavards mais sensibles et humains, aux paysages beaux et désolés à la fois, est porté par une musique de Danny Elfman toujours discrète, mais d'une présence si mélancolique qu'elle exprime, à elle seule, solitude, désarroi et misère de vies qui s'ensevelissent dans le silence de la neige. Un film, enfin, qui montre une vraie compassion pour les personnages qu'il choisit de faire vivre, notamment en ce qui concerne les deux frères, remarquablement interprétés par Billy Bob Thorton et Bill Paxton.


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De PM Jarriq, le 9 février 2009 à 17:26
Note du film : 5/6

Tout à fait d'accord avec la critique de Gaulhenrix, sur ce qui est peut-être le plus beau film de Raimi.


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De vincentp, le 9 février 2009 à 18:01
Note du film : 4/6

Certes, mais il ressemble énormément à Fargo et à Affliction. La mise en scène, l'interprétation effectivement sont de qualité.


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De PM Jarriq, le 9 février 2009 à 19:12
Note du film : 5/6

C'est vrai, impossible de ne pas penser à ces deux films. Mais il y a pire, comme références…


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De Reznik, le 10 février 2009 à 10:56
Note du film : 5/6

Dans le même registre, le The Square récemment (et malheureusement confidentiellement) sorti en salles en France est un polar australien de belle tenue. Le sentiment de "déjà vu" laisse vite la place à une ambiance naturaliste paranoïaque des plus stimulantes.


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De Steve Mcqueen, le 13 mars 2011 à 18:02
Note du film : 5/6

Un Plan simple est un film noir absolument implacable, féroce et passionnant de la première à la dernière image… Dans des paysages enneigés soufflants de beauté, Raimi observe à la loupe l'implosion d'un couple uni et le saccage de l'amitié quand un magot imprévu vient bouleverser le destin de deux frères et de leur ami. Le film rappelle beaucoup Fargo, sauf que là où les frères Coen laissent leur film traîner en longueur et effectuent des ruptures de ton incongrues (malgré quelques séquences éblouissantes), Un Plan Simple ne connaît aucune baisse de régime, enchaîne les scènes à suspense tétanisantes et s'achemine vers une conclusion belle à pleurer.

Bill Paxton, dans un de ses rares premiers rôles, exprime à la perfection les doutes d'un homme ordinaire confronté à l'inimaginable, Billy Bob Thornton, méconnaissable, est parfait, et Bridget Fonda laisse affleurer sous le vernis de la femme-au-foyer-modèle un cynisme et une cupidité inatendues.

Raimi prend un malin plaisir à plonger ses personnages dans une intrigue inextricable, se permet des rebondissements à couper le souffle et saupoudre le tout d'un humour noir féroce.

Dans le genre polar implacable qui tient le spectateur en haleine de la première à la dernière seconde Un Plan Simple est un modèle du genre qui n'a pas encore été dépassé (selon moi).

C'est presque indécent tellement c'est bon !


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De Impétueux, le 21 décembre 2016 à 22:44
Note du film : 4/6

Admirable titre que celui d'Un plan simple et admirable grinçante situation de braves gens insignifiants qui, par une sorte de logique implacable des choses se trouvent peu à peu coincés dans un piège infernal semé de cadavres ! On a rarement aussi spirituellement mis en valeur des situations dans quoi chacun peut sinon se retrouver, du moins imaginer qu'il pourrait être, jusqu'à leurs développements les plus épouvantables…

Le Wisconsin d'Un plan simple est tout aussi déprimant que le Dakota du Nord de Fargo : de la neige, des bourgades déprimantes de laideur et d'insignifiance, des habitants imbibés de bière et gavés de hamburgers, une sorte de solitude martiale hypocrite. Même les cimetières, bien différents des nôtres, si pittoresques et attirants, sont d'une laideur à faire frémir. Au milieu de cette nature déprimante, une toute petite goutte d'espérance : un avion plein d'argent malhonnête, découvert par Hank (Bill Paxton), son frangin, Jacob (Billy Bob Thornton), qui est à la limite inférieure de la débilité mentale et Lou, le copain de Jacob (Brent Briscoe), grassouillet crétin alcoolique.

Ce qu'on va faire des millions de dollars ainsi trouvés est tout le propos du film : la découverte qui empoisonne la vie, finalement assez paisible et évidente, de ces villageois. Que l'on songe à Fargo, du fait de l'atmosphère, de la rudesse et de l'ennui invraisemblable de ces contrées perdues me semble évident et ceux qui ont dressé un parallèle ont bien sûr raison. Mais j'ai songé forcément à un film qui se passe à des encâblures, avec d'autres villageois et dans un autre site, qui montre pourtant l'évidence de l'argent destructeur.

Qu'allez-vous penser ? Aguirre ou la colère de Dieu, la lèpre de l'or, la soif de l'or aux temps des conquêtes ? Le trésor de la Sierra Madre, le pourrissement des relations d'amitié ? Oui, sans doute, mais davantage encore à Crésus, le seul film qu'ait réalisé Jean Giono où Jules (Fernandel) découvre, tout aussi inopinément que Hank, Jacob et Lou, une masse de dollars, découverte qui déclenche, sur un haut plateau aride de Provence, toute une série de catastrophes.

Le film de Giono est ironique et narquois ; celui de Sam Raimi tourné avec beaucoup d'humour vers une sorte de féerie macabre, chaque séquence, ou presque, aboutissant à un massacre invraisemblable, né d'une logique impeccable et désespérante, chaque meurtre conduisant, par une sorte d'évidence inéluctable, à un autre.

Et puis, à partir de combien de billets oublie-t-on sa rectitude morale ? Voici une autre référence : Une vie difficile, de Dino Risi : le journaliste Silvio Magnozzi (Alberto Sordi), plein d'une vertueuse indignation, se dresse contre un industriel véreux dont il projette de dénoncer la malhonnêteté dans on journal : Je suis payé 5000 lires et je ne retirerai pas l'article pour 50.000 lires ! Et l'industriel : Mais pour 5 millions ?

Hank et sa femme Sarah (Bridget Fonda) resteraient bien honnêtes, étriqués, parcimonieux si le tourbillon des 4 millions et demi de dollars ne venait leur tournebouler la tête. Mais est-ce que c'est possible ?

Les corbeaux volètent dans la forêt, la neige tombe doucement. Le sang a giclé très fort. La ville reste un trou perdu. Forcément.


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