Très beau film en noir et blanc. Un peu didactique et assez daté, mais très efficace, et émouvant! On n'a pas tellement fait mieux depuis.

L'acteur français qui joue le déporté juif est Jean Negroni.

Peut-on représenter la shoah ? l'univers concentrationnaire ?
L'enclos d'Armand Gatti, l'avait fait bien avant la liste de Schindler et sa polémique…
Il faut être plus précis que cela, l'enclos témoigne des camps de concentration et pas de la shoah.

Gatti est un écrivain et homme de théatre français, né en 1924. En 1942, il rejoint un maquis en Corrèze et, l'année suivante, est déporté au camp de Linderman près de Hambourg. A la libération, il entre au parisien libéré, puis en 1954, devenu grand reporter, il obtient le prix Albert Londres. En 1959, Jean Vilar monte l'une de ses pièces au tnp, Vilar dont on retrouve la voix dans l'enclos…

Le dvd contient un bonus tout à fait intéressant où l'auteur dit lui-même son intention : une "tentative d'exorciser le monde concentrationnaire", "faire un film sur les camps, sans tomber dans les concessions, et essayant de rester malgré tout dans le langage du camp, dans la mesure du possible."(1)
Utopie du langage (cinématographique en l'occurence), assumée : Gatti choisit de parler de ceux, les plus rares peut être, qui trouvaient le moyen de résister.

L'ouverture du film est impressionnante :
Le ciel, la caméra descend jusqu'au sommet d'une montagne surplombée d'un mirador.
Puis un autre plan : les détenus filmés de loin, minuscules larves humaines, sur l'à pic d'une falaise.
Enfin, d'autres détenus, en sabots ou pieds bandés, parfois ensanglantés, hissant péniblement des blocs de pierre jusqu'au sommet, sous la surveillance des SS, de leurs chiens, des kapos.
C'est le camp de Tatenberg.

Deux détenus enfermés dans l'enclos, la hiérarchie SS promet la vie sauve à celui qui tuera l'autre… C'est fin, subtil, complexe ; la mort ou son danger sont partout palpables ; et avec ça pas une minute de trop, c'est compact et effectivement sans concession…
La fin est bouleversante, seul moment musical du film, lorsque l'orchestre joue mort dans la lutte fatale, sur l'appelplatz…

Maurice Druon parle d'une "oeuvre indispensable et parfaite" ; Cocteau dit qu'elle "témoigne avec une puissance irrésistible". Il faudrait voir (et revoir) l'enclos (seulement 500 visiteurs de la fiche-film)…

(1) Une anecdote : Gatti évoque avec sérieux qu'une firme américaine s'était intéressée à son projet, et souhaitant lancer un acteur comique (qui faisait 120 kilos !), l'avait proposé dans le rôle d'un déporté…