Si vous aimez les anciens feuilletons pleins de rebondissements, bien filmés, avec des acteurs qui vous donnaient l'impression d'être complètement dans l'action, de l'histoire, des intrigues, vous allez vous régaler.

En tout cas, c'est une des très rares occasions que des spectateurs français auront d'apercevoir l'immense Gilles Pelletier, un célèbre comédien de chez moi. D'ailleurs, je ne savais pas qu'il avait eu des engagements en France. Surprise, surprise… comme de voir surgir Paul Hébert dans Mouchette ou Guy Hoffman dans Violette Nozière.

Comment dire ? Malgré toute la sympathie qu'on peut donner aux personnages chevaleresques et aux héros courageux et l'aversion qu'on doit porter aux traîtres et aux vermines, malgré les moyens importants donnés au réalisateur Michel Drach, la qualité des décors et celle de la plupart des interprètes, on reste un peu sur sa faim. Ce qui est tout de même paradoxal après avoir regardé un long feuilleton de la belle époque de la télévision (1966) composé de cinq épisodes de 55 minutes et un dernier d'une heure et demie, un peu plus de 6 heures, donc, si je ne me trompe pas.

Pourtant les prémisses sont passionnantes. La période historique, d'abord. La France est en train de sortir de l'horreur révolutionnaire. Les buveurs de sang de la Terreur ont été passés au rasoir national en Thermidor (juillet 1794), mais la guerre civile est toute proche. La bourgeoisie, qui est la pleine (et seule) bénéficiaire de la Révolution aspire à jouir de sa prospérité et des Biens nationaux qu'elle a acquis pour une ou deux bouchées de pain. Elle souhaite qu'un homme fort asseye le nouveau régime et rende ses conquêtes irréversibles. Ce sera Bonaparte.

Dumas ficelle habilement son affaire, comme d’habitude, avec des procédés éprouvés : les deux héros, le républicain Roland de Montrevel (Yves Lefebvre) et le royaliste Charles de Sainte-Hermine (Claude Giraud) qui, sous le pseudonyme de Morgan dirige les Compagnons, sont également beaux et chevaleresques. De plus Morgan est secrètement marié avec Amélie de Montrevel (Josée Steiner), la sœur de Roland qui, lui, a commis la folie d'épouser naguère la diabolique Agathe de Septeuil (Andréa Parisy), espionne perverse au service de qui la paie le mieux, les Anglais jadis et désormais Fouché. Voilà qui ouvre des perspectives intéressantes, n'est-ce pas ?

Écrivant cela, je me rends compte que je suis en pleine contradiction avec mes propos un peu plus avant et que le récit offre de nombreuses perspectives et des méandres tortueux ; mais alors, qu'est-ce qui ne va pas ? Peut-être, tout simplement, que les deux personnages principaux, l'un et l'autre parfaits, n'ont finalement pas beaucoup d'épaisseur et que disparaissent rapidement, au fil des épisodes, des protagonistes dont la perversité et la méchanceté auraient pu être davantage employés (l'ancien serviteur félon Toussaint, l'aventurière Agathe).

La distribution est plutôt réussie ; il y avait, dans ces années-là, de véritables spécialistes des feuilletons télévisés que, d'un opus à l'autre, on retrouvait avec plaisir : François Maistre, Jean Daurand, Gisèle Casadesus, Hélène Dieudonné, Henri Lambert…

Et puis je me demande toujours pourquoi ces deux-là n'ont pas connu une réussite plus éclatante : Claude Giraud, qui avait la prestance, la voix, le talent, la beauté des traits mais qui a sans doute fait un peu trop de télévision et de théâtre. Et Andréa Parisy, luxurieuse, poivrée, perverse, terriblement érotique, qui aurait pu être une sorte de Viviane Romance moderne… Mais est-ce que l'emploi (comme on dit sur la scène) n'avait pas déjà disparu ?

Bon ! Alors mon Gilles Pelletier "national" (désolé pour ces guillemets, cher Impétueux) dont je parlais dans mon message plus haut, c'est celui des trois types qui est à droite sur la photo.

Toute coquetterie mise à part, il a peut-être un peu changé depuis, mais toujours bon pied bon œil à un âge aujourd'hui mystérieux, que plus personne n'arrive à chiffrer exactement !

Heureusement pour nous de ce côté-ci de l'Atlantique (et pour moi en particulier, qui l'ai vu pour la première fois sur scène dans un monologue de Tchekhov, Les méfaits du tabac, où il était extraordinaire), monsieur Pelletier n'a pas poursuivi plus avant sa carrière française, à part un petit rôle épisodique dans une autre série des années soixante, Le chevalier Tempête et une courte mais amusante apparition dans Romaine par moins 30 (2009).

Oui, ami Arca, votre compatriote gilles Pelletier tient avec qualité et bravoure son rang dans la geste des Compagnons de Jéhu. Il met dans son rôle du dynamisme, de l'allure, de la gaieté, un goût fort sympathique pour les femmes et le vin, un dévouement amical sans limite. Bon compagnon, beau viveur. Un vrai Québécois, n'est-ce pas ?