Forum - Spartacus - Grand spectacle !
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Forum : Spartacus

Sujet : Grand spectacle !


De Léonidas III, le 18 avril 2005 à 14:08

Ah, encore un bon film… Avec la caméra stable et pas une gigoterie perpétuelle…

Belles scènes de combat, un peu de raccourcis, mais bon, on n'en fera pas une maladie diplomatique…

Bonne musique, bons décors, masse de costumes, les Romains ressemblent à des Romains, les esclaves à des esclaves. Tout le monde est content. Même les crucifiés de la Via Appia, qui ont juste été cloués avec une petite corde et un soutien aux pattes…


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De droudrou, le 9 février 2006 à 11:45
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Ouais ! Je ne cache pas avoir été un peu surpris par l'importance des messages dans le forum (c'est le cas de le dire).

Comment faut-il interpréter ce silence ? J'ai vu, revu ce film à différentes reprises. J'estime avoir eu, surtout, le plaisir de le voir en version originale sous-titrée. Il est bien clair, par exemple, que la doublure de Mlle Jean Simmons est très mauvaise car elle ne la crédibilise pas au regard de ses partenaires masculins. Il est clair aussi que les dialogues prennent une autre profondeur. Il est clair aussi que le récit est impressionnant dans son illustration. Ce sont des figurants et non des personnages animés sur un ordinateur. Tout cela remet quelque peu en cause notre vision actuelle des films à grand spectacle. La question aussi qui se pose est de savoir à quelle époque reclasser ce film dont certaines scènes me paraissent très contemporaines. Si Stanley Kubrick s'est plaint d'être confronté au "star-system" hollywoodien, en revanche, au final, c'est bien une oeuvre de Kubrick qu'il nous est donné de voir. Et en plus, c'est bien une oeuvre d'équipe où tout un chacun a fait parler ses convictions, de Kirk Douglas, producteur, à Dalton Trumbo, scénariste, à Howard Fast, l'écrivain dont le roman a servi de base.

Quand je parle d'une réédition DVD, je pense qu'il est indispensable que le DVD respecte le format écran. "Spartacus" dans le dernier coffret "collector" comme "Apocalypse Now Redux" ne respectent pas les formats. Et ce n'est pas normal. L'image au cinéma est l'élément essentiel du film. En ce qui concerne les scènes "manquantes" je serai tenté de dire que les ayant vues je ne pense pas que leur importance soit aussi conséquente. Les grandes élipses des "soirées" des gladiateurs sont largement suffisantes pour exprimer ce qui doit être exprimé. Au niveau de la scène tant décriée entre Laurence Olivier et Tony Curtiss dans le bain, il n'y a rien à redire puisque conforme à l'époque. Quant aux scènes finales quand on assiste au suicide de Charles Laughton, c'est peut-être là le seul instant où le son vaut bien plus que l'imagerie dans l'expression des sentiments.

Pour moi Spartacus est un grand film, un très grand film. Ce n'est pas un bon film, c'est un monument de l'histoire du cinéma qu'il fallait faire.

Amicalement – Pierre


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De jipi, le 1er décembre 2006 à 10:00

Salut Droudrou

Et puis Peter Ustinov en fait des tonnes quel comédien par moment on a l'impression qu'il improvise surtout dans la scène du choix des gladiateurs pour le combat jusqu'à la mort lors de la visite de Crassus. C'est émouvant de voir Charles Laughton se faire embrasser les cheveux par Varinia puis de tirer le rideau de la vie.


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De droudrou, le 1er décembre 2006 à 21:43
Note du film : Chef-d'Oeuvre

C'est quasiment le même Peter Ustinov que celui de Topkapi de Jules Dassin que l'on oublie beaucoup !


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De vincentp, le 3 août 2009 à 00:06
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Très belle image en hd-dvd (pour origine, une restauration soignée). Il y a de grands moments (le générique d'ouverture, les déplacements de la légion romaine sur la colline), les prises de vue sont splendides. Spartacus est une œuvre parfois audacieuse (la fameuse scène du bain), ambitieuse (les réflexions politiques ou liées à la nature humaine) mais qui n'échappe pas à un académisme un peu guindé, et très hollywoodien (on devine souvent ce qui va se passer)… Barabbas de Richard Fleischer, autre spectacle historique antique, réalisé deux ans plus tard, me semble plus innovant, plus original, et plus personnel aussi.

Néanmoins, les aspects positifs de Spartacus l'emportent très largement sur les petites réserves que l'on peut émettre. Grand spectacle, et très beau film.


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De Legrandschtroumpf, le 3 août 2009 à 23:13

Ave ! les premières scènes qui se passent au Sénat m'ont immédiatement renvoyé au film de Preminger "tempête à Washington" avec Laughton ! quel travail que celui de dalton Trumbo qui nous donne un film où en comparaison "Gladiator" ne tient pas la route malgré tous ses effets mais c'est très vrai que la séquence de l'éclipse de Barabbas demeure un instant de cinéma inoubliable quant à la confrontation Anthony Quinn Jack Palance elle ne peut nous laisser indifférents et nous toucherait plus que le spectaculaire de la nouvelle bataille de Carthage de "Gladiator" qui, pourtant disposerait de plus de moyens !…Amen ! Salut à tous ! droudrou !


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De DelaNuit, le 4 août 2009 à 13:56
Note du film : 5/6

Les discussions au sénat sont intemporelles… Je me souviens de Gracchus susurrant sous le nez de ses adversaires Crassus et César, aux ambitions personnelles totalitaires affirmées  : "Notre République est peut-être corrompue, elle a au moins le mérite d'être libre…"

Par ailleurs, les nombreuses scènes de foule et de bataille n'empêchent pas des moments de poésie telles les discussions de Spartacus et Varinia sur l'origine du vent d'été (la respiration d'un jeune dieu endormi dans une grotte, songeant à une jeune fille…) ou le poème d'Antoninus sur les montagnes bleues et les vallées empourprées…

On en pardonne presque au film d'alterner des prises de vues en extérieurs très réalistes avec des clairières de studio aujourd'hui datées… comme des îlots d'onirisme entre deux boucheries.


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De Impétueux, le 19 janvier 2012 à 23:05
Note du film : 3/6

On comprend fort bien qu'après avoir réalisé ce film de commande où il dut supporter tout le poids du système hollywoodien, Stanley Kubrick ait décidé de voler de ses propres ailes et de ne jamais plus se soumettre à quelque diktat ou influence que ce soit.

Comment retrouver la patte du plus inspiré des réalisateurs dans ce peplum nullement désagréable, malgré sa longueur et qui serait même plutôt bien fait, eu égard aux standards du genre ? Kubrick attachait une sorte de soin maniaque à l'illustration musicale de ses films, et là, nous avons une partition d'une grande banalité, emphatique, claironnante, ennuyeuse, d'où ne surnage aucun thème majeur et qui s'englue dans le marshmallow et le caramel mou aux moments d'émotion. C'est écrit par un nommé Alex North, compositeur fécond de musiques parfaitement oubliables, simples accompagnements des images et non parties essentielles de la qualité d'un film. Pas une ligne mélodique qu'on retienne, pas une des fulgurances qui marqueront les films ultérieurs de Kubrick, pages empruntées à la musique classique ou compositions originales (de Wendy Carlos, par exemple).

Autre chose : l'éparpillement des vedettes, la multiplication des stars, vieux truc hollywoodien qui dilue l'attention au bénéfice des physionomies et interdit la concentration sur le seul travail du réalisateur ; tout le monde est excellent, dans Spartacus, même Kirk Douglas et presque Tony Curtis et il y a quelques magnifiques numéros de Laurence Olivier ou de Charles Laughton, qui font le job et parviennent presque à effacer le trémoussant, outré et presque ridicule Peter Ustinov, souvent mieux distribué.

Rien de Kubrick, dans Spartacus ? Bien sûr que si, pourtant ! Les effets de foule, les batailles, certaines prises de vue et certains ciels d'orage, la capacité à entraîner le spectateur dans les méandres d'une histoire plutôt convenue…

Je m'étonnerai (faussement) toujours que l'usine à fric d'Hollywood présente habituellement, avec les apparences de la vertu, des récits et des idées censément très éloignés de ses propres critères et que chacun prête la main à cette opération de mystification : tout autant Howard Fast, l'auteur du roman dont est tiré le film, que Dalton Trumbo, son adaptateur, étaient réputés pour être de grandes consciences de gauche et durent subir les rigueurs du maccarthysme : l'histoire de Spartacus est un vibrant plaidoyer humaniste (mais, accordons-le, moins manichéen qu'on aurait pu le craindre), et tout cela, pourtant, ruisselle d'argent et sent le film à gros budget… Hommage du vice rendu à la vertu ? Allez savoir !

Si Kubrick avait pu réaliser son propre film, et non pas tourner le film de ses producteurs, il aurait pu se pencher, plus intelligemment, sur l'énigme de cette société policée, intelligente, créatrice de l'Ordre civilisateur, et qui se complaisait avec tant de fascination pour des égorgements d'une cruauté peu imaginables. Cette dialectique, ou cette schizophrénie-là auraient dû être le ressort du film, au lieu d'une bien banale jacquerie humaniste…

Mais ouf ! Kubrick allait sortir du carcan…


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De DelaNuit, le 20 janvier 2012 à 11:44
Note du film : 5/6

"C'est écrit par un nommé Alex North, compositeur fécond de musiques parfaitement oubliables, simples accompagnements des images et non parties essentielles de la qualité d'un film."

Vous y allez un peu fort ! Que les musiques d'Alex North renvoient davantage à l'atmosphère hollywoodienne des années 50 qu'à l'univers de Kubrick, c'est une chose, qu'on les qualifie d'oubliables avec autant de mépris en est une autre.

Alex North demeure pour les amateurs de musiques de films américains un des grands noms des années 40-50. Ses partitions pour Un tramway nommé désir ou Les Désaxés / The Misfits demeurent aujourd'hui encore des références en la matière, mêlant jazz et orchestre symphonique.

Ses thèmes de Cléopâtre ont encore beaucoup de succès, notamment son fameux générique qui semble nous transporter sur une nef descendant le Nil, a fait rêver des générations et a finalement moins vieilli que d'autres musiques de films du même genre.

Pour Spartacus, son thème d'amour, qui paraît certes aujourd'hui typiquement hollywoodien et peu en rapport avec son sujet, a longtemps fait partie des standards de la musique de film de l'époque, et le thème composé pour le poème d'Antoninus ("blue forests ans purple hills") a conservé son pouvoir d'évocation.

Jusqu'à sa fameuse "Unchained melody", composée pour un film largement oublié, qui fut reprise comme thème principal du film Ghost. Alors rendons à Alex…


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De North, le 20 janvier 2012 à 12:06
Note du film : 6/6

Quand on ne s'y connaît pas IMPETUEUX en "musique"… on se tait !… Que vous soyez omniprésent sur ce site, ne vous permet pas de dire n'importe quoi !… Les bandes originales des musiques de films d'Alex North ont été reprises maintes fois par différents orchestres et certains ont la chance d'entendre les mélodies issues de sa musique féconde au travers de nos orchestres nationaux… Alors pitié !… Sachez vous taire quand il le faut…


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De Steve Mcqueen, le 20 janvier 2012 à 12:27
Note du film : 5/6

Certes comme l'indique Impétueux, Spartacus un film de commande (il a remplacé Anthony Mann, viré par Kirk Douglas, au pied levé), mais quel film de commande ! Sans doute mon péplum préféré…

…pour la séquence des arènes, où Douglas affronte Woody Strode, son ami, son frère, qui se sacrifie pour lui, pour la Liberté, pour l'Honneur…Pour l'ambiguîté latente des rapports entre Tony Curtis ( assez fade il est vrai) et Laurence Olivier (la scène du bain, censuré à la sortie du film, fait preuve d'une audace assez rare pour l'époque…mais Dalton Trumbo est grand, et ces séquences me font penser aux retrouvailles de Charlton Heston et Stephen Boyd dans Ben Hur, Heston jouant la séquence comme de simples retrouvailles viriles et Boyd, comédien beaucoup plus subtil laissant transparaître, suivant les indications de Gore Vidal par ses regards et attitudes une attirance homosexuelle pour son ami…).

Pour la bataille finale dans un immense champs, les deux forces antagonistes filmées par une caméra virtuose alternant plans larges et plans rapprochés, Kubrick captant superbement le choc des glaives sur les cuirasses, les combats au corps à corps, la sueur et le sang…

…Et surtout pour le final (aussi réussi que celui du Barrabas de Fleischer, empreint d'une force tragique remarquable, mêlant la déception de la défaite et le sentiment d'avoir pour un temps goûté à la liberté, un final magistral qui laisse dans la bouche le goût amer d'un Paradis perdu…

Alors que pèsent la mièvrerie de la romance avec Jean Simmons (en même temps fréquente dans le cinéma hollywoodien de la grande époque en ce qui concerne les rapports amoureux) et la banalité de la musique d'Alex North (plus inspiré dans d'autres superproductions et drames intimistes) dans la balance d'un film qui enchaîne les morceaux de bravoure comme des perles sur un collier ?

D'un point de vue purement subjectif, le film de Kubrick surpasse allègrement Ben Hur… Là où Wyler, déléguant une bonne partie des Séquences à la seconde équipe de Yakima Canutt, fait platement de la belle image saint-sulpicienne et s'appuie sur le jeu outré d'Heston, le réalisateur de 2001 réalise un VRAI classique, canalisant les envolées lyriques admirables de Trumbo par une mise en scène d'une immense rigueur, belle sans être académique, ample et puissante.

L'histoire de Spartacus est un vibrant plaidoyer humaniste (mais, accordons-le, moins manichéen qu'on aurait pu le craindre), et tout cela, pourtant, ruisselle d'argent et sent le film à gros budget… Hommage du vice rendu à la vertu ? Allez savoir !

Certes, mais c'est un faux problème à mon humble avis, se retrouvant dans toutes les strates de l'art et de la culture… Doit-on tourner un drame intimiste et social avec 100 dollars dans un terrain vague pour diffuser un message humaniste exaltant la liberté? A t-on jamais reproché à Bruce Springsteen d'avoir amassé des millions de dollars avec son hymne Dancing in the Dark, paradoxe ultime quand on sait que la chanson célèbre les désillusions du mythe américain et l'aspiration à une vie meilleure  ? Danse avec les loups, pétri de valeurs humanistes, était budgeté à plusieurs millions de dollars et il en rapporté encore plus…Peut-on parler d' d'hommage du vice à la vertu, dès lors que le film est éblouissant ?

Personnellement je regrette que Kubrick soit sorti de son carcan pour entrer dans sa bulle de Plus Grand Cinéaste Du Monde Devant L'Absolu, livrant des oeuvres visuellement splendides, maîtrisées avec un soin maniaque dans les moindres détails, mais aussi pauvrement interprétées et dépourvues de la plus petite étincelle de vie.

Un film de commande certes, mais quel film de commande !

post-scriptum : mille merci à Impétueux pour son analyse passionnante (même si nos points de vue divergent sur Kubrick)et richement argumentée, qui permet à chacun de réagir selon sa sensibilité sur des points précis de ce texte précis et sur ses écrits en général.

Comme je l'ai dit ailleurs je ne suis pas, comme d'autres sur ce forum, un thuriféraire de Kubrick, mais quand ses (trop ?) grandes ambitions se coulent dans les contraintes d'un cinéma commercial de grande classe, quand ses velléités artistiques trouvent un écho dans les désirs précis des producteurs, quand il s'adapte aux exigences d'un public de masse qui veut du grand spectacle ( sur ce côté là le film est loin de décevoir), on ne peut que saluer la performance.


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De Torgnole, le 20 janvier 2012 à 13:57
Note du film : 4/6

Spartacus est sans doute le péplum qui m'a le plus marqué mais je ne suis pas amateur de ce genre ayant vu quelques classiques dont Ben Hur, Les Dix Commandements et quelques autres (Le classicisme hollywoodien n'est vraiment pas ma tasse de thé).

A mon souvenir Spartacus est une fresque poignante qui comme le dit Steve Mcqueen enfile les moments de bravoure jusqu'à un final des plus sombres et ce fameux passage où tous les esclaves prétendent s'appeler Spartacus, concept très efficace et repris moult fois.

En revanche, pour reprendre le dernier paragraphe de Steve Mcqueen au sujet des autres films de Kubrick:

"Personnellement je regrette que Kubrick soit sorti de son carcan pour entrer dans sa bulle de Plus Grand Cinéaste Du Monde Devant L'Absolu, livrant des œuvres visuellement splendides, maîtrisées avec un soin maniaque dans les moindres détails, mais aussi pauvrement interprétées et dépourvues de la plus petite étincelle de vie."

Ce n'est pas parce qu'aucun des acteurs tire son épingle du jeu que l'interprétation est pauvre au contraire, je trouve cette sobriété appréciable car elle permet de mettre le sujet et l'ambiance en avant plutôt qu'un cabotinage éhonté et s'il fallait trouver un contre-exemple, il me semble que l'interprétation de Nicholson dans Shining est loin d'être pauvre.


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De Impétueux, le 20 janvier 2012 à 23:14
Note du film : 3/6

Eh bien, moi qui, au contraire de Steeve MCQueen, suis un thuriféraire absolu de Stanley Kubrick, trouvant en lui tout ce que le cinéma a de plus beau et de plus grandiose, et surtout de plus spécifique par rapport à d'autres arts, moi qui, donc, place Kubrick au plus haut de mes admirations, c'est bien entendu dans cette optique qu'il faut apprécier ma notation et mes réticences.

Spartacus est un admirable péplum, j'en conviens, nous en convenons volontiers ; c'est loin d'être un de mes genres préférés (pas davantage que le western), mais j'en ai beaucoup vus, jadis, aux moments où ils éclosaient sur nos écrans comme les jonquilles vont dans quelques semaines le faire. À cette aune-là, il n'y a rien à dire, c'est admirablement fait, les batailles sont puissantes, les sentiments violemment contrastés et noblement exprimés, les longueurs sont bienvenues, entre les morceaux de bravoure, et le style d'une grande hauteur de vue.

Mais, précisément, quand notre ami McQueen écrit Que pèse la mièvrerie de la romance avec Jean Simmons, fréquente dans le cinéma hollywoodien de l'époque, je regimbe !

Parce que, à mes yeux, Kubrick est bien davantage qu'un Wyler, qu'un Fleischer et que je ne note pas ses films sur les mêmes critères, ne les place pas sur la même étagère.

Je conçois fort bien qu'on n'ait pas pour lui la même admiration que celle que j'éprouve ; qu'on veuille bien admettre que lorsque je place Spartacus au dernier rang de mon classement kubrickien, ça ne signifie pas grand chose en valeur absolue. Je me suis fait jadis la même réflexion en commentant le gros coffrer L'âge d'or de Sacha Guitry : le 4 que je mets au Nouveau testament n'est pas tout à fait de la même nature que le 4 dont j'annote aussi Prends la route de Jean Boyer, par exemple… Tout est affaire de strates…


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De Impétueux, le 21 janvier 2012 à 22:50
Note du film : 3/6

Quant à la musique de ce North ennuyeux… elle me fait songer à toutes celles qui, aux États-Unis, lorsque le film n'est pas un musical, accompagnent le film… A côté de ce que nous avons en France, où le compositeur est partie prenante de la réalisation, les Étasuniens font pâle figure… Maurice Jaubert, René Cloerec, Georges van Parys, Joseph Kosma, François de Roubaix, Philippe Sarde, Vladimir Cosma…. Ou, en Italie, Carlo Rustichelli, Nino Rota, Ennio Morricone, Riz Ortolani…. Qu'est-ce qu'il y a, en face ?

D'ailleurs, lorsque les Étasuniens veulent une grande bande originale, ils vont chercher Maurice Jarre ou Michel LegrandDimitri Tiomkin ou John Barry ? C'est peu…


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De vincentp, le 21 janvier 2012 à 23:20
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Affirmation éminemment péremptoire ! Il y a du monde en face ! Bernard Herrmann, Franz Waxman, Elmer Bernstein, Miklos Rozsa, Alfred Newman, Dimitri Tiomkin, Jerry Goldsmith, John Barry, Max Steiner, Lalo Schifrin, (Leonard Bernstein aussi) pour ne citer que les plus connus… Certains d'entre eux sont nés en Europe mais ont fait l'essentiel de leur carrière aux Etats-Unis.


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De Impétueux, le 21 janvier 2012 à 23:48
Note du film : 3/6

Tous ces gens que vous citez, Vincentp, sont évidemment des compositeurs de musiques de films… Mais, Leonard Bernstein mis à part (j'ai bien précisé que j'excluais de mon désintérêt les auteurs de musicals), parmi tous ceux que vous citez, y en a-t-il un qui ait créé une mélodie qu'on puisse fredonner ? D'honnêtes artisans, accompagnant certaines séquences par des musiques ad hoc… aucun thème musical marquant…

Je sais que j'exagère (je ne sais plus qui a écrit le thème de mon cher Autant en emporte le vent, qui demeure dans toutes les têtes), mais bien franchement, quand on songe à un film des États-Unis, il est bien rare qu'une musique vienne en tête… Alors qu'en France ou en Italie, c'est très fréquent (et c'est même quelquefois le meilleur du film : Nino Rota avec Huit et demi)


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De Arca1943, le 22 janvier 2012 à 00:16

« parmi tous ceux que vous citez, y en a-t-il un qui ait créé une mélodie qu'on puisse fredonner ? »

Malgré la difficulté de l'air, je suis capable de siffler North by Northwest, une formidable B.O. de Bernard Herrman (mais bon, sans fausse modestie, je suis un très bon Siffleur, qui siffle en aspirant comme en expirant).

Je suis d'accord avec vous en gros – la musique des films européens est souvent plus marquante à mes oreilles – mais il ne faut pas non plus exagérer.

La mélodie de Midnight Cowboy est inoubliable, prenante, elle fait surgir tout un univers à elle toute seule.

Le thème musical des Sept mercenaires n'est plus à présenter (mais bon, vous aviez déjà fait une exception pour Elmer Berstein).

La mélodie Raindrops Keep Falling on my Head the Butch Cassidy et le Kid est connue de tas de gens qui n'ont jamais vu le film. Le thème de Star Wars. Celui de Mission impossible, bien entendu (mais bon, ça a commencé par être de la télé, alors disons que ça ne compte pas).

La triste et entêtante mélodie de Rosemary's Baby ?

Il y a sûrement d'autres exemples, même si le style "pompier" a souvent le haut du pavé dans les années 50-60 et que certains films auraient gagné à avoir "leur" mélodie.

Cela dit, pour vous donner raison, je remarque que les plus magnifiques B.O. de films américains sont faites de chansons : ainsi, tous deux en 1971, Cat Stevens pour Harold et Maude et Leonard Cohen pour McCabe & Mrs. Miller : dans les deux cas, une osmose parfaite.

Évidemment, selon moi les meilleurs dans le domaine sont (ô surprise) les Italiens et leur commento musicale (comme ça s'est longtemps appelé au générique). J'écoutais encore récemment la musique d'Armando Trovajoli pour Nous nous sommes tant aimés : l'esprit du film est tellement bien capté… c'est magique…


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De vincentp, le 22 janvier 2012 à 06:42
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Les BO qui m'ont plus marquées :La mort aux trousses (que j'ai réécoutée récemment à pleine volume, est qui est peut-être la BO la plus célèbre, renommée, et réussie du cinéma), The searchers (Max Steiner), Aventures en Birmanie (fabuleuse musique de Franz Waxman), Where eagles dare. Patton (Jerry Goldsmith) aussi.

Les chansons "Knocking on heaven's door" de Bob Dylan (Pat Garrett et Billy the Kid), "Mrs Robinson" de Paul Simon et Art Garfunkel… sont entrées dans la petite légende de la musique et du cinéma.

Citons aussi la musique des Pink Floyd pour More, sans doute plus réussie que le film.

Côté italien, n'oublions pas Pino Donaggio, compositeur de plusieurs films de de Palma (point d'orgue : Body double).

Sur ce plan musical, il y a sans doute égalité parfaite entre les deux continents.

Que les compositeurs américains n'aient pas produit des rengaines mémorables (et encore, cela se discute) s'explique en grande partie par le fait qu'ils étaient employés par des studios, collaborant sur plusieurs films la même année, avec une notion de rentabilité. Ils n'étaient pas dans la logique absolutiste déjà évoquée sur ce forum d'un Tarkowski ou d'un Kubrick réalisant une oeuvre tous les cinq ans, une fois que toutes leurs idées ont abouti à quelque chose d'exceptionnel.


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De Arca1943, le 22 janvier 2012 à 15:46

« Que les compositeurs américains n'aient pas produit des rengaines mémorables (et encore, cela se discute) s'explique en grande partie par le fait qu'ils étaient employés par des studios, collaborant sur plusieurs films la même année, avec une notion de rentabilité. »

Ce n'est pas une très bonne explication puisque l'exigence de rentabilité est également essentielle pour n'importe quelle industrie du cinéma. Les Nino Rota, Ennio Morricone, Riz Ortolani, Mario Nascimbene, Carlo Rustichelli, Piero Piccioni, Armando Trovajoli et autres composaient également pour plusieurs films chaque année.

La réponse selon moi est à chercher ailleurs, dans la conception même que l'on se faisait du rapport entre film et musique. La notion italienne de commento musicale est selon moi un indice : la musique me semble souvent avoir un rôle plus grand, être plus volontiers "protagoniste" à Cinecittà qu'à Hollywood. Les exemples les plus éloquents se trouvent dans les cinémas de Fellini et de Sergio Leone, mais il y en a plein d'autres (ainsi la B.O. grinçante et pulsante d'Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon semble inimaginable à Hollywood, où on me semble moins porté à mettre la musique à l'avant-plan). Le tandem Hitchcock-Herrmann me semble plutôt une exception que la règle…


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De Impétueux, le 22 janvier 2012 à 16:01
Note du film : 3/6

Quand j'écris que je sais bien que j'exagère, en écrivant que les musiques de films d'Outre-Atlantique ne passent pas la rampe…. je sais bien précisément que j'exagère. Et les exemples pertinents cités rétablissent évidemment l'équilibre.

Mais deux choses ; d'abord que je crois vraiment qu'aux États-Unis la musique de film n'est pas, hors exception notable, aussi importante dans le film que le dialogue ou la lumière, mais demeure un simple accompagnement. Est-ce qu'on pourrait, a contrario, concevoir Il était une fois dans l'Ouest sans les deux thèmes principaux écrits par Morricone (L'homme à l'harmonica et C'era une volta) qui font que le compositeur est presque co-auteur du film, avec Leone ?

Mais – revenons à Spartacus – ce qui est très curieux, très singulier pour un amateur de Kubrick – c'est ce décalage entre une musique d'accompagnement, ni plus ni moins emphatique que celle de tous les péplums que j'ai vus, ni plus, ni moins désagréable et le soin maniaque que le réalisateur accordait à tous les éléments de ses films.


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De vincentp, le 22 janvier 2012 à 19:41
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Spartacus se situe au début de carrière de Kubrick, lequel avait remplacé Anthony Mann qui avait un différent avec Kirk Douglas. Ce n'est pas une oeuvre véritablement personnelle, mais plutôt celle d'un studio.

D'autre part, il y a bel et bien pléthore de rengaines mémorables dans le cinéma américain, tout particulièrement dans le western (High noon, Rio bravo, Alamo)… John Ford emploie à de très nombreuses reprises des thèmes du folklore américain (un de ses films s'appelant My darling clementine). Regardez les films de Mc Carey (Elle et lui, La route semée d'étoiles) : la musique y constitue la pierre angulaire… Et ne parlons pas des "musicals", genre typiquement américain…

Mais ceci ne veut pas dire pour autant que nos compositeurs hexagonaux ont démérité !


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De droudrou, le 6 novembre 2015 à 11:41
Note du film : Chef-d'Oeuvre

chef d'oeuvre avec l'édition 55ème anniversaire d'un entretien dans les suppléments avec Kirk Douglas nous apprenons qu'au montage Stanley Kubrick voulait supprimer la scène I'm Spartacus et que c'est Kirk Douglas qui, faisant valoir sa position de producteur du film qui a permis de la maintenir ; effectivement un gros plan sur le visage de l'acteur nous fait partager toutes les émotions de SPARTACUS qui demeure, plus que jamais un très grand film.

N'hésitez pas à faire l'acquisition de cette nouvelle édition. L'image bluray est splendide et quel son !


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De vincentp, le 21 novembre 2015 à 22:29
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Oui, superbe image pour l'édition HD restaurée, et bien sûr de grandes qualités cinématographiques. Je retiens subjectivement le générique d'ouverture de Saul Bass (puissant), l'interprétation de Laurence Olivier, la finesse du scénario, la rigueur de la mise en scène. Mais l'histoire souffre du fait d'être trop prévisible. Heureusement, les péripéties (par exemple autour du numéro de magie de Tony Curtis) maintiennent l'attention du spectateur pendant les 192 minutes.

https://www.youtube.com/watch?v=-spQt_tLBeI


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De jeff94, le 3 décembre 2015 à 05:25
Note du film : 5/6

Spartacus correspondait en plein à son époque. Non point l’époque du film mais l’époque du tournage : le maccarthysme. Cette tristement fameuse chasse aux sorcières qui voulait clouer au pilori toute personne soupçonnée d’avoir eu des idées procommunistes. Kirk Douglas, producteur et interprète, vit l’intérêt de la révolte d’un esclave pour dénoncer la mainmise d’une commission sénatoriale sur le monde du cinéma. Mais il alla encore plus loin en demandant à Dalton Trumbo, l’un des scénaristes mis au ban d’Hollywood, d’adapter le roman original. Kirk savait qu’il allait au clash avec la censure mais mena jusqu’au bout son combat avec un courage exemplaire.\r\n\r\nCinquante ans après, alors que lui-même avoue une mémoire un peu défaillante, vu son gra! nd âge, Kirk Douglas revient en détails sur la genèse, le tournage et la sortie de ce film peu banal.\r\n\r\nMême s’il s’attribue le beau rôle, il raconte tout avec précision. De l’idée première jusqu’aux ultimes coupures de la censure (la fameuse scène de bain entre Laurence Olivier et Tony Curtis qui fut rétablie ultérieurement). Cela fait de son livre un véritable reportage sur les lieux mêmes de l’action. Y compris les hésitations, les erreurs (Anthony Mann fut remplacé par Kubrick), les cabotinages, les pressions. Kirk s’efforce de ne rien oublier et cela rend son travail passionnant. Le lecteur assiste vraiment à la naissance du film et, une fois le livre fermé, n’a qu’une envie : se précipiter sur son lecteur DVD pour revisionner Spartacus (j’avoue ne pas l’avoir fait car j’ai souvent vu et revu cette production).\r\n\r\nL’ardent cinéphile peut seulement regretter que le tournage proprement dit, et notamment l’attitude de ! Kubrick, soit insuffisamment développés mais il y a déjà t! ellement d’informations que c’est faire fine bouche de gourmand.\r\nI Am Spartacus ! (réplique la plus célèbre du film qui faillit tomber à la trappe) est donc bel et bien un vrai livre de cinéma. Je tiens à le signaler car le cas est rare. Dans notre beau pays, notamment, on préfère disserter sur le cinéma, l’analyser que le faire vivre. Les auteurs ont trop souvent besoin d’expliciter au lecteur le pourquoi du comment. Or, un vrai livre de cinéma doit faire pénétrer dans la coulisse, donner l’agréable illusion de participer à la création d’une œuvre. Ce qu’a parfaitement réussi Kirk Douglas.\r\n\r\nCet ouvrage, qui parait chez nous peu après celui sur Diamants sur canapé (Sonatine) prouve à quel point les Américains aiment le cinéma. Il prouve aussi que Kirk Douglas, dont la filmographie ne compte pas que des chefs d’œuvre, sut être un producteur d’une rare efficacité. Il entrera dans le panthéon du septième art, le glaive de l! ’illustre gladiateur à la main. Spartacus reste un des plus grands peplums realisé avec, Quo vadis, ben- hur et les dix commandements.

Spartacus reste un des plus grands péplums réalisé avec, Quo vadis, ben- hur et les dix commandements.


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De vincentp, le 6 décembre 2015 à 09:52
Note du film : Chef-d'Oeuvre


La mise en scène de Kubrick est rigoureuse et de grande qualité. Il est à l'aise aussi bien dans les scènes de combat vues via notamment des grand angles que pour des scènes plus intimistes filmées de façon rapprochée. Ce qui m'a frappé le plus, c'est la qualité du jeu de Laurence Olivier dans le rôle de Marcus Crassus. Son personnage lui a été taillé sur mesure par Dalton Trumbo.

Les relations politiques à l'intérieur du sénat sont également décrites avec mesure, pondération, et sont crédibles. Le descriptif du monde politique de Rome est très réussi, plus que les relations un peu trop idéalisées qui se nouent entre les esclaves. Globalement une oeuvre sans réelle faiblesse, qui oscille entre le très réussi et l'exceptionnellement réussi.

Et il est vrai que l'édition restaurée de 2015 en haute définition est de toute beauté, et met en valeur cette oeuvre incontournable. Je la place sur le podium des films portant sur le monde antique, juste derrière Ben-Hur.


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De droudrou, le 27 juin 2023 à 10:02
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Alors que je suis en train de revoir avec grand plaisir ce chef d'oeuvre du cinéma je relève sur Internet un très long article de GEO ayant pour sujet la vie des Gladiateurs et le personnage de SPARTACUS je vous le livre ci-après .

La vie glorieuse et sanguinaire des gladiateurs de Pompéi

Première cité romaine à avoir édifié un amphithéâtre en pierre dédié aux jeux, Pompéi était une terre d’élection pour ces combattants, Célébrés en héros. Les pieds plantés dans le sable, le thrace, paré pour l’attaque, avec ses grandes jambières, son petit bouclier et sa dague courbe (sica), affrontait le mirmillon, reconnaissable à sa petite jambière, son grand bouclier cintré et son glaive droit. Il y avait aussi le rétiaire, dépourvu de casque et de bouclier, mais armé d’un filet, d’un trident et d’une dague, peu protégé mais très véloce. Son adversaire, le secutor, était équipé d’un grand bouclier, d’un glaive court, et d’un casque aux formes épurées, puissante protection faciale spécialement conçue pour résister aux coups de trident, tandis que son cimier dépourvu d’aspérités lui permettait de se débarrasser plus facilement du filet de son adversaire. Des champions, ces gladiateurs au combat à l’ombre du Vésuve?? Mieux?: des idoles. Comme ailleurs dans le sud de l’Italie, la région de Pompéi était une terre d’élection pour ces gladiateurs aux tenues bien codifiées. Dès le IVe?siècle av.?J.-C., en effet, des habitants de Paestum, à une cinquantaine de kilomètres au sud de la cité dominée par le volcan, peignirent des scènes de combats¬ sur certaines tombes de notables. Ces duels, livrés à l’occasion de funérailles, avaient pour but d’honorer les mânes d’un défunt important. Au siècle suivant, les citoyens de Capoue, ville située à une vingtaine de kilomètres au nord de Pompéi, eurent l’idée d’organiser ces combats rituels avec l’é¬qui¬pement des guerriers samnites, le peuple montagnard du centre de l’Italie, qu’ils venaient de vaincre. Ils donnèrent ainsi naissance aux fameuses armaturae, les panoplies destinées à équiper les valeureux gladiateurs. Au fil du temps, ces affrontements devinrent de plus en plus populaires auprès d’un public avide de spectacle. C’est ainsi que, vers 70 av.?J.-C., fut édifié à Pompéi le premier amphithéâtre en pierre de l’Empire romain, un édifice novateur, spécifiquement destiné aux combats de gladiateurs, et permettant d’ac¬cueillir 20.000 spectateurs – soit plus que la totalité de la population locale. Des hommes libres, liés par contrat à un imprésario

Comme chaque ville romaine dotée d’un amphithéâtre, Pompéi avait sa propre école?: le ludus gladiatorium, cadre de vie d’une «famille de gladiateurs». Intégrée au cœur de la cité, cette microsociété gravitait autour de 30 à 40 combattants. Contrairement à une idée reçue, les gladiateurs du Ier?siècle n’étaient plus des esclaves enchaînés comme au temps de la révolte de Spartacus (73-71 av. J.-C.). Il s’agissait d’hommes libres, volontaires, qui avaient signé un contrat avec leur lanista, une sorte d’imprésario ou d’agent qui louait ses combattants aux élites municipales désireuses d’offrir des jeux au peuple. Une fois le contrat signé et la prime d’engagement empochée, le jeune débutant (tiro) commençait sa formation sous les ordres d’un entraîneur – le doctor –, qui était lui-même un ancien gladiateur éprouvé. Pendant des décennies, l’école des gladiateurs de Pompéi fut installée dans une grande demeure, dans le nord de la cité. Mais, à la suite du trem¬blement de terre de 62, elle dut s’installer au sud de Pompéi, entre le théâtre et le mur d’enceinte de la ville. Dans ce vaste espace entouré par un portique, les guerriers professionnels, placés sous les ordres de leurs doctores, suivaient sans broncher un en¬traî¬nement intensif. La course en armes, le saut en longueur, le combat à coups d’épée en bois contre un poteau (palus), la lutte, le pancrace (mélange de boxe à mains nues et de lutte), étaient autant d’activités quotidiennes. Tout au long de leur formation, dans une ambiance de caserne, les gladiateurs livraient également des centaines de duels avec des armes émoussées. Ces exhibitions non sanglantes se déroulaient en public?: elles permettaient aux passionnés d’appré¬cier les progrès effectués et d’envisager de futurs paris sur leurs favoris. Autour de cet espace d’entraînement, s’alignaient des «cellules» de dix à quinze mètres carrés destinées au logement des gladiateurs et autres membres du ludus. L’armurerie se situait vraisemblablement dans une pièce plus grande, ornée de peintures murales représentant Mars et Vénus ainsi que de trophées d’armes de gladiateurs. Le manicarius, l’armurier, fabriquait et réparait sur place les panoplies. Lors des fouilles effectuées au XVIIIe?siècle, une cuisine a é¬ga-lement été identifiée, grâce aux ustensiles retrouvés sur place. Afin d’optimiser les performances des combattants, tout était fait pour assurer leur bien-être?: ils avaient à disposition des cuisiniers chargés de leur faire suivre un régime particulier, des masseurs et les meilleurs médecins.

Certains gladiateurs vivaient avec leur compagne¬ et leurs enfants au sein du ludus, d’où ils pouvaient sortir librement. Les célibataires bénéficiaient, quant à eux, de la fascination que leur métier exerçait sur les Romaines de toutes conditions. Parmi des dizaines d’autres, un graffiti retrouvé sur un mur (et peut-être bien écrit par l’intéressé lui-même) qualifie ainsi le gladiateur thrace Celadus de «soupir des pucelles» : Suspirium puellarum Celadus thraex. Hommes et femmes admiraient ces combattants pour leur courage et leur habileté. Mais ces derniers subissaient pourtant aussi une forme d’opprobre, leur profession relevant du spectacle et de l’exhibition en public. Pire encore, le commerce qu’ils entretenaient avec la mort et le sang pouvait susciter le rejet, à l’instar des croque-morts et des bouchers… Des rendez-vous attendus avec impatience par le public

Le ludus de Pompéi a joué un rôle majeur dans la connaissance de l’univers de la gladiature. La plupart des pièces d’équipement de combattants connues à ce jour y ont été découvertes à partir de 1766?: pendant deux ans, les fouilles effectuées dans la caserne des gladiateurs livrèrent de nombreux casques et jambières parfaitement conservés. Ces pièces d’armement et de protection étaient souvent rehaussées de décors raffinés. Luxueux, ces objets ont parfois été interprétés comme des pièces décoratives utilisées lors de parades. Mais l’étude attentive des casques a permis de relever les nombreuses réparations qui avaient été effectuées à la suite de leur utilisation au combat. Les duels à armes réelles dans l’arène étaient des rendez-vous attendus avec impatience par le public. Ces jeux étaient payés par un homme politique ayant obtenu une charge municipale de premier plan. La pression populaire l’obligeait alors à offrir à ses concitoyens un cadeau somptueux sous la forme de combats véritables, où la mort pourrait être infligée au vaincu. Financer ce type de spectacle constituait souvent le sommet d’une carrière municipale, car le coût pouvait s’élever à plusieurs centaines de milliers de sesterces?: une fortune. À titre de comparaison, un esclave mâle pouvait se négocier autour de 2.000 sesterces… Et, pour les hommes politiques, l’importance de ces festivités était telle qu’ils les immortalisaient souvent dans le marbre de leur propre tombeau.

À l’approche de l’événement, une campagne de communication était mise en place grâce à des «affiches» peintes sur les murs de la ville. Sur ces edicta, l’élu offrant les jeux énumérait le nombre et le palmarès des combattants qu’il avait réunis dans une sorte de cartel. Bien loin de ces centaines de guerriers que l’on voit s’affronter simultanément dans les péplums hollywoodiens des années 1950, les combats étaient assez rares et rassemblaient un plateau réduit. À Pompéi, une affiche moyenne présentait environ 28 paires de combattants, issus du ludus local et des «familles» de gladiateurs des environs. Ces derniers s’affrontaient durant trois ou quatre jours, ce qui représentait donc moins de dix combats quotidiens.

Le jour dit, les gladiateurs défilaient dans les rues de Pompéi au son des trompettes (pompa). Des esclaves portaient des panneaux sur lesquels étaient inscrits le nom et le prix payé pour chaque combattant, tandis que le crieur public énonçait leur palmarès. Durant la matinée, des chasseurs professionnels affrontaient des animaux sauvages dans l’amphithéâtre. Puis, vers midi, des condamnés de droit commun étaient parfois exécutés sur le sable de l’arène. Selon les inscriptions retrouvées à Pompéi, des acrobates, des musiciens et des lutteurs pouvaient aussi animer l’après-midi, avant l’entrée en piste des héros tant attendus.

Les spectateurs ne demandaient la mort du vaincu qu’une à deux fois sur dix

Après quelques minutes d’un duel intense, le combat se terminait par le renoncement d’un des deux gladiateurs, du fait de son épuisement ou des blessures reçues. Contrairement à la vision véhiculée par le cinéma, les hommes politiques finançant le spectacle réfléchissaient à deux fois avant de faire exécuter le vaincu, car la somme à payer à leur imprésario pouvait atteindre un montant exorbitant?! D’ailleurs, les spectateurs ne demandaient la mort qu’une à deux fois sur dix. Et quand ils la réclamaient, c’était en raison de la mauvaise prestation du vaincu, ou de sa lâcheté face à l’adversaire. Et contrairement à un autre mythe tenace, les spectateurs ne retournaient jamais leur pouce pour demander la mort. Dans ce cas, ils tendaient la main ouverte vers le vaincu. Pour demander sa grâce, ils ne levaient pas plus le pouce, mais agitaient leur serviette (mappa) pour obtenir son «renvoi» (missio), vivant, de l’arène.

Plus que le sang et la souffrance, la foule venait contempler la technique et le courage de ces hommes qui affrontaient la mort en face. Les connaisseurs se divisaient entre partisans des «grands» et des «petits» boucliers, chacune de ces spécialités développant une escrime bien particulière. Parfois, l’exaltation des supporters débordait en affrontements dans les tribunes. Ainsi, en 59, une véritable bataille rangée opposa-t-elle, dans l’amphithéâtre et alentour, les habitants de Pompéi à ceux de la cité voisine de Nuceria, entraînant la mort de dizaines de personnes. Conséquence?: le sénat de Rome et l’empereur Néron décidèrent de punir les Pompéiens¬ en les privant de combat de gladiateurs pendant dix longues années.

Mais d’ordinaire, une fois les duels terminés, les 20.000 spectateurs massés dans l’amphithéâtre se répandaient en ville pour festoyer. Sur les affiches annonçant les combats, un V était inscrit devant le nom des gladiateurs victorieux. Un M?signalait les vaincus graciés et un P, plus rare, ceux qui avaient péri après leur défaite. À la fin de l’après-midi, les tavernes se remplissaient de buveurs commentant inlassablement les plus beaux combats de la journée. En 2019, à l’angle des rues dites des Noces d’argent et des Balcons, des fouilles ont révélé une fresque polychrome parfaitement conservée dans la salle d’une taverne. À la demande du propriétaire des lieux, le peintre n’a pas réalisé un simple combat de gladiateurs qu’il aurait imaginé de toutes pièces. Au contraire, l’artiste a restitué de manière très réaliste la fin d’un duel ayant existé, un affrontement opposant un mirmillon à un thrace, qui n’avait rien d’un en¬traî¬nement.

Le thrace vaincu est d’ailleurs représenté couvert du sang coulant de ses nombreuses blessures. Il est peint en train de lever la main pour mettre fin au combat, après avoir combattu jusqu’à l’extrême limite de ses forces. Ce duel avait manifestement marqué les esprits des clients du débit de boissons. Tout en vidant leur gobelet de vin, les scutari, partisans des «grands boucliers» pouvaient célébrer la victoire de leur mirmillon, tandis que les parmulari, amateurs des «petits boucliers», trinquaient en hommage au courage du malheureux thrace. En commerçant avisé, le propriétaire de la taverne avait probablement choisi ce combat¬ mémorable pour ne pas fâcher une partie de sa fervente clientèle.

Qui était vraiment Spartacus, le gladiateur qui défia Rome ?

Gladiateur devenu chef de guerre, il a défié Rome durant trois ans à la tête d’une révolte d’esclaves avant de mourir les armes à la main. Personnage historique dont on ne sait finalement à peu près rien, si ce n’est qu’il a réellement existé, Spartacus est surtout devenu un symbole de la quête de liberté. Son existence physique est avérée. Spartacus était un Thrace, un ancien auxiliaire déserteur de l’armée romaine qui, selon Jean-Guillaume Lanuque dans "Les 1001 visages de Spartacus", est capturé et vendu à Rome comme esclave. Il s’enfuit de son école de gladiateurs en 73 av. JC., et prend aussitôt les armes L’initiateur de la troisième guerre servile

"Il est accompagné de sa compagne, une thrace prêtresse de Dionysos, raconte Jean-Guillaume Lanuque, et d’environ 70 compagnons, gladiateurs armés d’instruments de cuisine, qui, au sortir de Capoue, profitent de la confiscation d’une charrette remplie d’armes pour s’équiper de meilleure façon. Spartacus et ses compagnons se réfugient alors sur le Vésuve, effectuant des raids sur la région pour survivre." Le petit groupe est rapidement rejoint par des esclaves en fuite, des ouvriers pauvres ou des petits paysans sans propriété, et Spartacus se retrouve à la tête d’une troupe de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, entre 40 000 et 70 000 selon les estimations. L’ancien gladiateur, devenu chef de guerre, défie Rome et entame la troisième guerre servile de l’histoire de l’Empire.

"Il y a déjà eu deux guerres serviles, au siècle précédent, rapporte Jean-Noël Castorio, maître de conférences en histoire ancienne à l'Université du Havre. Mais paradoxalement, la troisième guerre servile, qui est la première à toucher directement la péninsule italienne, témoigne surtout de la puissance de l’Empire. Rome a atteint un tel degré de puissance, par les conquêtes militaires, qu’un nombre d’esclaves inédit afflue de toute la Méditerranée." On comprend aisément pourquoi Spartacus est entré dans la légende : durant trois ans, l’Etat le plus puissant du monde est mis en échec par une troupe d’esclaves ! Arrêté sur sa route vers le nord par Pompée et Crassus, il meurt les armes à la main. Son cadavre n’est jamais retrouvé. En représailles, 6 000 esclaves seront crucifiés sur la Via Appia.

Le héros des Lumières, des soviétiques et des chrétiens La légende s’empare bien vite du personnage, qui est surtout connu dans notre culture française depuis le XVIIIème siècle. C’est le philosophe Voltaire qui ramène Spartacus sur le devant de la scène en écrivant en 1764 dans son "Dictionnaire philosophique" : "Il faut avouer que, de toutes les guerres, celle de Spartacus est la plus juste, et peut-être la seule juste". Le gladiateur devient l’un des grands héros de l’humanité, le défenseur des droits humains. Au siècle suivant, il sera porté aux nues par le régime soviétique. En 1861, déjà, Marx écrit à Engels : "Pour me détendre, j'ai lu les guerres civiles de Rome d'Appien, Spartacus est le plus splendide des hommes de l'Antiquité, Grand général, un noble personnage vraiment représentatif du prolétariat de l'Antiquité". En 1918 à Berlin, Rosa Luxemburg, la fondatrice de la Ligue spartakiste, prononce à son tour un discours dithyrambique : "Spartacus est celui qui exhorte les révolutionnaires et les pousse à agir, parce qu'il est la conscience socialiste de la révolution. Il est haï, calomnié, persécuté par tous les ennemis secrets ou avérés de la révolution et du prolétariat, analyse Jean-Noël Castorio. Les marxistes vont en faire leur porte-drapeau, mais aussi les démocrates américains dans les années 1960, comme en témoigne le film de Stanley Kubrick dans lequel Spartacus est même comparé au Christ dans la scène finale de la crucifixion".

Spartacus, anti-esclavagiste ? Un anachronisme "Si Spartacus a été autant idéalisé, avance Jean-Noël Castorio, c’est en partie le fait des Romains eux-mêmes. Il était plus facile pour eux d’expliquer que les esclaves avaient eu la chance d’avoir à leur tête un chef de guerre génial, plutôt que d’admettre qu’ils avaient très mal manœuvré." Pour l’historien, ces trois révoltes serviles, et la dernière en particulier, illustrent un dysfonctionnement majeur du système esclavagiste romain. "Il y a une absence de contrôle de cette population servile. Au IIème siècle, il y a trop d’esclaves sur le marché romain, au point qu’ils ne valent plus rien." Pour autant, relève Jean-Noël Castorio, faire de Spartacus le fer de lance de l’anti-esclavagisme est un anachronisme. "Ce n’est pas une guerre de liberté. Les esclaves, à l’époque, n’ont pas de conscience de classe. L’esclavage est un statut commun, mais la division sociale et intellectuelle est considérable au sein de la population servile. Certains côtoient les puissants et sont quasiment au sommet de la hiérarchie, d’autres travaillent dans les mines ou aux champs et sont traités comme des animaux. Ils ne sont pas contre l’esclavage, certains viennent d’ailleurs de peuples esclavagistes. Pour eux, c’est un fait naturel." Spartacus voulait vraisemblablement offrir la liberté à ses troupes, davantage que changer en profondeur la société romaine. Mais le caractère exceptionnel de son combat justifie à lui seul qu’il soit devenu, à travers les âges, le symbole de l’aspiration à la liberté.


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De JIPI, le 27 juin 2023 à 11:27

Merci droudrou pour tous ces précieux éléments concernant l'historique d'un concept cinématographique souvent répété de la tunique à Spartacus. C'est vrai que Spartacus ce n'est pas rien. le meilleur du genre selon moi. Chacune de ses visions m'apporte toujours les mêmes vibrations et je finis par me demander plus les années passent si ce n'est pas le seul.


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De droudrou, le 11 août 2023 à 07:40
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Je me réponds : j'ai revu SPARTACUS en dépit de ce qu'a pu penser Stanley Kubrick à propos du star system la conjugaison des divers talents, réalisation, scénario et artistes, cadres et décors , nous a donné un authentique chef d'oeuvre du cinéma auquel son nom restera attaché et qui demeurera longtemps inégalé toute la dernière partie du film est d'une qualité hypnotique c'est un film restauré qui a sa place dans toute collection de cinéphile averti.


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De JIPI, le 13 août 2023 à 13:08

Entièrement d'accord avec toi Droudrou et ceci sans hésiter une seconde. Marqué à vie par cet opus mémorable que j'ai vu très jeune, bien supérieur à la récurrence soporifique de Ben-Hur.


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De droudrou, le 13 août 2023 à 13:23
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Jipi mon grand , il n'est pas possible de comparer BEN HUR et SPARTACUS – BEN HUR ce sont les très grands moments avec "LE SERMENT SUR LA MONTAGNE " et le "MIRACLE" en n'oubliant surtout pas le "CHEMIN DE CROIX" dès ses premiers instants avec en arrière plan très lointain Hérode qui s'en lave les mains" Wyler est aussi fort en ces instants qu'en certaines scènes des GRANDS ESPACES ce qui est très fort si tu reviens à la conception de la toute première scène des 'PLUS BELLES ANNEES DE NOTRE VIE" quand Fred Derry traverse le hall pour aller prendre sa réservation et n'oublie pas l'instant où le captain Fred Derry tombe la veste pour rejoindre le responsable des démolisseurs scène simple mais qui complète le tableau de l'homme, tableau qui s'est dessiné tout le long du film quand les autres personnages étaient déjà parfaitement dessinés !… C'est très très fort ! dans le même esprit, songe à la scène du sermon sur la montagne : Jésus en premier plan et dans le lointain Ben-Hur, qui traverse l'espace !… bon week end à toi mon grand !…


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