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Forum : Violette Nozière

Sujet : Film énigmatique pour personnage énigmatique


De vincentp, le 14 janvier 2006 à 23:56
Note du film : 6/6

L'histoire de Violette Nozière, condamnée à mort en 1934 pour parricide puis graciée et réhabilitée, racontée par Claude Chabrol, est bien énigmatique ! Chabrol dresse en effet le portrait d'une jeune fille à la psychologie indéfinissable, aux propos et attitudes incompréhensibles de son entourage et des spectateurs que nous sommes. Assassine-t-elle son père pour des abus commis sur sa personne, ou pour se débarrasser de sa vie médiocre ? Que fait-elle dans la nuit à se promener le long d'une route ? Se prostitue-t-elle ? On le croît au début puis on finit par en douter. Ne cherche-t-elle pas tout simplement à combler un vide affectif dont l'origine est simplement suggérée ? Ou est-elle atteinte tout simplement psychologiquement par sa syphillis ? Des pistes sont ouvertes, mais aucune réponse précise n'est apportée par le metteur en scène.

La psychologie des autres personnages est en revanche assez claire. On retrouve parmi ceux-ci les bourgeois hypocrites et peureux, qui se réfèrent à des valeurs désuètes ou ridicules et pour lesquels Chabrol possède une aversion évidente !

Le film calque sa mise en scène et son scénario sur la psychologie énigmatique du personnage principal et prend lui-même une tournure également très énigmatique. On s'étonne en effet à de nombreuses reprises. Pourquoi l'amie de Violette Nozière ne lui réclame-t-elle pas la bague en or qu'elle lui a prêtée ? Violette est-elle encore scolarisée ? Quels sont ses rapports avec la famille du docteur qui la soigne ? Que va faire Jean Dabin aux Sables d'Olonnes ? Cette accumulation volontaire d'invraisemblances ou de questions sans réponses contribue à bâtir une atmosphère étrange, ou l'irrationnel et le rationnel s'enchevêtrent. Cette atmosphère est amplifiée par un contexte d'époque, fait d'obscurantisme et d'hystérie collective (lecture du journal « je suis partout », écoute des informations présentant la politique artistique de Hitler). De plus, les ellipses dans la construction du récit contribuent à brouiller en profondeur les repères temporels habituels du spectateur.

Film extrêmement bien fait, très sophistiqué dans la construction et le propos, d'une grande envergure, et à qui on pourrait trouver un air commun avec des classiques anciens ou récents tels que cérémonie secrète et Mulholland Drive.


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De Arca1943, le 15 janvier 2006 à 00:42
Note du film : 6/6

Vous cernez bien cette force du film – pour moi un souvenir de plus en plus lointain – qui consiste à respecter le mystère des événements et à bien se garder, à la différence d'autres films centrés sur des mystères judiciaires ou historiques, d'arriver avec une hypothèse toute faite ou un "système" qui viendrait tout expliquer. Au contraire, il s'agit de bien faire vivre au spectateur le caractère énigmatique de l'affaire. Cela dit, l'insistance sur l'hystérie de l'époque – en autant que je m'en souvienne – est une piste sérieuse…

Notons que le tandem Huppert / Chabrol nous a donné aussi Une Affaire de femmes et La Cérémonie : parmi les meilleurs de leur réalisateur.


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De Impétueux, le 8 août 2007 à 18:15
Note du film : 4/6

Eh bien, chers amis Vincentp et Arca, je ne vous suivrai pas dans votre admiration profonde de ce Chabrol-là, que j'avais vu à sa sortie, sans déplaisir, et que j'ai regardé à nouveau sur DVD, sans pouvoir me départir d'un certain sentiment de frustration.

D'ailleurs, ma note de 4 va bien davantage aux acteurs – la toujours exceptionnelle Isabelle Huppert en premier lieu, bien sûr – mais aussi Stéphane Audran qui, après avoir été une des plus jolies femmes de Paris entamait là, non sans courage, une sorte de reconversion en femme marquée par la vie qui la conduirait à la mégère odieuse de Coup de torchon et à la hideuse femme en gris de Mortelle randonnée et Jean Carmet, très retenu, et très bien dirigé.

Un 4 aussi au climat décrit, à la reconstitution de l'époque : l'appartement surchargé et exigu du couple Nozière (qui m'a fait curieusement songer à l'appartement des Doinel, dans Les Quatre cents coups : même parcimonie d'espace, mêmes escaliers crasseux qui doivent sentir le chou sûri et le poireau aigre, mêmes espaces restreints et lits étroits), les décors des bistrots, la tenue des passants, la tonalité générale de ces années où les illusions de la Victoire sont bien loin, les Années folles bien mortes et où l'on pressent sourdement que l'on est entré dans une nouvelle Avant-Guerre.

Mais, contrairement à vous, j'accroche mal à la façon dont Chabrol traite le sujet, laissant subsister plein de zones floues et donnant un caractère énigmatique (vous employez l'un et l'autre ce mot) au récit, avec ses pistes ouvertes, recensées (peut-être non exhaustivement) par Vincentp qui, comme il ne s'agit pas d'un film onirique à la David Lynch, ne me convainc pas.

J'entends bien que, comme pour plusieurs faits divers crapuleux de l'Histoire (de l'affaire du Courrier de Lyon à l'affaire Dominici), on n'est là sûr de rien (mais peut-être le mystère est-il moins grand là que dans les deux crimes que j'ai cités). J'entends également que Chabrol peut n'avoir pas voulu adopter une thèse précise – Nozière avait-il ou non abusé de Violette ? – et a choisi volontairement certaines invraisemblances pour nous faire saisir la facilité d'emprunter de fausses pistes.

Mais ces pistes qui ne sont pas – j'insiste – des rêveries, qui rendraient tout plausible, ni même des récits antagoniques me retiennent et me choquent. Et là, je suis bien proche de mettre un 3…

Un point de détail : la réhabilitation de Violette a été, certes, prononcée par la Cour d'appel de Rouen, en mai 1963 ; mais je serais curieux (qui pourrait nous éclairer ?) de connaître les Attendu de ce jugement : la Cour a-t-elle accordé un satisfecit pour la bonne conduite de la meurtrière, en prison et après son mariage ? Ou a-t-elle jugé que l'assassinat du père, incontesté, aurait été justifié, du fait de l'inceste, et que, lors du procès initial, la jeune fille n'aurait pas dû être condamnée ?


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De PM Jarriq, le 2 mai 2009 à 17:40
Note du film : 4/6

Cela fait indéniablement partie des bons Chabrol, même si son plus grand talent ici ne réside pas dans une mise en scène très SFP, mais dans l'idée d'avoir donné le rôle de Violette à Huppert, qui porte le film sur ses épaules, et lui offre son mystère, son opacité teintée de bêtise, son goût du sordide, qu'on retrouvera tout au long de sa carrière. Elle crée un personnage insaisissable et inquiétant du début à la fin. Ses relations ambiguës et malsaines avec Carmet sont teintées de leur passé commun dans Dupont Lajoie, qu'on le veuille ou non.

Je suis moins emballé par les ellipses soudaines, les non-dits qui rendent le récit trop abstrait par moments (qui est le fameux "oncle Emile"?), et certains personnages insondables, l'illogisme des comportements que Chabrol se refuse sciemment à éclairer. Cela provoque d'abord la curiosité, puis la frustration.

Audran et Carmet sont d'une époustouflante médiocrité, et leur scène d'amour "conjugal" rendrait abstinent Rocco Siffredi. Parmi les seconds rôles, on reconnaît (à peine) Jean-Pierre Coffe en médecin, et Luchini en étudiant insalubre.

Violette Nozière est trop long, pâtit d'un scénario aux singularités superflues (les sauts dans le temps, les flash-backs), mais vaut le détour pour Isabelle Huppert en pleine possession de son art.


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De Arca1943, le 2 mai 2009 à 17:59
Note du film : 6/6

Toujours pas revu ce film indisponible au Canada (malgré la présence d'acteurs canadiens tels Guy Hoffman). Mais un peu comme pour certains doublages français de films américains, je me creusais la tête pour savoir ce que pouvait bien vouloir dire « SDF » ou « ANP » et où diable trouver ça à New York, de même une très sexy aura de mystère entoure cette observation de Jarriq : « …une mise en scène très SFP. »

Sans fausse pudeur ? Sans faux-plis ? Souffrant de formalisme périmé ? Signe de franche poilade ? Sigmund Francesco Pignon (un cinéaste de génie dont je n'aurais jamais entendu parler) ? Je me perds en conjectures…


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De PM Jarriq, le 2 mai 2009 à 18:25
Note du film : 4/6

Eh non, ami canadien… La SFP c'est la Société Française de Production, qui produisait à la chaîne tous les téléfilms de l'âge d'or de la télé française (ORTF). On y trouvait des techniciens payés à l'année, des bureaux, des salles de montage, des studios d'enregistrement pour le direct, etc. Mais cette vénérable institution générait – la plupart du temps – un "look" un brin vieillot et pantouflard, qui fut souvent moqué.


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De kfigaro, le 4 mai 2009 à 09:09
Note du film : 6/6

Il a été réédité par René Château il y a 2 ou 3 ans, auparavant il avait été édité par Universal ou MK2 je ne sais plus, je serais curieux d'avoir cette édition d'ailleurs car elle devait contenir quelques bonus qui ont dû disparaître avec la nouvelle édition, mais l'ancien support est absolument introuvable.

C'est l'un des sommets de l'oeuvre chabrolienne dans tous les cas…


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De PM Jarriq, le 4 mai 2009 à 09:23
Note du film : 4/6

Il est à signaler que la copie de René Chateau est tout à fait correcte, mais n'est pas en 16/9. Dans le cas présent, ce n'est pas réellement dommageable, mais pourquoi cette persistance dans l'archaïsme ?

Et effectivement, il n'y a aucun bonus, pas même un chapitrage basique…


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De kfigaro, le 4 mai 2009 à 14:24
Note du film : 6/6

J'ai d'ailleurs l'impression qu'il n'y a jamais aucun chapitrage dans les éditions René Chateau, en tout cas les DVDs que j'ai d'eux ne sont jamais chapitrés, quelle différence avec une VHS dans ce cas ?


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De fretyl, le 4 mai 2009 à 14:47

Les deux dvd des Diaboliques et du Salaire de la peur que j'avais acheté dans un coffret René Château étaient chapitrés et il y'avait même les bandes annonces. Mais c'est vrai que c'est assez rare.


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De Impétueux, le 4 mai 2009 à 22:33
Note du film : 4/6

Hélas, amis, les premiers DVD édités par René Chateau étaient convenables, et même (presque) davantage, chapitrés, souvent restaurés et dotés de suppléments (au hasard, Le baron de l'écluse de Jean Delannoy, Le Samouraï de Jean-Pierre Melville, Le Président d'Henri Verneuil, Les grandes familles de Denys de la Patellière)

C'était le temps où les DVD, nouveautés qui avaient à tailler leur chemin en concurrence avec les VHS, se devaient d'être plus performants ; puis, quand le nouveau support l'a emporté, le margoulin Chateau s'est dit qu'on pouvait, à moindres frais, faire son beurre ; et désormais, c'est n'importe quoi : quand la copie VHS est bonne, la retranscription sur DVD est convenable ; sinon (Un revenant est un des exemples les plus pathétiques) c'est le flou des images, le grésillement du son, l'absence de tout bonus….


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