Forum - Monsieur Klein - Flippant et Kafkaïen
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Forum : Monsieur Klein

Sujet : Flippant et Kafkaïen


De dumbledore, le 30 mai 2003 à 00:00
Note du film : 6/6

Quand Joseph Losey réalise Monsieur Klein, le film est accueilli par une vague d'indifférence ou de rejet. On lui reproche d'avoir commis des erreurs (si ce ne sont des fautes) de reconstitution, on lui reproche d'être un Anglais avec un scénariste italien pour faire un film sur un sujet français douloureux. On explique l'échec public du film par le fait qu'il se situe dans une vague "rétro" du cinéma français qui revient sur ces années de collaboration. En effet durant les années 70, la société française, et le cinéma avec elle, reviennent sur les années noires de la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs ouvrages sont publiés pour dire que l'antisémitisme était très généralisé en France et que la haine des Juifs n'était pas le fait de cas isolés. En 1972 sort le Chagrin et la Pitié, documentaire sublime de Marcel Ophüls qui fait grand bruit et qui attise la polémique. Des films de fiction apparaissent sur le sujet : Les guichets du Louvre (1973) Lacombe Lucien (1974) Section Spéciale, Le vieux fusil (1975).

Seulement et paradoxalement même, sous couvert de dénoncer une attitude française en présentant des "collabos", ces films sont construits de telle sorte que face à ses collabos, il y a les méchants Allemands qui les créent, et des innocents, qui eux ne sont pas collabo et qui forment un groupe hétérogène auquel le public peut s'identifier. L'attitude "salaud" est toujours l'exception. Ce qui est fort rassurant pour le spectateur.

Monsieur Klein va totalement à l'inverse de cela. Aucune présence allemande dans le Paris qui est ici montré. Aucune personne porteuse d'un discours résistant du genre "c'est pas juste !", juste des individus qui continuent à vivre comme si de rien n'était, "normalement". Aucun personnage n'est là qui puisse nous rassurer en incarnant la révolte.

Mais Joseph Losey, parce qu'il est étranger sans doute, va plus loin en essayant de ne pas rester trop proche de la période historique. S'il fait des fautes de reconstitution, c'est uniquement pour actualiser le thème qu'il traite : l'indifférence. Ce n'est pas qu'un film se passant en 1942 qu'il raconte, c'est un film actuel.

De tous les films de Joseph Losey, celui-ci est sans doute l'un des plus brillants quant à la mise en scène, la narration et l'ambiance que décrit le réalisateur. L'histoire d'abord est d'une simplicité presque scolaire, mais elle est agrémentée de "petits détails" injustifiables qui donnent un ton proche du fantastique. Il est étonnant aussi de remarquer la similarité avec un autre Monsieur K que celui de Kafka : Monsieur Kaplan de La Mort aux trousses.

Dans les deux films, on retrouve l'idée d'un personnage dynamique, un homme d'affaires arriviste qui subit une méprise sur son identité. Tous deux vont essayer de traquer l'homme qui en réalité n'existe pas. Cette traque aboutira à une identification finale entre les deux personnages. Certaines scènes sont très similaires: la visite d'une maison située hors de la ville où a lieu une réception et dont on découvre plus tard dans le film qu'elle était en réalité vide, ou bien le groom qui se promène avec une pancarte demandant Kaplan/Klein.

La mise en scène est également somptueuse avec notamment l'appartement de Klein construit par Trauner de telle sorte qu'il n'y ait pas deux portes qui se fassent face. L'impression qui s'en dégage est celle d'être toujours possiblement observé…

Bref, que du brillant chez ce Losey, même un Alain Delon qui trouve là l'un de ses plus beaux rôles.


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De J-FB, le 9 novembre 2003 à 23:17

Merci de bien vouloir citer vos sources lorsque vous rédigez un texte à usage public ! En effet, TOUTES les idées et notations historiques qui se trouvent dans la notule que vous consacrez à Mr KLEIN de Joseph Losey sont extraites de la plaquette pédagogique que j'ai écrite sur ce film en 2001 dans le cadre de l'opération « Lycéens au Cinéma » (sélection de la région Rhône-Alpes). Une prochaine fois, pensez que l'auteur peut vous lire, et faites preuve d'un peu plus de considération à son égard.


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De dumbledore, le 10 novembre 2003 à 11:17
Note du film : 6/6

Le DVD était sorti depuis pas mal de temps quand j'ai rédigé cette critique. Le fait de revenir sur le film a été la conséquence d'un travail de recherche établi pour un projet documentaire sur le film. De ce fait, j'ai lu TOUT ce qui s'est rapporté sur le sujet (merci la Bifi d'exister), notamment des articles de presses, le livre de Ciment sur Losey, les livres et articles sur Delon et même le scénario original que nous a prêté Gavras, un entretien avec celui-ci (stupéfiant mais que – par devoir de réserve – je n'ai pu aborder dans l'article) ou bien même des souvenirs d'une intervention à la fac de Rennes vers 1992 de Tavernier qui évoquait les décors bizeautés du film.

J'ai également lu le travail auquel vous faites référence, que je trouve être un bon travail de synthèse, très pédagogique donc, même si les pistes cabalistiques ne m'ont pas vraiment emballées.

Je ne peux pour chaque article et celui-ci encore moins, citer les 60 articles de références (par exemple La Croix, 30/10/76, "M. Klein de Hitchcock à Kafka") et les dizaines de livres lus.

Je suis désolé que vous en ayez pris ombrage et j'espère avoir clarifié la situation.


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De dumbledore, le 10 novembre 2003 à 11:37
Note du film : 6/6

Problème vite résolu si l'on remet en question – pour ce cas de figure – la notion de créateur. Fut un temps, ou fut un lieu, dans lequel être repris dans ses idées conférait au contraire une valeur aux idées, que c'est justement dans la reprise, la reformulation que les idées s'enrichissaient…

Avec la tendance procédurière du "c'est à moi", on perd beaucoup. Surtout au niveau culturel.


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De dumbledore, le 10 novembre 2003 à 12:19
Note du film : 6/6

Et son corollaire : Dali qui distribuait des toiles blanches signées…


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De J-FB, le 16 février 2004 à 21:53

Je suis absolument pour la reprise, et pas du genre à m'offusquer si l'on reprend des idées ou des propos émis auparavant, à partir du moment où cela peut servir à construire un discours nouveau. Dans ce cas, nul besoin en effet de citer ses sources à tout bout de champ. Mais lorsqu'il s'agit UNIQUEMENT de paraphraser (et d'une façon souvent peu heureuse de surcroît), alors là, oui, rendre à tel ou tel rédacteur ce qui lui revient relève de la plus minimale politesse, et nullement d'un esprit "procédurier" que je déplore tout autant que vous. Je ne me préoccupe pas de "propriété" mais d'"honnêteté" intellectuelle, ce qui est très différent, et cette préoccupation concerne aussi bien les textes des autres que les miens.


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De dumbledore, le 17 février 2004 à 00:54
Note du film : 6/6

Puisque vous m'accusez "UNIQUEMENT (de) paraphraser" je suppose que tout la critique que j'ai faite est uniquement de vous. Donc de A à Z ?

Dans ce cas, comment puis-je en même temps le faire de "d'une façon souvent peu heureuse de surcroît alors que je n'aurais fait justement que "UNIQUEMENT de paraphraser" N'y aurait-il pas contradiction dans les termes, professeur ?

Je vais forcer un peu plus le trait sur ce que j'ai essayé de dire calmement, mais les chroniques de sites internet n'ont généralement ni la place ni la vocation d'être PEDAGOGIQUES, universitaires. Ce ne sont pas des essais mais des chroniques, des réflexions, etc. Donc, pas la place de faire 40 pages de notes à chaque texte.

Par contre, un travail PÉDAGOGIQUE, de recherche, adressé à des étudiants, des lycéens ou des collégiens se doit par contre de faire état de ses réferences. Ce que votre travail, si mes souvenirs sont bons, n'a pas fait (je ne me souviens pas – par exemple – de la référence à à La Croix, 30/10/76, "M. Klein de Hitchcock à Kafka" que vous avez amplement utilisé… mais peut-être me détromperez-vous ?)

La paille est peut-être de mon côté (et encore). La poutre du vôtre.

Finissons bien, sur du Musset : "Il faut être ignorant comme un maître d'école pour se flatter de dire une seule parole que personne ici-bas n'ait pu dire avant vous".


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De J-FB, le 20 février 2004 à 14:47

Bonjour,

Dernier message, en ce qui me concerne, aun sujet de cette micro-polémique.

"Paraphraser" : allons allons, vous ne me ferez pas croire, vous qui faites assaut de culture en citant Musset, que vous ne savez pas la différence entre "citation" et "paraphrase", terme qui était évidemment à prendre dans mon intervention au sens de tentative de redire la même chose selon une formulation différente et moins heureuse. J'observe d'ailleurs que vos réponses à mes critiques sont rédigées dans un français infiniment plus châtié que ne l'était votre développement sur MONSIEUR KLEIN ! (sans pédanterie : relisez celui-ci, et dites-moi franchement s'il ne mérite pas d'être purgé de ses très nombreuses fautes de français, et lourdeurs d'expression).

En toute honnêteté, je n'ai pas lu l'article de La Croix que vous signalez. Je sais seulement, de la bouche même d'un spécialiste du film, que je suis le premier à avoir établi et développé le parallèle entre ce dernier et LA MORT AUX TROUSSES. Pas de gloire à en tirer, mais c'est également sur ce point que vous paraphrasez selon moi de façon peu heureuse : si vous reprenez ce parallèle, soit vous l'exploitez autant que j'ai pu le faire (et alors je ne serais pas aussi gêné que vous ne citiez pas votre source explicitement), soit (faute de place suffisante et par désir de vulgarisation) vous l'évoquez en raccourci ainsi que vous le faites mais dans ce cas il faut renvoyer à la source, afin que le lecteur puisse réellement tirer profit de ce rapprochement . Sinon, ça n'est "ni fait, ni à faire". Idem, même si de manière moins grave, en ce qui concerne le rappel de la "mode rétro" dans laquelle je recontextualise le film de Losey en citant d'abondance les textes de Serge Daney. Là encore, votre reprise semble soit excessive, soit insuffisante.

Cinéphiliquement vôtre.


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De dumbledore, le 20 février 2004 à 16:31
Note du film : 6/6

Je vous cite En toute honnêteté, je n'ai pas lu l'article de La Croix que vous signalez. Je sais seulement, de la bouche même d'un spécialiste du film, que je suis le premier à avoir établi et développé le parallèle entre ce dernier et LA MORT AUX TROUSSES.

  • >Quitte à être plus "specialiste" que votre "spécialiste", je peux vous assurer que vous avez beau vous en enorgueillir, mais vous n'êtes pas le premier à avoir établi ce parallèle entre la mort aux trousses et Monsieur Klein puisqu'il a justement déjà été fait dès la sortie du film!!!! (30/10/76 – La Croix).

Je ne veux pas faire, comme vous, le procès de votre méthodologie de travail, mais la seule explication possible pour que vous n'ayez pas pris connaissance de cet article (ce qui m'étonne), c'est de n'avoir pas fait la première chose à faire quand on se veut sérieux dans un travail de recherche : lire ce qui a été publié sur le sujet.

Dans les deux cas de figure (que vous cachiez la source dans un ouvrage "universitaire" ou que vous n'ayez pas faire de travail de recherche préalable), le fait est que votre travail est entâché soit d'un manque de sérieux évident soit d'une malhonnèteté intellectuelle.

Ravi en tout cas que cette polémique usante et stérile cesse enfin.


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De Arca1943, le 22 février 2004 à 02:40
Note du film : 6/6

Simple spectateur, je n'oserais m'intituler "cinéphile". N'empêche, ce parallèle entre Monsieur Klein et North By Northwest – dont la paternité est ici disputée – i me semble un brin arbitraire.

Je cite ici Dumbledore :

" Dans les deux films, on retrouve l'idée d'un personnage dynamique, un homme d'affaires arriviste qui subit une méprise sur son identité. Tous deux vont essayer de traquer l'homme qui en réalité n'existe pas. Cette traque aboutira à une identification finale entre les deux personnages. "

Tornhill est un innocent mêlé aux événements à la suite d'une méprise : et de là, il devient un faux coupable. Robert Klein n'est pas un faux coupable, mais un vrai, puisqu'il exploite dans un but lucratif les Juifs français qui tentent de quitter le pays, en rachetant leurs richesses pour un prix dérisoire. Ce n'est pas un innocent qui va se retrouver, in fine, aspiré par le maelstrom.

Ensuite, le Kaplan pour lequel est pris Tornhill est une fiction, un leurre; mais est-on bien sûr que l'autre Robert Klein n'existe pas? J'ai vu ce film encore adolescent, lors de sa sortie au Québec en 1976, et ne l'ai revu qu'une seule fois depuis, il y a plusieurs années. Mais dans ce film, que je tiens pour difficile à oublier, je ne garde pas souvenir que l'énigme du double fût résolue. Quelqu'un a-t-il voulu faire une mauvaise blague à Klein, lui «donner une bonne leçon», comme on dit, en l'abonnant à ce journal juif, en tripotant des fichiers d'adresses? Mais qui? Il me semble que ce n'était pas clair du tout; et j'étais persuadé en voyant le film que c'était de propos délibéré que l'ambiguité était maintenue : parce que ce film d'une grande richesse voulait garder une porte ouverte sur une interprétation fantastique, proche, alors, des récits de Julio Cortàzar.

Ou plus exactement, dans le souci de faire courir ensemble et de maintenir plusieurs interprétations; ceci afin d'affirmer son caractère de fable, d'apologue.

Voici une autre hypothèse, justement, qui, elle, appartient au roman policier : c'est que cet autre Robert Klein, bien réel Juif français pourchassé, a trouvé cet expédient – un homonyme déniché, pourquoi pas, dans l'annuaire du téléphone? – pour brouiller les pistes, trouver un répit, échapper aux recherches. Alors, il s'agirait d'un engrenage implacable à la Boileau-Narcejac (qui viennent, en cette année 1976, de publier leur meilleur roman policier, La Lèpre – jamais porté à l'écran – dont l'intrigue se nourrit des rapports ambigus entre un résistant et un collaborateur).

Une autre hypothèse, moins crédible mais pas impossible, est que Robert Klein, sous ses apparences calmes et détachées, traverse un déséquilibre psychologique : travaillé à son insu par sa mauvaise conscience, par le sort du peuple juif dont il n'ignore certes pas la détresse puisqu'il en tire profit, il a imaginé tout ça; il voit des liens là où il n'y en a pas; et se lance alors sur les traces d'une chimère, ce qui l'entraîne à sa perte. Là aussi, il y aurait une dimension fantastique du récit; mais alors, dans cette catégorie du fantastique qu'on appelle «L'étrange».

Hypothèse hybride, enfin : l'autre Robert Klein existe, le récit policier rationnel garde ses droits en tant que point de départ, mais alors il est le déclencheur chez le personnage d'une crise à saveur d'autodestruction qui l'amène à se jeter dans la gueule du loup, à prendre la place du véritable Klein.

L'hypothèse totalitaire n'est pas à exclure non plus, bien au contraire. Les délirantes théories raciales qui nourrissaient les nazis et nombre de leurs épigones made in France pouvaient certes faire décréter à tel ou tel fonctionnaire – abonné, par exemple, à Je suis partout – une directive selon laquelle Klein est automatiquement un "nom juif". Ou encore, dans ce même fil, parce que Klein a été dénoncé comme Juif par, disons, un concurrent sans scrupules. Alors, dans cette clé-là, le journal juif qui arrive sur le seuil de Robert Klein fait partie du vaste système de terreur, il est une façon de semer en lui la peur : «Nous t'avons repéré», dit ce message en substance. Et alors c'est à glacer le sang.

Quant à "l'identification finale", elle n'est pas de la même nature : dans un cas – Tornhill/Kaplan – elle s'inscrit dans le jeu d'une mécanique d'espionnage expertement huilée. Dans l'autre, l'identification prend une dimension métaphysique, morale : et c'est une identification qui se scelle dans la mort. Mais ici, on aborde le fait que ces deux films appartiennent à des univers trop différents : l'un est un conte ludique, qui brasse les invraisemblances avec un sourire désarmant; l'autre, par le biais de la fable, de l'apologue, à tenir un discours sur la réalité, à faire toucher du doigt un climat historique.

Peut-être qu'en revoyant le film, j'en serai pour mes frais. Mais faisant confiance à ma mémoire, à la très forte impression que m'a faite ce chef d'oeuvre de Joseph Losey, je me permets néanmoins de mettre Dumbledore (et son contradicteur) en garde de ne pas rabattre automatiquement le récit sur sa seule interprétation rationaliste. Comme disait le comte Sforza (diplomate italien et fameux antifasciste libéral de la première heure, 1872-1952) : « La puissante clarté cartésienne du rationalisme français brille, pour nous Italiens, comme un phare dans la nuit : un excès de lumière qui ignore la valeur des ombres. »

Vous ne m'en voudrez pas, j'espère, de chercher à relancer le débat avec mes propos intempestifs. Le plus important, c'est que l'on parle encore de ce film.

Arca1943


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De dumbledore, le 22 février 2004 à 22:35
Note du film : 6/6

Il s'agit d'un parallèle avec Hitchcock, non pas l'affirmation que l'un est le "remake" de l'autre. Je crois même que ce parallèle n'était pas conscient à Solanas et Costa Gavras quand ils ont écrit l'histoire.

Mais le fait est qu'il y certaines choses troublantes :

1°) Le nom du personnage Klein, Kaplan… et la récurrence du K (K de monsieur K sans doute)

2°) une évolution dramatique similaire même si elles ne veulent pas dire la même chose : Kaplan/Klein 1°) lutte contre l'homophonie, 2°) enquête sur l'autre, 3°) endosse la personnalité de l'autre (Thornhill pour sauver Eva Marie Saint, Delon par abandon face à une société en dérive).

Je pense qu'à l'origine de ces deux similitudes, il y a évidemment Kafka, mais aussi l'histoire oedipienne (au sens non-psy), jugée comme la plus forte qui soit par Aristote et qui consiste à faire une enquête qui aboutit sur la découverte que celui qui est recherché est soi-même…


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De benja, le 22 février 2007 à 09:18

En guise de préambule, deux remarques :
1) Curieux que l'imbroglio sur l'identité de Monsieur Klein "débouche" sur un imbroglio à propos de la paternité des idées avancées dans le résumé de Dumbledore
2) Bravo à Dumbledore qui démontre sans peine le sérieux de son travail (et son honnêteté intellectuelle)… J-FB finit, dans un effet comique, tel l'arroseur arrosé…

Une question maintenant :
Je viens de voir Le chagrin et la pitié de Marcel Ophüls qui, soit dit en passant, n'est disponible qu'en zone 1…Passons…
On y évoque l'anecdote suivante : suite à la promulgation par le régime de Vichy, dès l'automne 40, des décrets juifs, dans les petites annonces du moniteur, un commerçant de Clermont publie ceci :
"Chez MARIUS, 22 rue des gras
J'ai l'honneur d'informer ma fidèle clientèle que contrairement à des informations anonymes, je suis d'une vieille famille du département du Nord. Je suis né à Dunkerque en 1893, ai fait la guerre 1914-18 ainsi que trois de mes frères."
Près de trente ans plus tard, questionné par Ophüls, ce Monsieur explique ses motivations (je résume) :
"Ils me disaient juif…puisque je m'appelle KLEIN…mais je suis catholique…on m'a inquiété à ce sujet…"
Ophüls : "c'est à dire que vous avez tenu, vis à vis de votre clientèle, à dire que vous n'étiez pas juif ?"…
Cette anecdote ne serait-elle pas le point de départ des scénaristes de Losey ?


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De vincentp, le 4 juillet 2012 à 23:33
Note du film : 5/6

5,4/6. 3 césars en son temps (film, réalisateur, décors), Monsieur Klein a été bien accueilli par la profession. La reconstitution historique évènementielle (rafle du vel d'hiv) est sans doute imparfaite. Idem aussi pour les scènes de foule, peu naturelles. Mais la psychologie assez complexe des différents intervenants -Klein, les policiers, les aristocrates- dans le contexte historique de l'Occupation est brillamment évoquée. Par le biais d'une enquête menée par le personnage principal, peuplée de fausses pistes, d'aspects tortueux, à la limite du compréhensible. Mr Klein cherche une vérité, sur son identité, peut-être sur des valeurs à exercer, mais le spectateur est invité à construire sa propre vérité, à produire son propre système de représentation.

Si le scénario de Monsieur Klein ne mérite (presque) que des éloges, la réalisation de Losey est dans l'ensemble magistrale. Caméra subjective, quand Klein pénètre dans le chateau, suggérant des aspects inquiétants dans un lieu pourtant civilisé, derrière l'amabilité de façade de ses hôtes. Une grande qualité des plans, d'une façon générale, permettant de faire corps avec les personnages, dans leur environnement, de ressentir leurs émotions. Une musique et des décors superbes, de nombreux acteurs très performants (Delon, Lonsdale, Bouise, Moreau,…), plus une photographie somptueuse : cadrages, éclairages, couleurs. Une image souvent éblouissante pour l'édition dvd de Studio canal… (mais la jaquette du dvd n'est pas attractive). Une superbe réussite cinématographique, oeuvre d'une équipe européenne à la fois très talentueuse et complémentaire.


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De Frydman Charles, le 12 janvier 2021 à 10:11
Note du film : 6/6

Un film plein de bonnes intentions. Dommage que les erreurs historiques souvent relevées (rafle du vel d’hiv en hiver, vel d’hiv à ciel ouvert. ..) entachent un peu le film. Le luxueux peignoir rayé de Mr Robert Klein (Alain Delon) est il prémonitoire de l’habit rayé de déporté qu'enfilera Mr Klein en s’identifiant à son double juif invisible vivant pauvrement depuis qu’il se cache, d’après l’appartement qu’il est censé avoir habité ? Ci après vers 36 mn Robert Klein en peignoir et sur le mur une gravure faisant un parallèle entre l’homme et l’animal (têtes de bovins et d’hommes comparées), pouvant faire allusion à la déshumanisation, à l’homme traité comme un animal

. Vers 42 mn Florence témoignera de la vie confortable le l’autre Klein avant de se cacher dans le garni du 32 rue des abesses. Il vivait 18 rue de l’université, et 136 rue du bac auparavent. L’autre Robert Klein existe-t-il vraiment ou est ce un autre lui-même ? Son double ? Il se manifeste par les traces de son passage rue des Abesses, sur un quai de gare sans etre vu, lorsqu’une Nathalie lui dit au revoir, par une voix au téléphone, par son arrestation au bas de chez lui, ombre furtive.Vers 1 h 52 mn 50 s L’énumération des noms au Vel d’Hiv est surprenante et commence par Mahmoud Hamchari, le nom d’un arabe qui a effectivement existé dans les années 1970. L’action se déroule en 1942 et on peut imaginer un Mahmoud considéré comme juif selon les critères nazis sans faire un rapprochement avec un homonyme dans les années 1970 contemporaines au film .
Suivent des noms de juifs ashkenazes Rachel Mejinski .
juste après et Robert Klein un peu plus loin. Lu sur le lien suivant , "Ce Robert Klein, confondu avec un homonyme juif, va se retrouver dans le wagon qui le conduit aussi à la mort tandis que parmi la liste des noms égrainés par des hauts parleurs au Vel d’hiv, on entend celui de Mahmoud Hamchari.":métissages et identité les métissages font-ils perdre l'identité ? La mémoire de ses ancêtres ? La transmission de son histoire de ses traditions ? Les chansons du film sont mentionnées au générique final
. La chanson "Du darfst mir nie mehr rote Rosen schenken" est interprétée par Jeanine allongée sur le lit, et le lieder de Mahler kindertotenlieder est interprété par un travesti en veuve lors du spectacle antisémite , il n'est pas mentionné au générique final.

L’histoire de Mr Klein me fait penser à celle de Harry Baur qui n’était pas juif mais que la rumeur antisémite désignait comme tel. Il a joué de nombreux films en rapport avec le judaïsme "le golem", "le juif polonais" "David Golder" , "Rothschild","Samson"…et a été identifié à ses rôles. , Torturé par la gestapo, il a du réunir les certificats de baptême, libere il meurt 6 mois plus tard des tortures.


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De Frydman Charles, le 27 janvier 2021 à 12:45
Note du film : 6/6

Au début du film la tapisserie ésotérique est vendue aux enchères. Le commissaire commente les symboles occultes.

  • Azur: l’indifférence.Une ligne droite suspendue dans le ciel.
  • Blanc: la cruauté.Un angle aigu dont le sommet est enfoncé dans le sol.
  • Noir:l’arrogance.Une pyramide dont la base s' enfonce dans la mer.
  • Et violet: la cupidité.

Dans le rond central , est représenté le remord : un vautour le cœur transpercé d'une flèche mais qui continue à voler. Dans chacun des quatre angles, sont représentés en différentes couleurs, les anciens signes cabalistiques .

Le remord est une forme d’auto punition comme dans "crime et chatiment". Le fond de la tapisserie était vert au générique
, bleu dans la salle des ventes. Cela peut provenir de l'éclairage. Les signes cabalistiques ne sont pas commentés, ils font un peu penser à des signaux routiers en haut à gauche un rond orange avec un sablier..le feu va bientôt passer au rouge ! La ligne droite symbolise l'indifférence selon le commissaire priseur, avec le triangle pointe en bas au dessus elle fait penser au fléau d'une balance , celui de la justice. Dans le triangle un rond rouge barré d’une ligne diagonale rouge tordue, qui rappelle un panneau d’interdiction . De part et d’autre du triangle des lettres qui semblent hébraïques. En bas à droite une menorah juive. En bas à gauche, caché, peut être le pot d'un arbre aux branches dénudées. Les cercles qui entourent le vautour sont aux couleurs de l’arc en ciel . ……… Étrange spectacle antisémite , la maîtresse de ballet intriguée tourne autour du travesti qui interprète Kindertotenlieder de Gustav Mahler (compositeur juif allemand). Une chanteuse apparaît sur scène et interprète"premier rendez-vous" , elle est sollicitée par la maîtresse de ballet qui désigne la veuve travestie, la chanteuse lui inflige alors un soufflet vers 1 h 04 mn :


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De Impétueux, le 21 novembre 2023 à 14:54
Note du film : 4/6

Un film assez largement surestimé grâce à ses séquences finales qui sont absolument abominables et qui donnent, peut-être mieux que des images de violence extrême, l’idée de ce qui a pu saisir des gens de toute sorte entraînés malgré eux par un cataclysme.

C'est, d'une certaine façon, une fable, une sorte de féérie affreuse, angoissante, similaire à un cauchemar. J'ai beaucoup songé, en regardant Monsieur Klein, à un film admirable de Roman Polanski, qui s'appelle Le locataire où, sur des bases rationnelles, s'édifient des monstruosités confondantes : on est dans un monde qui n'a ni lien, ni opportunité avec notre tranquillité quotidienne : on ne sait pas sur quel sable on marche, qui on est vraiment, d'où on vient, à qui on peut faire confiance, où on se retrouvera le lendemain. Mais aussi il y a des rapports avec beaucoup de romans de Patrick Modiano où, dans des appartements déserts grelotte la sonnerie d'un téléphone, où on ne sait pas qui appelle et à peine qui répond.

Mais on pourrait aussi, avec un certain iconoclasme accoler au film l’adjectif rocambolesque, tant les péripéties de l’histoire de Robert Klein sont variées, aventureuses, improbables, font appel à des multitudes de hasards dont le nombre et la variété mêmes rendent improbables, impossibles, même, la survenue. On peut apprécier, je le conçois bien, ce mélange de récit ancré dans l'Histoire proche et affreuse et d'une forme d'onirisme qui s'attache aux pas de cette fripouille de Robert Klein.

Car, de fait, Robert Klein – à qui Alain Delon prête la fréquente tristesse de son regard et son allure inquiète – Robert Klein, qui vit sur un grand pied d'un commerce d'objets d'art est une fripouille. Un type qui n'est attaché à rien d'autre qu'à ses plaisirs ; qui n'a ni véritable ami, ni véritable amour, ni la moindre conviction politique ou spirituelle. Évidemment issu d'une vieille famille opulente, établie en Alsace mais sans doute originaire de Hollande et peut-être (sans doute) d'ancienne extraction juive, il s'est établi à Paris où ses affaires prospèrent. Il a des proches : son avocat, Pierre (Michael Lonsdale), dont la femme Nicole (Francine Bergé) a été (et sûrement demeure) sa maîtresse et son amie du moment Jeanine (Juliet Berto). Mais on sent que ce sont là des relations de commodité : Robert Klein n'aime que lui.

Il y a un engrenage assez fascinant où cet homme sans autre qualité que d'être sans scrupule et sans affectivité est entraîné dans un processus diabolique. On sait bien, pour le lire dans les gazettes combien l'usurpation d'identité est un phénomène glaçant, déstabilisant, désespérant. Et sans doute plus encore lorsque cette situation se produit à un moment trouble, incertain, dangereux, mortel, même pour qui est reconnu Juif ou simplement suspecté de l'être.

Dans ce genre d'époque le moindre mouvement, le moindre geste paraît engluer davantage celui qui l'exécute ; un peu comme pour les malheureux pris dans les sables mouvants : chaque démarche conduit Robert Klein à être un peu plus suspecté par la police de Vichy. D'autant qu'un mystérieux homonyme paraît le manipuler ; résistant qui se crée ainsi un double et des alibis ? C'est possible ; mais là où Monsieur Klein bascule possiblement dans l'onirisme, c'est que l'existence de ce double-là n'est jamais absolument avérée. Et ce n'est sans doute pas l'épisode féérique de la visite de Klein au château d'Ivry-la-Bataille, où semble vivre une famille de la haute aristocratie dirigée par Charles (Massimo Girotti) et Florence (Jeanne Moreau) qui semble vécue comme un rêve qui nous ancrera dans la réalité objective.

Psychose de Robert Klein ? Envahissement d'une culpabilité que rien ne pouvait laisser jusque-là laisser supposer ? Comment expliquer alors que, tandis que Pierre/Lonsdale brandit à la dernière minute le certificat qui prouve que Klein n'est pas juif et qu’il va pouvoir être libéré, il se laisse entraîner dans le flux des malheureux qui vont être entassés dans les trains de l'horreur ?


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