La structure du film serait celle d'une tragédie si Ida Lupino était l'héroïne. On aurait même une sorte de remake de Phèdre. La construction est ainsi d'une mécanique parfaite, enchaînant les causes et les conséquences d'une manière on ne peut plus huilé, comme une tragédie classique. Comme pour Phèdre, le paradoxe est que le personnage de Phèdre/Ida Lupino est plus passionnant, plus riche et plus spectaculaire que Hippolyte/ Humphrey Bogart. C'est elle qui mène l'histoire, c'est elle qui a le plus charisme. Bogart paraît donc bien chétif, bien emasculé face à ce personnage si puissant. Voilà le premier rapports de personnages original (possible en partie parce que Bogart n'était pas alors très connu).

Autre originalité: le mari-patron. Il est étonnament sympathique, humain, proche de ses ouvriers. Cette description est assez rare pour un film noir. Cette description est toutefois logique : puisqu'il va être assassiné, il faut le rendre le plus sympathique possible…

Dans l'histoire du genre du film noir américain, Une femme dangereuse est sans doute un des beaux films, mais pas forcément le plus connu…

C'est sûr que l'on ne retient pas Bogart après avoir vu ce film, étant donné qu'il est encore pour l'une des dernières fois de sa carrière cantonné à un second rôle dont la présence dans le film s'amenuise dès lors que le ton du film bascule dans le film noir; ce qui est d'autant plus drôle lorsque l'on connaît la suite de sa carrière. Enfin, cette particularité du film divisée en deux parties: la première une sorte de documentaire sur les routiers un peu comme dans les bas-fonds de Frisco de Dassin, et la seconde partie un polar noir; ça rend le film très intéressant qui en plus est très dynamique comme souvent chez Walsh.

Je vous invite à propos de ce film de Walsh de vous plonger dans ses mémoires…

Extraits :

George Raft m'adressait à nouveau la parole. Il semblait avoir oublié l'incident de Les faubourgs de New-York (*). La chambre de Bogey attenait à celle de l'acteur qui jouait le shérif. Bogey cracha son venin le lendemain au petit déjeuner : "Je n'ai rien contre un homme qui tire son …., mais j'estime qu'il y a un lieu et un temps pour chaque chose. Je ne sais pas qui se trouvait dans le lit du shérif hier soir, mais j'avais l'impression d'entendre un sacré tremblement de terre." ….

La jolie talentueuse Ida Lupino tira involontairement toute la couverture à elle. La scène du tribunal ou elle piquait une crise de colère en fit une star du jour au lendemain, et lui valut un contrat de sept ans avec la Warner.

Certes un Walsh mineur, mais bien filmé, bien joué, sur un ryhtme enlevé, avec de beaux portraits de femmes, très bien dirigées (Ann Sheridan, Ida Lupino), et d'une composition très moderne.