Il y a Mash et il y a Catch 22. Ces deux films forment la paire des films corrosifs, drôles et anti-militaristes des années 70. Si Mash est le plus connu, Catch 22 est sans doute le plus intéressant. Le plus courageux aussi car plus risqué dans ses partis pris de mise en scène et de scénario.

Catch 22 est une comédie noire, mais à l'inverse de Mash, le héros n'est pas un personnage comique. Il ne fait ni rire ni sourire. Bien au contraire. Il a la frousse, il ne veut pas mourir et la seule chose qu'il souhaite faire, c'est sauver sa peau, sortir de cette galère qu'est la guerre. A cet égard, on est loin des joyeux lurons décalés de Mash qui riaient de tout et surtout de la mort présente sous leurs yeux et qu'ils ne semblaient pas voir.

Dans Catch 22 le décalage se situe à un autre niveau : non pas au niveau de l'attitude du héros par rapport à l'armée, mais au niveau du rapport de l'armée à la guerre elle-même : un colonel qui veut battre le record de mission de son régiment, un général qui n'a d'yeux que pour les formes de sa généreuse aide de camp, un règlement kafkaïen, et l'aspiration purement mercantile des officiers qui détournent les approvisionnements pour faire de l'argent.

Du coup, le film n'est pas contre la guerre. Il n'a pas la naïveté ou la bêtise de propager une telle idée. Il est en fait contre l'armée, dans sa désorganisation et son incapacité pratique à bien faire ce pour quoi elle est créée : faire la guerre à l'ennemi.

Ce film est l'occasion aussi pour ce prolifique et passionnant réalisateur qu'est Mike Nichols de recourir à une mise en scène visuelle dont il n'a pas vraiment l'habitude. Le résultat est passionnant. Par l'utilisation de plans larges par rapport aux événements du film, il crée une atmosphère distante par rapport à l'action, par rapport aux drames qui se passent là, juste devant, et que plus personne ne semble voir. Résultat, on ne ressent rien non plus face à ces drames (l'avion qui s'écrase en atterrissant, le journaliste qui se fait couper en deux, ou bien encore le bombardement dela base), on ne réagit même pas. On réagit uniquement à la non-réaction qu'on a en face de ces drames… L'effet est saisissant et correspond parfaitement à ce que vit notre héros, présent dans cette farce à laquelle il ne comprend rien…

Pour ces raisons et bien d'autres encore, Catch 22 est un grand film qui mérite d'être (re)découvert et défendu à sa juste et haute valeur.

Je viens de découvrir ton analyse et je partage tout à fait ton point de vue. Pourtant, à l'époque de la sortie du film, la critique "officielle" l’a démoli ainsi que son réalisateur, Mike Nichols, au profit du seul "Mash". Et ce travail critique a été efficace : qui connaît ce film aujourd'hui ? Il est temps que l'on rende enfin justice à ce film qui est une dénonciation – terrible – de l'univers ABSURDE que représente l'armée, en effet, et de ce pour quoi elle existe, la guerre.

En fait, c'est pas de bol pour Mike Nichols. Les deux films ont été produits en même temps et Robert Altman s'est précipité pour finir le film et surtout sortir le film avant Mike Nichols. Le succès de MASH a, du coup, éclipsé Catch 22… Comme dirait la citation, le premier qui compara une fleur à une femme est un poéte, le second un imbécile… C'est dur mais c'est vrai.