Du cinéma français sans prétention, sans niaiserie, sans acteurs venus de la télé, sans présentateurs vedette de Canal +, on avait fini par croire que ça n'existait plus. Sans atteindre le coup de génie que fut son Tandem, Leconte fait un tour du côté de la comédie italienne (je pense à l'enterrement final des Nouveaux monstres) et suit le périple de trois vieux ringards, des acteurs ratés, des losers de première catégorie, campés par des routiers en pleine forme. Marielle surtout, crève l'écran en cabot colérique et capricieux. La satire n'est pas subtile, mais il règne dans ces Grands ducs une vraie bonne humeur, un humour vachard et sans complexe assez attachant.

A noter que le film date seulement de 9 ans et qu'il n'y a aucun téléphone portable en vue. C'est un détail certes, mais il a considérablement vieilli le film…

Très marrante pochade, en effet. Je craque pour Philippe Noiret avec sa tête frisée !

Moi je trouvais que ça avait son charme les "peut-on téléphoner?" dans les cafés…

Même si, à mon sens, Patrice Leconte a survalorisé, dans les commentaires qu'il en a fait, ce film consacré à la magie des acteurs, qui ne manque ni d'allant, ni de verve, mais tombe par moment un peu à plat, parce que j'aime ce réalisateur et ses trois magnifiques interprètes, Noiret, Marielle et Rochefort), je célèbre avec vous ce bon moment !

Sans flagornerie je donnerai la même note qu'Impétueux.

Ce qui fait la valeur de ce film c'est la prestation de chacun de ses interprêtes et rien que pour cela on a plaisir à le voir et revoir. Les numéros de Marielle sont… dingues ! Et ce final !

"Mesdames et messieurs, je voudrais attirer votre attention sur le sort malheureux des acteurs français…" – On était déjà bien en avance sur le sort des intermittents du spectacle !

Très subjectivement, j'ai toujours mis un bémol à ce film, qui mériterait peut-être davantage 4 1/2 que 4, parce que, dans l'édition DVD que je possède, il figure au dos d'un film du même Leconte, film dont je suis complètement frapadingue, Le parfum d'Yvonne, et que l'éclat de l'un fait un peu vaciller l'autre…

Impétueux : ne me dites pas qu'il s'agit d'Yvonne Vendroux… fille de biscuitiers calaisiens et qui a épousé le Grand Charles…

Là, vous me décevez, mon cher Droudrou : Le parfum d'Yvonne est, à mes yeux, la meilleure adaptation qui ait jamais été faite d'un roman de Modiano ("Villa triste")…

Mais il vous est loisible de ne pas apprécier cet auteur…

Mon cher Impétueux : n'oubliez pas que je suis calaisien de naissance et qu'à Calais, quand on parle d'Yvonne, c'est d'abord à l'épouse du Général De Gaulle que l'on pense…

Patrick Modiano je connais mal. De fait, en termes de lecture, je marquerais une préférence pour les gros pavés, pour ne pas dire les très gros pavés. Et il est assez rare que j'aborde les romans intimistes : c'est quand Annick me dit "Tiens, Droudrou, lis ceci ou lis cela" que je me décide plus ou moins… Et vous ne serez pas étonné de retrouver dans ma bibliothèque des auteurs anglo-saxons.

Vous vous souvenez dans Stardust memories, quand Woody Allen allait dans un festival de cinéma, et que le public lui demandait sans arrêt : "Quand est-ce que vous referez des films qui font rire ?", alors que lui se considérait comme un grand auteur ? Eh bien, c'est un peu ce que j'aurais envie de demander à Leconte. Oui, certains de ses films "sérieux" fonctionnent, mais il est tellement plus à l'aise, tellement plus en verve quand il revient à la comédie. Pourquoi ce complexe ? Il avait pourtant trouvé l'équilibre parfait entre ses deux tendances, avec l'immense Tandem. Et Les grands ducs, malgré ses évidents défauts, fait plaisir à voir. Allez, Patrice ! Quand est-ce que tu referas des films qui font rire ?

« dans Stardust memories, quand Woody Allen allait dans un festival de cinéma, et que le public lui demandait sans arrêt : "Quand est-ce que vous referez des films qui font rire ?" »

Ce n'étaient pas plutôt des Martiens de passage qui lui posaient cette question ?

Pour ce qui est de Leconte, je suis à la fois d'accord et pas d'accord. Leconte n'est pas « devenu sérieux », c'est un éclectique qui a toujours aimé enchaîner les films dans des registres fort contrastés. C'est ça le plaisir avec lui, de passer de Tandem à Monsieur Hire et des Spécialistes à Ridicule. Le prix à payer : ça ne marche pas à tous les coups. Leconte est un productif, il enchaîne, il enchaîne, un film n'attend pas l'autre. Qui sait si un jour il tournera pas un film de peur ? Ou un biopic de Coluche ? Ou une adaptation d'un roman de Pierre Boulle à l'écran ? (J'en ai un en tête, qui lui irait comme un gant.) Mais après Les Bronzés 3, ça ne me dérangerait pas qu'il enchaîne une autre comédie, qui n sentirait pas le réchauffé…

Ton analyse est pertinente Arca. Le plaisir chez Lecomte est justement son éclectisme et l'attendu qu'il enclenche. Mais, comme toujours, chez un auteur éclectiste, il y a des tendances qui reviennent et que l'on retrouve avec grand plaisir ce qui fait qu'on peut voir n'importe quelle oeuvre qu'il aura faite, même si la satisfaction n'est pas totale, on évoquera les moments qui auront plu et qui sont sa vraie patte. Et si on est vraiment déçu on saura situer ce qui n'a pas marché.

En fait tout le monde, pose la question à Woody… Dont les Martiens !