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Forum : Rosemary's Baby

Sujet : La maison du Diable


De dumbledore

Que dire devant un tel film qui n'a pas déjà été dit? On pourrait rappeler la performance de Polanski qui arrive à construire un film d'horreur sans aucun effet spécial, tout étant amené par la mise en scène et le scénario. On pourrait aussi rappeler l'idée de génie de ne pas montrer le bébé pour laissser courir l'imagination de chacun d'entre nous. On peut aussi rappeler combien un film d'horreur peut être aussi un film personnel en relevant les thèmes habituels de Polanski: couple se déchirant, folie grandissante, peur paranoïaque des voisins ou bien encore humour noir très pince sans rire…

Mais le mieux, c'est encore de voir et revoir le film en espérant qu'un jour Polanski redeviendra le maître qu'il a été


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De Arca1943, le 15 novembre 2007 à 12:37

Un maître de la peur, du suspense et de l'étrange, Ira Levin couvrait un vaste registre, du récit démoniaque (Rosemary's Baby) à l'anti-utopie futuriste (Un Bonheur insoutenable). Ceux qui n'ont pas aimé le film Sliver devraient essayer le livre… Et la pièce de théâtre originale Deathtrap est de lui, donc il avait aussi de l'humour ! Écriture serrée et minimaliste, très souvent anxiogène, aux antipodes des outrances parfois granguignolesques de son cadet Stephen King.


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De Impétueux, le 27 mars 2016 à 16:38
Note du film : 6/6

Mais qui peut dire, à la fin du film, si Rosemary Woodhouse (Mia Farrow) est la victime du Diable et de ses sectateurs, si elle a réellement donné naissance au fils de Satan, ou si, jeune femme diaphane, sans grande épaisseur, elle a basculé dans une folie favorisée par sa grossesse ? Qui peut trancher sereinement ? Personne et c'est bien ce que souhaitait Roman Polanski qui le dit clairement dans un des suppléments du DVD.

Lorsque je regarde le film, je change de point de vue à chaque fois, parce que le grand talent du réalisateur est de donner autant de poids à l'une ou à l'autre hypothèse. Je penche, ce soir, pour la folie obsessionnelle et je m'en persuade parce que Polanski est le cinéaste du malaise et du décalage ; parce qu'une de ses œuvres les plus impressionnantes, Répulsion, montre Catherine Deneuve dans une névrose différente mais tout autant angoissante que celle que pourrait vivre Rosemary.

Après tout, Rosemary est avant tout une jeune femme qu’on devine un peu fragile, un peu éthérée, affublée d’un mari souvent absent, égotique et médiocre, absorbé par son ambition artistique. Voilà qu’elle emménage dans un immeuble massif, lourd, sombre, impressionnant. Et qui plus est, dans ce grand vaisseau sévère, il y a eu jadis de terribles, épouvantables crimes, cannibalisme, orgies, sorcellerie. Voila d’ailleurs qui fait songer aux légendes qui courent sur l’hôtel Overlook de Shining, n’est-ce pas ? Ajoutons à tout ceci les bouleversements nerveux d'une grossesse difficile, il y a de quoi déglinguer un cerveau léger…

Si l'on adopte cette direction, tout s'enclenche parfaitement et les séquences finales, qui montrent une jeune femme à la fois absolument paniquée et absolument inquiétante vont dans ce sens : les derniers jours avant l'accouchement, l'autosuggestion d'un complot parfaitement orchestré dont font partie tous ceux qu'elle approche (caractéristique classique de ce genre de psychose). D'ailleurs, très clairement, le film prend à ce moment de la distance avec la jeune femme et lui donne ce grain de folie qui fait que spontanément tout le monde se méfie de ses exaltations ; comment s'étonner que le Dr Hill (Charles Grodin), enseveli sous les propos décousus et les accusations de Rosemary, qui évoque sectateurs du Démon et vol projeté de son enfant fasse appel à son éminent confrère Sapirstein (Ralph Bellamy) et à Guy (John Cassavetes), mari inquiet, négligent, égocentrique si l'on veut, mais d'un équilibre au moins apparent ?

Mais d'un autre côté, qui pourrait croire, en voyant l'extravagante et délicieuse Minnie (Ruth Gordon) apporter tisanes et racine de tannis à Rosemary qu'elle est une sectatrice du Malin ?

Qui ? Mais nous, bien sûr ! Nous, les spectateurs, presque tout de suite. Car tout l'art de Polanski est de nous mettre dans le coup, de nous faire comprendre bien avant Rosemary de quelle espèce sont ses voisins ! Oh certes, il ne nous livre pas tout et l'origine des Castevet, les mystères de l'immeuble, c'est bien Rosemary qui nous les découvre, mais elle ne fait que nous les confirmer car, finauds comme nous sommes, nous avions bien saisi que le manège n'était pas bien clair ! Un peu comme à Guignol, nous aimerions bien avertir la délicieuse Mia Farrow que son Guy (John Cassavetes) filait un bien bizarre coton et qu'elle a bien raison de se méfier de Roman et de Minnie…Mais comme chez Guignol, elle ne nous entend pas, ou elle nous entend trop tard, elle s'enfonce dans la forêt dangereuse, et nous ne pouvons rien faire pour la sortir de là.

Sorciers, adorateurs d'étranges démons, les Castevet ? Assurément et qui peut en douter ? Aux États-Unis et sûrement ailleurs, il y a des tas d'adeptes de cultes inquiétants ou ridicules (ou les deux à la fois) et le ramassis d'adeptes bizarres présenté dans la dernière séquence (du Japonais photomaniaque au Grec avantageux) n'a rien d'exceptionnel ; mais c'est précisément sur cette base, peut-être (je dis bien peut-être) que Rosemary construit et élabore ses fantasmes : Polanski excelle à tordre la réalité, à rendre inquiétante la moindre singularité : à preuve l’extraordinaire Locataire, entièrement bâti sur l'infime distorsion de la réalité qui aboutit aux pires abîmes d'horreur.

À moins qu'il ne s'agisse pas de fantasmes et que les morts et malheurs accidentels qui surgissent au milieu du couple Woodhouse depuis son emménagement (le cécité brutale du comédien qui a supplanté Guy pour un rôle dramatique important, le coma mortel qui saisit Hutch (Maurice Evans), le vieil ami de Rosemary) soient vraiment dus à l'action maléfique de Satan…

Économie de moyens (à l'exception regrettable de la vision d'une griffe velue et écailleuse, pendant la scène onirique de la fécondation de la jeune femme), totale maîtrise du rythme, de la montée chromatique, maniement parfait des focales, Polanski joue avec un infernal (ah ah !) talent de nos émotions dans un film dont toutes les pièces s’emboîtent avec une précision parfaite ; parfaite ambiguïté mais une évidence : le Malin l'est vraiment.


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