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Forum : Le Dictateur

Sujet : Critique


De dumbledore, le 15 octobre 2002 à 00:00
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Trentenaire, cela doit faire bien 15 ans que je n'ai pas revu Le Dictateur. Il fait partie de mon passé de cinéphile et quand je l'évoquais dans ma mémoire, c'étaient des moments drôles qui me revenaient en mémoire (l'obus fou, le rasage sur la musique de Brahms…), des scènes tout autant symboliques que poétiques (la danse de Hinkel avec la Terre…), ou bien des moments naïfs (le discours final).

Revoir Le Dictateur aujourd'hui, dans ces conditions de grand écran et dans notre époque post-11/09/2001, c'est voir un film totalement différent, totalement nouveau et surtout absolument moderne.

A cet égard, Le Dictateur a décidément la force des plus grandes œuvres d'arts, de la littérature notamment (du Petit Prince par exemple) qui sont capables de prendre un sens et une valeur différente en fonction de l'époque à laquelle on les aborde et sa propre évolution personnelle.

Aujourd'hui, il est difficile de ne pas être tenté de regarder le film d'un point de vue plus général que la simple dénonciation (géniale et cruelle comme l'on sait) d'Hitler. Ainsi, on peut voir dans la confrontation de Hinkel et Napaloni autre chose que deux dictateurs. Tout simplement deux hommes politiques, pas seulement fascistes. Cette critique de la dictature devient alors aussi, et peut-être surtout, une critique tout simplement des Pouvoirs (politiques). Toute la motivation de Hinkel, comme celle de Napaloni, est d'ordre mégalomaniaque. Leurs idéaux semblent secondaires par rapport à leur image, leur soif de pouvoir. Ils sont prisonniers d'un cercle vicieux : le trop grand pouvoir leur fait perdre la tête, perdant la tête, ils demandent encore plus de pouvoir. Le pouvoir est leur but, leurs idéologies raciste, guerrière, sont secondaires… Ce rapport au pouvoir, la réaction aux frustrations, tout cela reste sacrément d'actualité.

Géniale aussi, dans la première moitié du film, cette idée de va-et-vient incessant entre les palais luxueux du dictateur et le ghetto. Si on dépasse de nouveau le simple cadre d'Hitler, on aperçoit la continuation de la critique du Pouvoir : le monde est ainsi fait (pour reprendre le paradoxe de Tolstoï exposé dans Guerre et Paix) que ceux qui ont le pouvoir de changer la réalité n'ont plus de contact avec la réalité, alors que ceux qui sont dans la réalité n'ont pas le pouvoir de la changer. Reste alors entre les deux mondes du Pouvoir et du peuple, le barbier. Cet électron libre est un personnage tout sauf héroïque : lâche, peureux, mais possédant le bon sens quand il s'agit de réagir. Il est intéressant de voir que Chaplin en fait un amnésique. De ce fait, il arrive au ghetto, et dans la société actuelle, avec un regard neuf. Il correspond à cet égard à cette belle métaphore du Pic de Dante (seule bonne chose ou presque de ce film) de la grenouille. Si on met une grenouille dans une casserole qu'on porte lentement à ébulition, elle mourra sans avoir réagi. Si on met la même grenouille dans une casserole déjà brûlante, là, elle réagit. Le barbier, quand il revient au ghetto, plonge dans cette casserole brûlante et du coup il lutte, a le courage de dire " non ". Difficile de dire stop en effet quand tout se fait progressivement, lentement. Là encore, Le Dictateur touche juste dans la psychologie.

C'est donc ce personnage qui par un concours de circonstances prendra la place du vrai dictateur. Que fait-il ? Que peut-il faire ? Parler. Belle idée (idée moderne de nouveau), que la seule chose possible pour quelqu'un du peuple, c'est de prendre la parole, se servir des médias pour dire les choses telles qu'il les voit, et surtout telles qu'elles devraient être. On reproche au Dictateur son discours final, naïf. D'abord, historiquement, ce discours est important dans l'œuvre de Chaplin. Il a toujours refusé la parole au cinéma et l'accepte ici, comme étant directe et non plus un élément sonore comme un autre. De plus, il faut ré-écouter ce discours. Il n'a rien de naïf. Il est au contraire plein d'espoir, courageux dans les valeurs qu'il ose proposer dans une société qui refuse ces valeurs en les taxant justement de naïves. Mais surtout, ce discours prônant l'individualisme et la lutte de l'individu contre son gouvernement, le refus des " machines " est totalement d'actualité. Pas un mot à changer. Là où Chaplin n'est pas naïf, c'est que suite à ce discours prônant l'individualisme, il montre la réaction à son discours : un plan très large, sans individualisme donc, d'une foule en délire… S'il avait dit n'importe quoi, le contraire ou l'inverse, cette foule aurait réagi de la même manière ! Discours sans espoir ni effet ? Non, puisqu'au moins une personne, Hannah, aura été touchée et aura retrouvé l'espoir que demain sera peut-être différent.

L'humour. Dans tous les films de Chaplin (peut-être, et encore, exception faite de Monsieur Verdoux) l'humour est simple, direct, léger. On retrouve ici des gags drôles pour lesquels on rit directement, sincèrement. Seulement, il y en a aussi d'autres tellement terribles que le rire arrive comme pour exorciser, comme pour créer une porte de sortie à une situation finalement horrible. Ce sérieux, cette dureté dans l'humour est unique chez Chaplin et on peut même dire que quiconque " s'amuserait " à voir le film au premier degré, à décortiquer chaque image, chaque idée, sortirait du film déprimé !

On pourrait écrire des pages et des pages sur ce film, ce serait un travail sans fin car ce film possède décidement la rare richesse de pouvoir signifier un nombre quasi-infini d'idées selon l'époque à laquelle on le voit…


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De Kino, le 12 décembre 2005 à 20:32

Je trouve vraiment que la critique est trop simple. J'attendais trouver un analyse plus profonde du Dictateur, une oeuvre qui, sans doute, mérite un traitement plus juste. Qu'est-ce qu'il reste du personnage de Charlot? On peut vraiment dire que à partir cette oeuvre, le Vagabond reste effectivement son dernier avatar, et que effectivement, tel que Chaplin le craignait, la parole finira par touer Le personnage du Vagabond. À la suite on ne trouvera que les personnages de Verdoux, Calvero ou Shadov. Chaplin avait peur de la parole, bien sur, car il avait vu son mère s'évanouir pendant qu'elle chantait une marche irlandaise. Et donc, sa carrière commence à partir de l'extinction de la voix de sa mère. Pour la première fois que Chaplin allait parler -car dans Temps modernes il chante- il avait besoin de se refugier dans un personnage qui dominait sans problèmes la parole. Et qui mieux qu'un Dictateur? Et si en plus on ajoute que cette dictateur existe et que porte la même moustache que le personnage de Charlot -qui d'ailleurs était une mode à l'époque? Il faut vraiment faire ressortir des éléments plus profonds dans ce chef d'oeuvre.

PS: Une étudiante étrangère qui vien de découvrir Chaplin.


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De jipi, le 9 janvier 2007 à 11:08

Adenoid Hynkel possède une copie antinomique, un barbier juif désordonné, irrécupérable aux procédures militaires montrant ses limites devant la gestion d'un obus devenu subitement un index menaçant.

Ce Janus à pourtant un point commun, une inefficacité flagrante à la crédibilité en fonction des sites investis.

L'un postillonne et vocifère sur des micros craintifs des théories extrémistes sanctionnées par des maladresses spontanées pendant que le second surnage dans un premier conflit mondial ou sa fonction de soldat est parasitée par un rejet naturel de la violence, sa spontanéité étant plus adaptée à un salon de coiffure dépoussiéré et inauguré par des clients rasés sur des danses hongroises de Zoltan Brabek.

Un seul et même personnage devient causes et conséquences d'un discours sélectif sur la nature humaine, une physionomie semblable envoie sur le terrain une rigueur policière endoctrinée et matraquante contrée par la grâce leste et malicieuse d'un esprit programmé pour résister désirant uniquement côtoyer le convivial de son métier ceci loin des politiques et des origines soudainement bafouées.

Le monde n'est pas caressé, il est pris de force, ballotté de tous parts, projeté dans les airs par un dément aux paroles heureusement incompréhensibles, exempt de la sanction suprême ce fou furieux est puni par un gag omniprésent ruinant une crédibilité globale douteuse ou les trains devenus fous n'arrivent plus à se positionner dans les gares.

Hynkel est ridicule dans un rôle de petit roquet instable sur ses jambes, le barbier au contraire a du jarret, c'est une anguille insaisissable s'amusant de ces mastodontes en uniformes qui ne le rudoie que quelques instants.

« Le Dictateur » instantané d'une triste période reste la propriété d'un esprit désirant sauvegarder les possibilités positives des hommes par le rire principal force de combat de tous les outrages. Le drame est éclairci par une pantomime comique salutaire et décrassante.

Le pire des profils ne peut survivre à la directive d'une incompétence manipulant une morphologie inconsistante par une configuration délirante.

Charlie Chaplin anéantit une crédibilité inexistante à la base, Hynkel manipulateur avorté devient lui-même sa propre conséquence, un pantin dont la destruction est programmée dans le temps par un pacifisme à son image.


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De jipi, le 9 janvier 2007 à 11:24

Adenoid sonne curieusement à l'oreille comme Adonaï (Dieu) Coincidence ou message du cinéaste ?


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De Cécile, le 30 janvier 2008 à 20:52

__Bonjour, J'ai un travail sur le Dictateur à présenter dans le cadre de mon cours de Français, et j'aurais besoin d'un peu d'aide. Voici quelques questions auxquelles je dois répondre:

  • Qu'est-ce qui rend cette caricature de Hitler fort réussie?
  • D'après le documentaire, pourquoi Hitler a-t-il remporté un tel succès? (3 raisons)
  • La "scène des fauteuils" qui oppose Hitler à Mussolini est grotesque. Mais que veut symboliser Chaplin par cette scène absurde?
  • Quelles fonctions le rire peut-il jouer dans un contexte aussi dramatique?
  • Pourquoi la caméra s'arrête-t-elle longuement sur le canari enfermé dans sa cage?
  • La fin du film romp étrangement avec la partie narrative. Elle se veut persuasive. Mais quel message Chaplin adresse-t-il au spectateur? Vous remarquerez que Chaplin ne s'en prend pas directement au dictateur, à Hitler mais à d'autres causes qui ont permis de tels dérèglements, de telles folies. Cites 4 de ces causes.

J'ai quelques idées de réponses mais cela reste assez vague, pourriez-vous m'aider, ne fut-ce que pour une question!__


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De vistavision, le 31 janvier 2008 à 10:03

Même si vos réponses sont "vagues" comme vous le supposez… exposez-les, afin que nous puissions voir votre propre vision du film… et c'est cela qui compte !

Seulement à ce moment-là vous pourrez prétendre à avoir des avis concordants, contraires, ou complémentaires…


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De fretyl, le 28 septembre 2010 à 16:16
Note du film : Chef-d'Oeuvre

J'avais vu Le dictateur il y'a à peu prés dix ans. Il y'a dix ans, je découvrais Chaplin et j'avais été extrêmement enjoué devant des films tel que Les temps modernes, Les lumières de la ville ou Le dictateur.
Et puis petit à petit, ayant fait tout le tour de l'œuvre de Chaplin, je suis resté longtemps sans regarder un film de Chaplin.
Une récent revisionnage du Dictateur m'a rappelé que Chaplin était un génie. Ce qui m'a d'abord surpris dans Le Dictateur c'est la modernité de l'humour de Chaplin.
Dans Le Dictateur l'humour est toujours aussi drôle et l'on y rit vraiment. On y rit en voyant Chaplin imiter un Hitler névrosé sur scène, on y rit en y voyant un Hitler/Hynkel excité, piquant des colères dans son palais…
Film politique Le Dictateur met dos à dos la moustache de Charlot à celle de Adolf Hitler et par ce fait y ridiculise le nazisme.
Évidemment le film n'est aujourd'hui plus que le témoignage d'un certain sentiment d'inquiétude qui a perduré chez les démocrates du monde entier constatant que les fascismes divers gagnaient du terrain dans une Europe promise au chaos. Le saisissant et célèbre passage du globe apparaît aujourd'hui comme une vision prophétique des soixante dix millions de morts de la seconde guerre mondiale.
Étrange hasard tout de même ; Chaplin et Hitler sont nés à quelques jours d'intervalles, tout deux furent physiquement ressemblant, l'un fut humaniste, l'autre sanguinaire… Dans Le Dictateur l'alternance de scènes entre le petit barbier juif et le dictateur sinistre et ridicule apparaît comme un duel entre Chaplin et Hitler.

Le Dictateur reste avant tout une grande comédie. Une comédie rythmée, au scénario travaillé, aux trouvailles multiples aux quiproquos nombreux, doublé d'une satire corrosive sur le totalitarisme politique et de la haine du juif.

Dans ce chef d'œuvre seul le discours final de Chaplin m'apparaît comme raturé :

Alors au nom même de la Démocratie, utilisons ce pouvoir. Il faut tous nous unir, il faut tous nous battre pour un monde nouveau, un monde humain qui donnera à chacun l'occasion de travailler, qui apportera un avenir à la jeunesse et à la vieillesse la sécurité. ou Alors, il faut nous battre pour accomplir toutes leurs promesses. Il faut nous battre pour libérer le monde, pour renverser les frontières et les barrières raciales, pour en finir avec l'avidité, avec la haine et l'intolérance. Il faut nous battre pour construire un monde de raison, un monde où la science et le progrès mèneront tous les hommes vers le bonheur. Soldats, au nom de la Démocratie, unissons-nous tous !

Qui ne voit que ces souhaits naïfs, sont aujourd'hui en application par un nouvel ordre mondial puant. Le petit barbier Juif est désormais lui aussi devenu Dictateur.


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De Frydman Charles, le 7 avril 2016 à 09:36
Note du film : 5/6

Le film évoque les camps de concentration. Mais on était loin alors d'imaginer les horreurs que l'on allait découvrir à la libération.


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