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Forum : Star Wars - Épisode I, la menace fantôme

Sujet : Critique


De dumbledore

LES PREMICES

Le film étant en trois parties, a dit George Lucas, il faut attendre que sorte le troisième opus pour pouvoir le critiquer. La formule est un peu présomptueuse, on peut la prendre pour du dédain, et pourtant, elle a sa part de vérité. Ce qui nous est offert ici, c'est le premier acte d'une pièce classique. Une mise en place des pièces sur l'échiquier. Oui, il faut prendre le film comme tel.

Si le pari de George Lucas est ambitieux, sa marge de manœuvre est réduite. Il doit réussir à recréer un choc visuel similaire à la première trilogie, accrocher une nouvelle génération de spectateurs, et raconter une histoire digne de respect par rapport à l'univers déjà installé, mais surtout une histoire avec des enjeux actuels, intéressants. Mais il a encore un autre pari à relever, bien plus périlleux, sans doute, c'est la gestion des fans qui attendent depuis plus de quinze ans la suite des aventures des Jedi.

De toute évidence, George Lucas savait que ceux-ci seraient déçus comme ils l'ont en effet été. La phrase que nous avons citée en entrée de jeu le montre. La mise en scène de son film aussi. Dans sa biographie éditée au moment de la sortie du Retour du Jedi, George Lucas expliquait que le plus important, dans un film, c'est les cinq premières minutes et les quinze dernières. Les quinze dernières pour pouvoir sortir du cinéma les yeux bien remplis et les cinq premières pour permettre au spectateur d'entrer dans l'univers et dans la force du film. Or que fait-il pour commencer Star Wars: Episode I ? L'inverse. Il prend cinq minutes pour faire sortir le public du film qu'il croyait voir en entrant en salle et le fait entrer ailleurs, dans le film que lui veut raconter. Pendant les cinq premières minutes du film, on voit deux Jedi arriver dans une station spatiale et… prendre le thé ! Ils prennent le thé alors qu'a lieu une discussion politique !!

Le mot est dit, « politique ». Star Wars: Episode I est un film politique, un film plus adulte, moins ludique. Là résident les enjeux thématiques du film et sans doute de la trilogie.

George Lucas a 33 ans quand Star Wars sort. Il en a maintenant 47. La première trilogie était le parcours d'un jeune adolescent naïf vers le monde adulte suivant le principe de la quête arthurienne. Elle était pleine d'espoir, d'ouverture, de positivité, comme l'était Lucas conquérant Hollywood. Elle montrait qu'un (jeune) homme pouvait changer le monde, qu'un seul homme sans fortune ni pouvoir, pouvait, par son seul talent, abattre un empereur. Cette nouvelle trilogie, de part du fait aussi qu'elle se situe avant la première trilogie, tire son inspiration non plus de l'univers arthurien mais de la structure narrative des tragédies grecques. L'affiche teaser de l'ombre de l'enfant se projetant en Dark Vador sur le mur le montre clairement Cette trilogie sera plus noire, plus conradienne (comment un enfant si pur va devenir le diable). Elle développe aussi et surtout le regard d'un adulte mûr sur un monde qu'il voit différent que lors de sa jeunesse.

Dans la trilogie des années 80, on avait le méchant dictateur d'un côté et les gentils résistants de l'autre. Le film était un plaidoyer contre le fascime. Cela correspondait à une vision du monde d'avant la chute du mur de Berlin, un monde lui-même divisé en deux blocs. Vision simpliste, certes, mais dont le message par contre était déjà plus intelligent, plus humain et surtout moins manichéen : le vrai danger ce n'est pas de perdre, c'est de passer dans l'autre camp, sans s'en rendre compte ! Autrement dit, comment gérer le pouvoir une fois qu'on l'a, comment ne pas céder à sa face noire qui est l'abus de pouvoir…

Avec cette nouvelle trilogie, les méchants c'est… le monde du commerce, avec ses lois, avec ses intérêts inhumains qui menacent de faire écrouler la République. C'est une ôde à la démocratie qui est proposée.

Oui, Star Wars: Episode I est un film politique et surtout un film actuel, dénonçant la menace que constitue le profit sur la vie des gens, le capitalisme, bref une critique du mode de vie, du mode de pensée même des Etats-Unis !! Le capitalisme et la démocratie ne peuvent vivre ensemble, car ils poursuivent des buts opposés. L'un veut imposer une mainmise pour confier le pouvoir à un groupe priviligié. L'autre veut partager au contraire le pouvoir… Star Wars: Episode I, film révolutionnaire ? Un film anti-mondialisation ? Oui. C'est une vision pessimiste du monde dans lequel nous vivons qui est présentée, une vision aussi négative sur… Hollywood !

George Lucas est un personnage étonnant, mal vu, mal aimé et surtout mal compris. Il s'apparente à plusieurs égards à Kubrick, dont il est très proche (même indépendance, même maîtrise de tout ce qui se passe sur leur film, même fou de cinéma et même constructeur d'une œuvre). On s'est moqué de lui quand il a répété à plusieurs reprises que les effets speciaux ne sont pas une fin en soi, mais juste un moyen, rien de plus ! Lui, le créateur d'effets speciaux, semblait cracher dans la soupe. On s'est moqué de lui quand il s'est défini comme un artiste indépendant, alors qu'il a gagné des milliards de dollars.

Et bien encore une fois, il y a une vérité là-dedans. Le parcours de Luke Skywalker, c'est le parcours de l'intuition, de l'idée pure qui doit réussir à se réaliser tout en gardant sa pureté. Il ne doit pas se corrompre. Quiconque s'est frotté à Hollywood peut savoir quel parcours de Jedi c'est que de mener à bien un film sans basculer dans le côté obscur de la force et du compromis ! Luke/Lucas, c'est le personnage, à la fin de Star Wars qui éteint l'ordinateur avant de lancer le missile. Hollywood, c'est un monde de machines, une dictature de l'idée unique qui ne peut tolérer le particularisme…

Ce thème Hollywood/Auteur est encore présent dans cette première partie de la nouvelle trilogie, notamment dans l'univers mis en place. On retrouve ainsi trois planètes, très différentes les unes des autres.

  • Naboo, cité d'eau, une planète très belle, avec une architecture très stylisée, des costumes d'un goût très fin, évoquant sans conteste, l'Italie et derrière elle, la culture, le monde civilisé.
  • Coruscant, cité de l'air, rappelant Blade Runner et sa pâle copie Cinquième élément, très peuplée, très moderne, mais un peu étouffante. C'est là que se trouvent les institutions politiques de la République.
  • Tatooine, cité de sable où l'architecture se réduit à des cases, où règne l'esclavagisme, le brigandage, où se trouve le pire des voleurs, mais aussi où se trouve l'espoir (Anakin). Elle symbolise le peuple dans sa diversité, sa mulplicité.

L'axe dramatique du film raconte comment la Fédération du Commerce/Hollywood veut s'emparer de Naboo/Artiste, lui imposer sa manière de voir, et pouvoir ainsi renverser Coruscant/Pouvoir. Oui, le film est politique, car le cinéma est avant tout une arme politique. En changeant les images du monde, on peut effectivement changer le monde…

Reste l'aspect visuel du film. George Lucas veut que cette trilogie puisse précéder l'ancienne et que l'on puisse voir les 6 films à la suite, et que le tout soit homogène. Il est donc obligé d'avoir une mise en scène cohérente. On retrouve, ainsi, des effets peut-être dépassés mais nécessaires pour cette cohérence : les volets, les fondus et cette narration en parallèle. Les cadres, le découpage sont eux aussi très classiques. Trop ? Sans doute pas. Ce classicisme permet de faire avaler tout un pan moins classique : ce qu'il y a à l'intérieur des plans.

Les effets speciaux sont tout bonnement magnifiques. Jamais tape à l'œil, mais toujours esclaves de l'histoire, ou de l'univers développé. Le mot que l'on a à la bouche en sortant du film, c'est « Beau ». On est clairement du côté du beau, du généreux. « J'ai dépensé sans compter » disait Hammond dans Jurassic Park, autre film sur Hollywood. C'est la même chose ici. Lucas est un homme de spectacle, il sait et aime offrir du spectaculaire et on le remercie pour ça.

Quant la révolution technique qu'annonçait Lucas, elle est en marche mais invisible. Il s'agit du numérique. Une scène a été tournée en numérique, cachée (pour montrer que le numérique était aussi performant que l'argentique) et enfin révélée. Il s'agit du moment où Liam Neeson envoie le relevé du sang d'Anakin à ObiWan.

Alors ? Star Wars: Episode I pur héritier de la première trilogie ? Oui, mais à condition de lui offrir le bénéfice du temps. Star Wars: Episode I , un grand film ? Oui, mais à condition de regarder un peu plus loin que le bout de son nez.


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De Nomad, le 5 janvier 2004 à 12:42

L'Episode I est effectivement un beau film, je rejoins la critique de Dumbledore pour dire que le film possède des atouts à condition d'avoir envie de les voir. Pourtant, je ne regarde pas ce film avec la même passion que ceux de l'ancienne trilogie. Les épisodes 4, 5 et 6 restent plus grands pour moi, j'aime les revoir souvent contrairement à cette genèse. Alors faut-il attendre l'épisode III pour comprendre que cette trilogie là mérite elle aussi un réel succès, ai-je perdu mon âme d'enfant,ou la vision plus simple et idéale de la première saga est elle plus entrainante ? Difficile de se forger une réelle opinion… pourtant, avec Matrix j'ai eu une réaction inverse. Chaque épisode de cette autre grande saga de science fiction m'a donné envie de voir le suivant. J'ai revu les deux premiers avec passion un grand nombre de fois avant le dénouement, alors qu'ici, j'ai vraiment du mal à revenir dans cette galaxie lointaine !


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