Robert Siodmak, maître du film noir trop méconnu.
Sa personnalité et les critiques des"Cahiers" (qui, à leur grand tort, n'ont pas su estimer le réalisateur à sa juste valeur) y sont pour beaucoup. Il a notamment réalisé "the killers", "the spiral staircase", "Double énigme" ("the dark mirror") qui sont aujourd'hui des grands classiques du film noir.
Un délice pour les cinéphiles et immanquables pour les adeptes de l'époque du grand film noir.
Chaque plan est soigneusement étudié. La profondeur de champ est utilisée pour représentée la force brute des nazis, des plans en arabesque mettant en scène la sensualité des femmes.
Autre figure saisissante : un mouvement avant de la caméra conjugué avec un déplacement en direction de celle-ci du nazi, déclenchant une sensation d'effroi chez le spectateur. Utilisation optimale, des clairs obscurs, du noir et blanc (le lustre blanc scintillant renvoie au blanc de la maitresse du gruppenführer).Et il y a aussi une volonté d'innover, de produire un spectacle qui surprend le spectateur (ainsi, la représentation en caméra subjective de la reconstitution du meurtre, ou le générique d'ouverture qui brouille les pistes). L'interprétation est également de grande qualité. Un classique, très réussi, à redécouvrir.
Willi Keun (Werner Peters), un lampiste SS qui ne peut être employé sur le Front puisqu'il a perdu un pouce, fricote habituellement avec la servante d'une auberge où il a ses habitudes. La souillon est assassinée et Keun semble le coupable idéal. L'inspecteur de police Axel Kersten (Claus Holm), revenu infirme des combats, n'est pas du tout convaincu.
Et les spectateurs savent bien que le tueur est en fait une brute débile mal dégrossie, Bruno Lüdke (Mario Adorf), qui n'en est pas à son premier assassinat. Avec l'aide de la charmante secrétaire Helga Hornung (Annemarie Düringer), le policier va s'efforcer d'incriminer Lüdke et, partant, d'innocenter Keun. Tout cela est absolument simple et l'aspect purement policier du film n'a pas beaucoup d'intérêt ; si ce n'est toutefois – mais c'est très anecdotique – que Kersten confond Lüdke en le voyant déboucher les bouteilles en enfonçant violemment son pouce dans le goulot – puissance remarquable – alors même que le tueur assassine ses victimes en leur brisant, dans la gorge, l'os hyoïde, ce qui n'est pas à la portée du premier venu. Et naturellement de quelqu'un à qui il manque un pouce comme le malheureux Keun. Une fois le véritable tueur identifié, une question existentielle se pose que les Pouvoirs publics du Reich examinent discrètement ; et qui est, dans leur logique monstrueuse, parfaitement cohérente. Deux points de vue peuvent prévaloir. L'un est tout à fait proche de l'optique nationale-socialiste : voilà l'opportunité de prendre un texte législatif prescrivant l'éradication de tous les individus mentalement dégénérés, comme l'est Lüdke. L'autre, qui va prévaloir, et qui pourrait être aussi celle de tous les régimes communistes, est de ne pouvoir supporter qu'une telle aberration existe dans une société que l'on veut parfaite : après tout, admettre que depuis des années, des criminels tarés puissent n'être pas identifiés et subsister dans le monde idéal que l'on construit est admettre l'idée que l'on n'a pas pu les empêcher de prospérer et qu'il subsiste des failles dans l'organisation.Il est donc parfaitement cohérent que l'honnête policier Karsten se voit expédié comme simple soldat en Courlande (Lettonie) où il est évident qu'il trouvera rapidement une mort rapide (et peut-être héroïque, allez savoir !). Il est déjà bien beau que sa fiancée Helga puisse fuir vers la Suède, alors neutre, grâce à son cousin Thomas Wollenberg (Carl Lange) qui en est amoureux. Logique absolue des systèmes totalitaires. Mais qu'on peut aussi suspendre aux questions de l'indispensable Raison d'État. Rien n'est simple.
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