Forum - Délivrance - Nature et démesure
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Sujet : Nature et démesure


De vincentp, le 14 février 2005 à 22:44
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Certaines images subliment des moments assez banals (par exemple, l'avancée des véhicules sur les chemins de la forêt, vue à travers le pare-brise, la découverte de la rivière à travers les feuillages avec le bruit de l'eau). Il y a chez Boorman un aspect visionnaire, qu'il sait faire partager à l'écran.


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De PM Jarriq, le 15 février 2005 à 09:23
Note du film : 6/6

C'est vrai, mais il y a de grands moment dans "Rangoon". Toujours inédit !


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De Impétueux, le 22 mai 2006 à 11:23
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Mille fois d'accord ; c'est un des films les plus angoissants qui se puissent, une nature filmée dans sa formidable indifférence à l'homme (beaucoup plus d'indifférence que d'hostilité) et une question qui se pose à nous tous qui vivons dans la confortable civilisation occidentale moderne ; qu'est-ce que nous faisons si la sauvagerie vient s'attaquer à nos codes policés ?

On n'a jamais mieux montré le hiatus entre les intégrés, les urbains, et les primitifs, les ruraux ; les points de vue, les manières d'être sont totalement et irrémédiablement inconciliables.

Un grand film réactionnaire…


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De Gaulhenrix, le 15 mars 2007 à 20:43
Note du film : 6/6

Je me demande si le film confirme vraiment cette vision des événements, Impétueux. Ne peut-on pas voir dans le projet même des quatre amis une forme de démesure (l'Hybris) qui sera châtiée par la Nature (la Némésis) ? Après tout, ce sont eux qui font intrusion au cœur d'un espace sauvage.

Si l'on se réfère à l'ouverture du film de John Boorman, les enjeux sont clairement posés. Lewis (Burt Reynolds) explique à ses trois compagnons Ed (John Voight), Drew et Bobby la raison de son projet : descendre la rivière sauvage à canoë avant qu'un barrage ne la transforme en lac. Le spectateur entend les paroles de cette explication, mais, sur l'écran, défilent les images des travaux de construction dudit barrage. Lewis précise son propos et déplore que l'on fasse disparaître la nature au nom d'un prétendu progrès. Puis le silence se fait. Et une violente explosion retentit aussitôt après, alors que l'écran montre une roche pulvérisée. Cette explosion (métaphorique ?) marque l'intervention subjective du réalisateur dans son film : ne fait-elle pas voler en éclats – ironiquement – le discours écologique de Lewis auquel elle succède immédiatement ? Ne suggère-t-elle pas symboliquement que cette descente de la rivière envisagée comme un retour rousseauiste vers une "nature idyllique" sera vécue, en réalité, comme une véritable descente aux enfers ? Car la nature, sauvage et violente, réagit, de façon sauvage et violente, à l'intrusion de ces aventuriers du dimanche : ils ont violé la forêt ; la forêt, à son tour, les violera selon l'antique – et naturelle – loi du talion. Le propos de Boorman n'est pourtant pas manichéen, mais vise plutôt à insister sur la dualité des choses.

Une dualité qui se retrouve dans une structure de film qui fait la part belle au procédé de la mise en opposition que l'on retrouve à différents niveaux. On peut évoquer le triple sens contradictoire du titre (une délivrance en forme de cauchemar / Ou encore, une délivrance finale en forme de fuite hors de la nature, alors que la délivrance initiale était espérée hors d'un monde civilisé trop aseptisé). On remarquera que la construction du barrage s'accompagne de la destruction de la rivière ; que cette même rivière, sauvage au cours du film, devient lac étale domestiqué à la fin.

On précisera que ce sont la mort de Drew et la blessure de Lewis qui permettent l'accomplissement d'Ed. On signalera (nouvel exemple d'ironie) que c'est en renonçant à leurs valeurs morales et en suivant leur instinct le plus primitif que les survivants se tirent d'affaire.

On observera d'ailleurs que c'est Drew, l'artiste, c'est-à-dire l'homme sensible – et le plus indécis du groupe quant à la décision à prendre -, qui est la seule victime.

On notera enfin que le projet de descente de la rivière est dénoncé par Boorman comme une illusion, et l'aventure, montrée comme un cauchemar : il suffit de rappeler que l'apparition des deux agresseurs est filmée de telle sorte qu'ils paraissent faire corps avec la forêt, comme si le réalisateur voulait personnifier la face cachée, obscure et dangereuse, de la nature primitive, actualisant ainsi la leçon des contes-cauchemars pour (grands) enfants. Cette confrontation avec un espace sauvage renvoie bien aux origines de l'homme et au combat féroce qu'il dut sans cesse mener pour survivre.

Un très grand film ironique, en effet. Le premier signe que la descente de la rivière s'achève (et que les personnages en ont fini avec leur cauchemar !) est la vision d'épaves d'automobiles abandonnées au bord de l'eau en un plan cinématographique qui fait écho à celui – à l'entame du film – des travaux de construction du barrage. Comme si John Boorman, en se servant d'une structure en boucle, insistait ainsi sur la faillite d'une civilisation dont le progrès passe par l'anéantissement de la Nature. : ce sont nos déchets qui sont les signes annonciateurs de notre civilisation !!!


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De PM Jarriq, le 16 mars 2007 à 08:32
Note du film : 6/6

Chaque protagoniste est "puni" par où il a péché : Ned Beatty qui se vante de ses conquêtes est violé, Reynolds le M. Muscle est physiquement amoindri, anéanti, Drew le musicien a le bras à moitié arraché, et Voight le pacifiste contemplatif doit tuer un homme de ses mains.


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De droudrou, le 16 mars 2007 à 09:10
Note du film : 5/6

Par rapport à tout ce qu'un chacun dit, il ne m'est pas possible de dire que l'un a raison plus que l'autre ou l'inverse.

Il est déjà bien clair que le titre Delivrance au regard du film a une valeur presque sinon totalement métaphysique. Du début jusque la fin du film, malgré que nous sommes au 20ème siècle, on se croirait confronté à une civilisation primitive au possible, un retour à je ne sais combien de siècles dans le passé.

Je pense qu'il conviendrait, plutôt que nous livrer à des conjectures vis-à-vis desquelles nos divers avis n'apporteront pas de réponse mais, tout au plus, de nombreuses pistes de réflexion qui demeureront des interrogations, d'avoir les explications de Boorman lui-même.

A la lecture de sa filmographie, il faudrait pouvoir arriver à tracer un portrait qui le caractérise mieux dans ses réalisations. Je crois qu'à partir de Duel dans le Pacifique suivi de Excalibur, il y a un grand tournant dans l'oeuvre de Boorman et qui trouve son prolongement dans Hope and glory et La forêt d'émeraude. Je pense que le metteur en scène se penche sur une expérience personnelle et nous livre une vision du monde au travers ses recherches et par rapport à ses propres références en termes de grands thèmes personnels…

Le débat est alors engagé mais, une fois de plus, nous ne pouvons pas nous positionner sur des films puisque nous abordons l'oeuvre de Boorman dans sa généralité et que le site ne nous le permet pas. C'est bien ce qui déjà, au travers de Délivrance ressort en totalité…


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De gaulhenrix, le 16 mars 2007 à 10:04
Note du film : 6/6

En effet, PM Jarriq. Mais n'est-ce pas plutôt Bobby qui est la victime du viol ?

Sans oublier, droudrou, Zardoz qui, malgré le ridicule du "costume" de Sean Connery, reste un film intéressant par son propos.


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De PM Jarriq, le 16 mars 2007 à 10:13
Note du film : 6/6

Si, c'est Bobby, mais son interprète est Ned Beatty.


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De gaulhenrix, le 16 mars 2007 à 10:20
Note du film : 6/6

Au temps pour moi : mille excuses, PM Jarriq, pour cette coupable inattention !


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De droudrou, le 16 mars 2007 à 16:29
Note du film : 5/6

(censuré), Gaulhenrix ! Je n'avais même plus osé me souvenir que Zardoz était de John Boorman lui-même ! Eh bien, de très loin (attention au sens des mots) Zardoz, en tant que fable, entre bien dans cette vision globale dont nous discutions tous à propos de Boorman. Cette notion de brutalité par rapport à un retour à la nature, elle y est à nouveau entière d'autant qu'il y a à divers moments de Zardoz cette notion liée au sexe que l'on retrouve dans Délivrance et dans Excalibur.

J'aimerais qu'un contributeur du site me confirme ou m'infirme : "il me semble que c'est dans Duel dans le Pacifique que l'acteur japonnais (Toshiro Mifune ?) se tranche une artère, que le sang gicle et éclabousse le "mur" derrière lui…" – Il me semble bien que c'était la première fois où, au cinéma, on voyait une telle projection… d'hémoglobine…

(**) je n'ai pas le courage d'aller vérifier les filmographies !


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De PM Jarriq, le 16 mars 2007 à 16:49
Note du film : 6/6

Non, je ne crois pas que ce soit dans Duel dans le Pacifique… Par contre, ça m'intrigue. Dans quel film est-ce ?


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De droudrou, le 16 mars 2007 à 19:55
Note du film : 5/6

C'est par dépit d'avoir perdu… Mais… quel film ? C'est la question !


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De vincentp, le 13 juillet 2007 à 17:03
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Une version remasterisée, avec des suppléments qui s'annoncent intéressants (reportages d'époque,making-off…), est prévue pour la rentrée 2007. Ainsi qu'une édition DVD-HD et blue-ray.


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De PM Jarriq, le 13 juillet 2007 à 17:14
Note du film : 6/6

Bravo pour Délivrance, qui mérite depuis des lustres une version "définitive". Mais qu'en est-il de Rangoon ???


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De vincentp, le 18 octobre 2008 à 20:33
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Quelques mots pour indiquer à nos amis du forum que l'édition HD de Delivrance est de toute beauté. La restauration de l'image et du son (sur le support hd-dvd que j'ai regardé) est parfaite. On est loin, très loin de la qualité vhs, confirmant l'apport potentiel de la haute définition pour les films des années 70 (quand la HD s'accompagne d'une restauration soignée).

Les bonus de cette deluxe-edition (que j'ai fait venir des Etats-Unis), apportent un éclairage sur nombre de points un peu obscurs, et constituent un hommage mérité au travail de l'équipe de tournage. Des témoignages du fils de James Dickey -auteur du livre dont est tiré le film-, du directeur de la photo, de Boorman, du quatuor d'acteurs… Des photos de tournage inédites accompagnent l'ensemble. Autre intérêt : l'aptitude de Boorman à parler de son travail, à indiquer les axes qui ont guidé sa pensée, le tout exprimé de façon modeste… Seul bémol de ces bonus : ils ne sont pas sous-titrés en français.

Une nouvelle vision du film qui confirme une perfection évidente de tous les compartiments du jeu : casting, direction d'acteur, interprétation, mise en scène, scénario, photo, musique, effets-sonores, montage, jusqu'aux accessoires matériels (arc, …). Avec des séquences parfaitement reliées les unes aux autres, et des scènes fortes -visuelles- distillées tout au long du récit. Enfin, sans doute, une excellente gestion du tempo : le temps s'arrête par moment, puis des accélérations nous propulsent vers d'autres moments à nouveau plus statiques.

Un grand moment de cinéma que l'on ne se lasse pas de revoir !


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De vincentp, le 4 septembre 2010 à 23:56
Note du film : Chef-d'Oeuvre

J'ai regardé ce soir à nouveau ce film (en dvd-hd). Il y a toujours quelque chose à découvrir avec de tels classiques. J'ai apprécié cette fois-ci la qualité (exceptionnelle) des prises de vue de Vilmos Zsigmond ultra-complémentaires de la mise en scène de Boorman. J'ai remarqué le visage vu de profil droit de Jon Voight, puis de profil gauche l'instant suivant (pour un lieu différent). Remarquable transition. Tout s'enchaine parfaitement d'un bout à l'autre. Le montage est parfait, les acteurs excellents, avec une mention à Jon Voight. La musique, discrète, possède un impact fort. Boorman et ses collaborateurs ont réussi là le film parfait, à mon sens un des tous meilleurs des années 70. Il s'est même bonifié avec le temps, le sujet des rapports entre la vie citadine et le retour à la nature étant on ne peut plus d'actualité. Le style de la mise en scène, classique, sobre, mais non académique, le rend intemporel.


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De Gilou40, le 7 septembre 2010 à 16:17
Note du film : 6/6

Ah oui, alors ! Ce doit être un bien beau spectacle ! J'ai vu dernièrement ce film sur une vieille cassette et j'ai été emballée ! Alors avec un DVD HD ou blu-ray… Quel film ! J'en avais entendu parler depuis bien longtemps. C'est prenant d'un bout à l'autre, sans une seconde à jeter . Un regard sur nous mêmes. Un film qui nous apprend bien des choses…

Tu as une gentille situation, une gentille petite femme, une gentille petite maison, un enfant. Alors pourquoi viens tu avec moi ?..

Et Burt Reynolds est un sacré un beau type. Coming-out ou pas, c'est vraiment une belle bête. Il n'y a rien qui cloche dans ce film. Rien . C'est assez rare. Et je me suis demandé tout le long, ou j'avais bien pu voir ce "ED", Jon Voight. C'est dans Runaway train, ou, vieilli, il joue ce truand enragé. La fin de ce film est une des plus belle que je connaisse ! Et cette musique ! Mais pour en revenir à Délivrance, j'espère que sur le DVD, on voit le macking-off. Je voudrais bien savoir comment ont été tournées les scènes de descente en canoé. Et faire tourner aussi le petit garçon au banjo n'a pas du être très facile non plus. Quand je serai un peu plus argentée, je m'offrirai le DVD…


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De vincentp, le 7 septembre 2010 à 18:02
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Si vous pouvez, regardez le en blu-ray ou dvd-hd. Je ne crois simplement pas qu'il ait été édité en zone 2 blu-ray. Les scènes en canoé furent improvisées, comme l'expliquent les suppléments du dvd-hd. Pour ma part, je ne taris pas d'éloges quant à la qualité du travail de Boorman et de ses collaborateurs. Il n'est pas acquis néanmoins que chaque spectateur ait mon regard.


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De Impétueux, le 7 septembre 2010 à 18:55
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Délivrance est sans doute le film le plus unanimement citée par les contributeurs actuels ou (hélas) passés de DVD Toile dans leur liste de films préférés ; je ne crois pas qu'aucun de nous ne l'ait célébré ! C'est rare, un tel consensus…

Jon Voight, Gilou40, vous ne l'avez pas vu dans Macadam cow-boy, un des films les plus poignants que je connaisse ? Précipitez-vous vite sur ce trésor, dans ce cas !


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De verdun, le 29 novembre 2010 à 21:01
Note du film : 6/6

J'ai revu ce film hier soir et c'est l'occasion de laisser à mon tour un message laudateur.

C'est une fable aux prolongements vertigineux, ce qui explique pourquoi il suscite de telles réactions enthousiastes.

Il y a une part énorme d'ambiguité: Boorman nous dit qu'il n'y a aucune raison de retourner à la nature sauvage; l'homme "normal" des années 1970 en est totalement incapable et il y arrivera au prix d'une souffrance incommensurable tel le Ed joué par Jon Voight qui en vient à se blesser avec sa propre flèche. Le film d'aventures classique est démystifié: l'aventure changera les personnages mais pas dans le sens où ils l'avaient souhaité. Et la rivière tant ils critiquaient la disparition ne leur manquera finalement pas, c'est le moins que l'on puisse en dire. Mais en même temps la nature est ici superbement filmée par un plasticien de génie (deux si l'on compte en plus de Boorman son génial chef op):elle est mise en valeur et ne peux que nous attirer.

Les compères tuent un assassin mais est-ce vraiment lui d'ailleurs ?

A bien des égards les quatre compères sont des nigauds inconscients, des touristes naïfs et bourgeois qui renouent tardivement avec le scoutisme. Ronny Cox croit communiquer avec le jeune attardé au moyen de sa guitare; Burt Reynolds donne l'image d'un athlète invincible: il délivre ses compagnons des dégénérés pour être gravement blessé quelques minutes ensuite.

Au fond, Délivrance aurait pu n'être qu'un banal mélodrame. Le fameux "dueling banjos" est devenu un tube mais sous la caméra de Boorman on assiste un moment d'anthologie incroyable, un duel psychologique qui donne le départ de la tragédie. Et le joueur de banjo répparaît plus tard sur un pont, tel un sinistre oiseau de mauvaise augure.

Et les scènes sont admirablement faites; les acteurs donnent de belles performances et la portée allégorique en est très prononcée. Le film recèle bien des singularités: dès le générique on entend les compères fomenter leur projet puis le film abordera ensuite un rythme assez lent. Singulière aussi cette nuit américaine violacée qui accompagne l'ascension de Jon Voight.

Pour moi ce film et Le point de non-retour sont les deux incontournables de Boorman, que je mettrais tous les deux dans une liste de mes 100 films préférés.

On a certes fait plus violent depuis mais ce cinéma spectaculaire et intelligent nous manque !


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De vincentp, le 29 novembre 2010 à 22:58
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Au risque de me répéter, je soulignerai (à nouveau) la qualité encore supérieure de Delivrance en hd. Tout à fait d'accord pour le génie du chef opérateur. Le livre de James Dickey est à lire aussi. La vision de l'écrivain est différente de celle de Boorman (mais les suppléments divers des éditions dvd le soulignent amplement). Et Boorman, qui a grandi dans un milieu très féminin, fut intéressé par le fait que cette histoire exclut les femmes parmi les personnages. Effectivement, ce film peut intéresser un large public (averti). J'ai lu aussi quelque part que Eric Rohmer avait beaucoup apprécié ce film de Boorman.


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De Arca1943, le 30 novembre 2010 à 03:11

«La nature, il ne faut jamais trop l'aimer, car on finit par peu aimer l'Homme», écrivait Leonardo Sciascia. Ou encore dans les mots de Hannah Arendt : «L'Homme est l'être non-naturel par excellence.». Vercors aussi, qui explique dans son essai La sédition humaine que l'humanité se caractérise, voire se définit par son échappée hors de la nature (qui est la sédition du titre).

J'ai toujours pensé que le film de John Boorman, avec ses moyens bien à lui, exprimait un avertissement similaire, comparable contre le naturalisme (à ne pas entendre ici au sens de l'école littéraire). Le thème romantique du "retour à la nature", alors très en vogue via notamment le mouvement hippie, reçoit une formidable baffe en travers de la gueule. Et le plus fort c'est que cette allégorie philosophique passe ici par le réalisme le plus concret, le plus sordide, flanquant le spectateur devant l'évidence : hé l'ami, regarde un peu à quoi l'Homme ressemble quand il "retourne à la nature", vois quelle horrible bête il redevient !

Si Délivrance a si bien vieilli, c'est aussi parce que sa thématique est toujours actuelle, étant donné que le péril naturaliste, s'il a revêtu des oripeaux bien différents de ceux qu'il portait à l'époque, n'a aucunement disparu.


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De vincentp, le 12 avril 2012 à 20:25
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Un décès est passé inaperçu -ou presque- en décembre 2011 (à l'âge de 80 ans) : celui de Bill McKinney qui a trouvé dans Delivrance le rôle de sa vie.


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De vincentp, le 26 juillet 2013 à 18:57
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Le blu-ray de Delivrance sort en zone européenne à l'automne 2013. A mon avis, l'apport de la HD est un plus pour ce film (sauf que cela fait cinq ans que je connais cette version via un hd-dvd…)

Oeuvre admirable, et choix éditorial que l'on applaudit des deux mains. Clairement, la technologie apporte (ou peut apporter) un plus à ce type d’œuvre de répertoire. (Mais combien d'âneries sur les présentoirs ?)

En blu-ray, on annonce aussi l'intégrale de Eric Rohmer, et des classiques comme Hatari ! toujours à l'automne 2013.


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De vincentp, le 1er mai 2014 à 13:49
Note du film : Chef-d'Oeuvre

C'est le fête du travail aujourd'hui. Je rends hommage aux contributeurs de ce site, notamment les retraités Impétueux et Tamatoa (qui travaillent d'arrache-pied), avec cet extrait très approprié de Delivrance.


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De Tamatoa, le 1er mai 2014 à 17:33

Ami Vincentp, dites à ce vieillard que son Tamouré laisse à désirer… Quant' au sourire d'Impétueux, j'avais cru lire, ça et là, qu'il avait une dent contre tout le monde. Preuve est faite que ce sont des mensonges éhontés..


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De vincentp, le 18 mai 2014 à 16:09
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Vilmos Zsigmond, le directeur de la photographie de Delivrance, The Deer Hunter,… était présent ce week-end à Paris (Grand action) pour une présentation de certains de ses films et une masterclass. J'en ai profité pour lui faire dédicacer les deux films cités ci-dessus (les hd-dvd correspondant aux actuels blu-ray). Vilmos est quelqu'un de simple, sympathique, modeste, et passionnant à écouter.

La masterclass de cette après-midi (qui accueillait environ 70 spectateurs) était beaucoup trop courte en durée. Elle aurait du durer deux heures (le film La strada qui suivait n'était pas indispensable) au lieu de une heure. A reprogrammer, car outre les qualités citées précédemment, Vilmos est un excellent pédagogue et un parfait communicant vis à vis du nombreux public cinéphile, notamment de Paris.


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De Impétueux, le 12 mars 2015 à 19:35
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Exceptionnelle qualité du film de John Boorman, qu'on ne se lasse pas de voir et revoir et qui, à chaque fois, ouvre de nouvelles pistes et s'éclaire d'une multitude de points de vue. Délivrance fascine tout le monde : récit haletant, admirablement rythmé, d'une complexité et d'une intelligence extrêmes, images d'une grande beauté, personnages bien caractérisés, musique inoubliable. Voilà qui ouvre la porte à de grandes richesses d'interprétation, comme en témoignent, ci-dessus, notamment, les messages de Gaulhenrix et de Verdun.

Nouvelle vision, hier et toujours autant d'admiration. Entrecroisement de plusieurs thèmes qui se répondent sans se confondre. La juxtaposition de quatre types qui n'ont pas grand chose en commun. Sur un coup de tête après boire ou quelque chose comme ça, ils se sont donné la gageure de descendre un bras de rivière sous la conduite de Lewis, libertarien survivaliste (Burt Reynolds) qui s'estime copropriétaire de la Création. Un de ces bizarres qui voudrait s'incorporer à on ne sait quel flux de la Nature déifiée. Je ne sais plus lequel de ses compagnons dit de lui Il veut faire corps avec la nature, mais il ne la sent pas. C'est que la nature ne se laisse pas séduire comme ça et se moque bien des déclarations d'amour qu'on lui lance. Ni tendre, ni hostile : souverainement indifférente.

Ceux qui en sont le plus charnellement proches, qui ne réagissent qu'aux émotions primales, le sexe et la mort, les dégénérés, les brutes, les débiles n'acceptent pas davantage la jactance et le paternalisme, qu'il soient ou non englués dans la niaiserie empathique : il ne suffit pas de se livrer à un beau loyal duel de guitare et de banjo pour se retrouver dans la même dimension humaine ; qu'on le veuille ou non, il y a des gouffres qu'on ne comble pas.

Et des situations qu'on ne supporte pas. Il y a un plan magnifique et terrifiant par exemple : Lewis/Reynolds a décoché sa flèche et tué le montagnard qui vient de violenter le joufflu Bobby (Ned Beatty) : il a un regard à la fois perdu et fasciné de ce pouvoir de tuer qu'il vient d'acquérir et dont il n'imaginait pas qu'il pût être si orgasmique. Et une autre : les yeux ouverts dans la nuit d'Ed (Jon Voight), revenu à la Civilisation, mais durablement effaré par ce qu'il a vécu, par ce qui ne le laissera pas dormir.

Le crime est une solitude, même si on se met à mille pour le perpétrer, écrit quelque part Albert Camus. Si justifiée qu'elle puisse être – et qu'on l'appelle assassinat ou exécution – la mise à mort du violeur précipite le processus de dégradation du groupe, la matérialisation des antagonismes et la mise à nu des personnalités de chacun et de leurs fragilités. Il est vrai que, d'emblée, la façon de les filmer de John Boorman les présentait, scrutés de loin, à travers les feuillages, comme des parasites insignifiants, tout à fait dérisoires et inutiles.

Il n'y a pas un rôle féminin, dans Délivrance ; on pourrait presque dire qu'il n'y a pas un seul rôle d'homme : uniquement des enfants qui jouent, qui font des conneries, en découvrent la conséquence. Et resteront marqués la vie durant.


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De Nadine Mouk, le 6 novembre 2015 à 00:02
Note du film : 6/6

La énième ressortie, tous pays confondus de ce chef-d’œuvre ! La Warner n'en finit plus de tirer sur le boitier et la vente absolument. La prochaine fois, nous aurons droit à cette œuvre en hologramme dans notre salon… Il est quand même rare de voir un film, aussi réussi soit-il, et c'est le cas ici, ressurgir régulièrement dans les bacs ! Il faudrait que les éditeurs français prennent exemple pour nous offrir ne serait-ce qu' une seule fois tous ces films que beaucoup pleurent sur ce site et ce, depuis des années .

Un plan m'avait échappé : De 26'39 à 26'45, à la lueur d'un clair de lune, on peut voir dans le ciel un nuage qui a la forme d'une énorme tête de chien sauvage, gueule grande ouverte, qui semble vouloir les dévorer tous les quatre… Je ne sais pas si c'est voulu ou bien si ça reste le fruit de mon imagination mais c'est très impressionnant…


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De vincentp, le 3 juin 2017 à 20:31
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Delivrance était diffusé aujourd'hui à la Cinémathèque, à l'occasion de la rétrospective intégrale consacrée à John Boorman. A suivi une "masterclass" avec le cinéaste, présent dans la salle, interrogé pendant plus d'une heure par des spécialistes (Ciment, Benoliel), à propos de Delivrance et de son oeuvre (racines, anecdotes de tournage). Cette séance filmée par quatre caméras, particulièrement mémorable (j'ai accroché ce soir le ticket de la séance sur mon réfrigérateur) sera sans doute accessible sur internet… Boorman, 84 ans, délivre une pensée structurée avec une pincée d'humour bienvenue. Il a présenté le cinéma, quand il est à son meilleur, comme étant un vecteur possible de transes. Il nous a raconté avoir rencontré un jour un chaman : ils se sont aperçus qu'ils disposaient de la faculté commune de faire voyager leurs clients dans le temps et dans l'espace. En tant que cinéphile, j'acquiesce ces propos… De fortes sensations ressenties pour ma part au cours de la projection de Delivrance : une impression d'une oeuvre de caractère grandiose, extrêmement aboutie. La perception également d'un univers qui a réellement existé, il y a une époque pas si lointaine.

Que dire à propos de Delivrance qui n'a pas encore été dit ou écrit, notamment dans ces colonnes ? Le fait de découvrir le film sur un grand écran (8 sur 13 mètres) avec des haut-parleurs en adéquation offre des sensations différentes de celles provenant d'un écran d'appartement. La déclinaison du thème principal du banjo (quand on croise les églises, au terme du récit), les bruits de la forêt et de la rivière, sont frappants. Le thème du retour à la nature contrarié est abordé par les dialogues, mais surtout par les situations du récit et les images muettes (celles représentant les autochtones handicapés moteur et démontant en un clin d'oeil l'idéologie des bienfaits de la nature immaculée du progrès). Les changements de rythme, la gestion des facteurs temps et espace : parfaits. Les quinze dernières minutes donnent l'impression d'un rêve éveillé, au sein d'un monde mi-réel mi-onirique (nature à semi-enfouie sous les eaux, barrage démesuré, déménagement de l'église, cercueils exhumés,…). L'interprétation de Jon Voight, très expressif au niveau du visage, frappe également, comme l'évolution psychologique et physique des personnages.


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De vincentp, le 5 juin 2017 à 21:59
Note du film : Chef-d'Oeuvre


Quelques remarques complémentaires, 36 heures après la séance…

1- La force du film vient d'un subtil dosage effectué entre éléments hyper-réalistes (le cheminement physique du quatuor) et aspects oniriques et mystérieux (le serpent qui traverse la rivière, la découverte de la rivière à travers le feuillage, etc…). Une expérience physique et psychologique située à mi-chemin entre mythe et réalité de la nature sauvage, et portée par la mise en scène (plans, images, sons, dialogues, gestuelle, décors…).

2- La nature imprime son rythme lent au récit : les autochtones qui y habitent semblent se déplacer au ralenti ou être arrêtés (exhumation des tombes, absence de déplacements des "demeurés" dont celui du banjo). Inversement, le rythme des citadins trop rapide n'est pas le bon ("Lewis" se trompe de chemin en voulant trouver la rivière à toute vitesse). La gestion du tempo par Boorman, participe à l'écriture cinématographique, à l'impact des situations filmées auprès du spectateur. Elle porte le hiatus. Et est un coup de maître bien sûr !

3- La séance de chasse de Jon Voight est emblématique de la psychologie du personnage, et de la place de celui-ci dans l'univers. Comme d'ailleurs pour les chasseurs de Deer Hunter. "Ed" (Voight), envoyant sa flèche destinée à la biche dans le décor, découvre effaré qu'il est étranger à ce milieu naturel primitif et n'en possède pas les codes d'accès. Une des très belles séquences finales voit Ned Beatty et Jon Voight se surprendre à échanger quelques coups… Leur périple de trois jours dans la nature a mis à jour en eux une violence assez primitive, refoulée jusque là par leur vie de citadin. Un effet inattendu du "retour à la nature". Beaucoup de nuances apportées au final au sujet des rapports entre la nature et la culture, et nombre de séquences inoubliables pour illustrer cette dialectique.

4- La relation qui unit les personnages de Ed et Lewis est un autre aspect remarquable du récit, très élaboré, traité par les images et les dialogues. Boorman montre comment des caractères contraires peuvent s'assembler, et coopérer, avec comme moteur des éléments conscients et inconscients. Boorman montre aussi la force que peut revêtir une amitié virile. Au début du récit, Ed voue une admiration sans borne à Lewis : il y a presque une relation charnelle entre eux (cf séquence du campement : regard de Ed vers Lewis). Lewis demande à Ed pourquoi il le suit alors qu'il ne partage pas sa vision survivaliste du monde. Ed ne sait répondre. Ed est sans aucun doute fasciné par le caractère transgressif de Lewis, mais n'arrive pas à exprimer cette idée parce qu'il est lié pieds et mains à son confort de citadin, à sa vie de père de famille rangé. Leur relation s'achève par un clin d'oeil adressé par Lewis à Ed : l'aventure vécue a renforcé cette amitié initiale, mais en a modifié certains aspects (Ed joue désormais d'égal à égal avec Lewis dans le domaine de la "force").

Nb : je réponds à ma mère qui accuse depuis hier après-midi Boorman d'invraisemblances à propos de la séquence de la falaise. Oui, Voight est bien monté avec une corde ! La preuve avec cette photo jointe. D'autre part, il se blesse juste après avec sa propre flèche qui transperce ensuite le montagnard, lequel fait quelques pas avant de s'effondrer. Il le descend ensuite avec la corde pour le faire disparaître proprement. Aucune invraisemblance.


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De Nadine Mouk, le 5 juin 2017 à 22:24
Note du film : 6/6

Puisque vous répondez gentiment à votre maman, vous pouvez peut-être répondre aussi gentiment à Nadine

Un plan m'avait échappé : De 26'39 à 26'45, à la lueur d'un clair de lune, on peut voir dans le ciel un nuage qui a la forme d'une énorme tête de chien sauvage, gueule grande ouverte, qui semble vouloir les dévorer tous les quatre… Je ne sais pas si c'est voulu ou bien si ça reste le fruit de mon imagination mais c'est très impressionnant… J'ai rêvé ?


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De vincentp, le 5 juin 2017 à 22:27
Note du film : Chef-d'Oeuvre

La énième ressortie, tous pays confondus de ce chef-d’œuvre ! La Warner n'en finit plus de tirer sur le boitier et la vente absolument. (Mouk).

Le film a coûté deux millions de dollars (je commence à devenir un spécialiste du film), et Warner a longtemps rechigné pour le produire, exigeant des vedettes comme acteurs. Nicholson et Brando furent un temps pressentis.

Scène du chien dans les nuages : désolé, Mouk : pas vu !

Il est bien le fil ci-dessus consacré à ce film : chacun apporte sa contribution éclairée, et le résultat est intéressant.


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De Nadine Mouk, le 5 juin 2017 à 22:50
Note du film : 6/6

Merci "P" !


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De vincentp, le 10 juin 2017 à 18:44
Note du film : Chef-d'Oeuvre

Les compères tuent un assassin mais est-ce vraiment lui d'ailleurs ? (Verdun)

Non, ce n'est pas le même individu, mais l'habilité suprême du film vient du doute qui assaille à la fois "Ed" et le spectateur. Sur grand écran, on constate que le montagnard qui est abattu par Ed porte une alliance au doigt. Ed, sans le vouloir, vient d'assassiner un homme marié, son alter ego.

Et une violente explosion retentit aussitôt après, alors que l'écran montre une roche pulvérisée. Cette explosion (métaphorique ?) marque l'intervention subjective du réalisateur dans son film : ne fait-elle pas voler en éclats – ironiquement – le discours écologique de Lewis auquel elle succède immédiatement ? (Gaulhenrix)

Un truc de mise en scène qui sert à donner un caractère réel à une histoire de fiction. Employé par Paul Verhoeven au début de Black Book.



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