De prime abord Le bourreau du Nevada se pare de nombreuses qualités. La réalisation de Curtiz est méticuleuse. La photo en noir et blanc est superbe et très bien restituée par le blu-ray. L'absence de couleurs, souvent préjudiciable dans un western, ne dérange pas ici car les grands espaces n'intéressent pas les auteurs. Il s'agit d'un western essentiellement urbain.

L'intrigue ressemble davantage à une enquête policière: le "bourreau" Bovard recherche un homme qu'il soupçonne d'être un meurtrier mais le présumé coupable est apprécié de tous. L'argument est donc passionnant et ne manque pas d'intelligence.

Le casting est remarquable. Robert Taylor est superbe dans le rôle de ce policier intransigeant qui commence toutefois à être usé par son métier. Face à lui Tina Louise est impressionnante de sensualité. On retrouve avec plaisir Fess Parker, le Davy Crockett de Disney et Jack Lord bien avant Hawaï, police d'Etat.

En somme tout était réuni pour faire de de ce bourreau du Nevada un grand western. Et à cause du titre, de l'argument et de la jaquette du DVD on pouvait s'attendre à une histoire pleine de bruit et de fureur, digne du Bravados de Henry King.

Hélas il n'en n'est rien. La faute à un scénario pauvre en péripéties. Le shérif a identifié le coupable mais ça discute, ça discute pendant plus d'un heure. Les enjeux dramatiques sont faibles malgré la peinture de cette ville hostile au bourreau et la seule scène d'action intervient à la toute fin. Fin qui verse d'ailleurs dans le happy-end mièvre.

Bertrand Tavernier avait raison de qualifier le bourreau du Nevada de "western médiocre" dans son livre Cinquante ans de cinéma américain  Dommage qu'il revienne sur cet avis dans les bonis du DVD.

Ce western est, en ce qui me concerne, ma plus grosse déception cinéphile de 2020 à ce jour.

Grande est ma surprise, face à cette véritable merveille cinématographique qu'est Le bourreau du Nevada (1959). Le cadre du western, ses attributs habituels (la loi, l'ordre, ses individus représentatifs) pour un drame romantique dans la lignée de Casablanca, dont il reprend certains codes. Michael Curtiz filme la sensibilité (féminine et masculine), ses conflits intérieurs inhérents, jusque dans ses retranchements les plus intimes, via des images et des sons, une conduite du récit très élaborée de bout en bout, une gestion des plans absolument parfaite. Le cinéaste sait créer des émotions finement modulées (par exemple, lorsque l'héroïne du récit change de parure), et partager des sentiments sur la pellicule. Une mise en scène fluide, douce, produite, on s'en rend bien compte, par l'un des plus grands metteurs en scène de l'histoire du cinéma. A redécouvrir dans sa version blu-ray intégrée dans le coffret de Sidonis-Calysta présenté par ailleurs.

Pour ma part un film franchement ennuyeux.. Un bien mauvais souvenir…

Ce film m'a arraché quelques larmes d'émotion… Quelle belle étude psychologique !