Je divague un peu, mais je suis pourtant le fil du montage d'Audiard et de son récit grinçant et écorché qui navigue dans toutes les bouffissures et les naïvetés, les illusions et les aveuglements dont notre beau pays semble se repaître avec un curieux appétit. Pour les avoir ici et là souvent rappelées, je sais qu'il est bien facile d'opposer nos folles insouciances à base de girls du Casino de Paris, de lambeth-walks, de revues animées par Joséphine Baker, de discours de la vieille bique Léon Blum, à l'horreur rituelle, sanglante, démoniaque, des cathédrales de lumière qui se dressent de l'autre côté du Rhin à l'appel d'un prophète de malheur. N'empêche que les voir une nouvelle fois mises en exergue avec, en arrière-plan, la voix narquoise et même un peu méchante du cinéaste-dialoguiste les fait regarder avec encore davantage de précision.
L'Histoire avance. Après que Staline, le Géorgien facétieux a dîné avec le Diable en employant la plus longue cuillère possible, que voulez-vous qu'il puisse arriver d'autre que ce qui est arrivé, même si Madame Florida, voyante majuscule de l'époque, a prévu que l'année 1939 serait toute de paix et de prospérité ? C'est boum-boum tralala partout en Europe et même dans le Monde. En 1974, lorsque Audiard donne son film chicanier, personne ne s'en est encore remis vraiment.Même pas lui qui ne résiste pas à sa propre verve et qui poursuit de son mépris à la fois le Général de Gaulle et Marthe Richard. On ne sait trop pourquoi il ne supporte pas le premier : sans doute une sorte d'antipathie instinctive, accrue par son antimilitarisme fondamental et aussi pour demeurer celui à qui on ne la fait pas. Les arguments contre la seconde, l'instigatrice de la fermeture des bordels sont plus étayés.. Audiard) date de la funeste loi du 6 novembre 1946 la précipitation de la décadence de notre pays, contraint, depuis lors, à épuiser son énergie dans des luttes sportives où nous sommes trop souvent évincés par nos concurrents étrangers. On peut penser ce que l'on voudra de ce point de vue.
Plus le film va, plus il devient déplaisant. Ce n’est pas que le talent manque, loin de là, ni le goût des formules assassines ; mais il y a une forme de systématisme dans la démolition qui dévalorise le propos. Moi qui ai besoin de beaucoup pour m’indigner, je n’ai pas du tout aimé que les images de la cérémonie à la mémoire du Général, à Notre-Dame, le 12 novembre 1970 soient accompagnées de la goualante Le clown est mort chantée par Giani Esposito. Il y a des moments où le mauvais goût devrait fermer sa gueule.Et si le film se concluait sur d’aussi belles images que celles qui l’entament, Notre-Dame, Chenonceaux, Versailles, ce serait beaucoup mieux.
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