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Sujet : C'était il y a mille ans...


De Impétueux, le 2 août 2019 à 14:48
Note du film : 1/6

Accroché il y a quelques jours et sur un tout autre film par quelqu'un qui s'étonnait que l'on pût perdre son temps sur une oeuvrette qu'il jugeait (d'ailleurs à tort) insignifiante, je lui répondais qu'à mon sens, il n'y a pas de film qui ne mérite commentaire. Tout autant les très rares chefs-d'oeuvre et les moins rares très bons films que les films passables, médiocres ou même mauvais. Et je lui disais à peu près qu'un film, à quelques exceptions près, dit beaucoup, beaucoup de choses sur son époque, par ce qu’il dit et ce qu’il ne dit pas, par ce qu’il montre et ce qu’il ne montre pas. Que si, dans un film l’intrigue est insignifiante et les acteurs médiocres, il demeure tout un environnement visuel : une rue de 2019 ne ressemble pas beaucoup à une rue de 1980 moins encore de 1950 : la nature des boutiques, de la circulation, le nom des enseignes, la dégaine des passants sont, pour qui sait regarder, extrêmement significatives. La façon de s’habiller, de parler, les musiques qu’on entend, le regard jeté sur des questions sociétales sont toujours instructifs.

Je ne dis pas que je n'ai pas mis une once (mais alors une toute petite once) de mauvaise foi là-dedans, parce qu'il y a bien des trucs pour quoi on regrette d'avoir passé deux heures de sa vie à les regarder. Mais en fait je crois vraiment que l'observateur attentif a toujours quelque chose à dire sur le film, témoin du monde.

Eh bien qu'est-ce que je vais tirer d'intéressant de la vision de Coup dur chez les mous (1956) de Jean Loubignac (dont c'est le dernier film et dont je révérerai toujours le talent surprenant grâce à mes chères Belles bacchantes) ? Sûrement pas que le scénario qui vient du prolifique Jean Guitton (rien à voir, sinon l'homonymie, avec le prestigieux théologien et académicien), ni la musique du non moins abondant Gérard Calvi, l'un et l'autre n'étant pas du bois dont on sauve un film. Fort peu de ces petits détails que j'aime et où transparaît une époque enfuie, du type avenues où les voitures peuvent librement rouler sans les ukases écologiques ni même omniprésence de la clope au bec – on n'est pas encore chez Claude Sautet… Peut-être un peu l'extrême médiocrité de l'éventaire de l'horlogerie-bijouterie cambriolée au tout début du film par les tout petits malfrats Totor (Raymond Souplex) et Jo (Alain Bouvette), médiocrité d'où ne semblent surnager que les opulentes pendules Jaz (je les avais oubliées, celles-là). Quant aux gardiens de la paix parisiens, âges et trognes bien marqués, képis solidement enfoncés sur le front bas et leurs collègues, hirondelles, casquette plate, pèlerines et vélos, on en a tellement vu…

Qu'est-ce qui reste ? Eh bien tout simplement l'abondance des acteurs, des acteurs de deuxième plan, dont certains étaient sur la pente descendante vers le troisième niveau, d'autres n'ayant jamais monté quoi que ce soit… Pour qui aime le cinéma de l'âge d'or, on se régale tout de même bien. D'abord, au premier plan, premier plan tout relatif, mais qui devait suffire à satisfaire les spectateurs des salles obscures des arrondissements périphériques, le Maxéville ou le Barbizon, au premier plan donc, Raymond Souplex et Jane Sourza, comme dans Sur le banc et aussi le roucoulant Henri Genès et, pulpeuse et déshabillée (un peu !), Jeannette Batti. D'autres notoriétés, un peu déchues, Jean Tissier, Julien Carette, Armand Bernard. Plus loin encore à l'arrière-plan, Edmond Ardisson, Charles Bouillaud, Marcel Pérès… Surprenante, (mais pas tant que ça, finalement), Louisa Colpeyn, assez belle et qui est, comme personne ne l'ignore, la mère de Patrick Modiano.

Qu'est-ce que je tire de cette accumulation ? Tout et rien. Et seulement qu'en 1956, on faisait des films avec un scénario idiot, des dialogues faibles, une musique atone et des acteurs qui n'étaient pas des vedettes, ne l'étaient pas, ne l'avaient jamais été et ne le seraient jamais. J'aime bien ce temps…


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