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Forum : La Rafle est pour ce soir

Sujet : Pavé de bonnes intentions


De Impétueux, le 16 juin 2019 à 19:40
Note du film : 3/6

Il y a un bon nombre de films qui n'ont d'autre intérêt qu'ethnographique : celui de nous représenter les styles, les genres, les coutumes, les usages, les dégaines et les préoccupations d'un monde résolument disparu. Le cinéma considéré comme art, bien sûr mais là davantage comme loisir populaire représente l'immense avantage d'avoir été – par définition ! – figé dans des films que l'on peut aujourd'hui regarder comme des témoignages sans jamais se préoccuper de leur qualité artistique ni même de l'intérêt des histoires qu'ils racontent. Il suffit de se laisser aller, de se laisser pénétrer, infuser, envahir par une atmosphère, comme on le ferait aujourd'hui, à une terrasse de café pour regarder les tenues et les allures des passants, écouter furtivement leurs conversations, deviner leurs préoccupations et leurs soucis.

Déjà, ce titre ! La rafle est pour ce soir ! Qui saura, dans quelque temps, ce que c'était, une rafle, le coup de filet lancé par la police sur un secteur un peu douteux de la grande ville, coup de filet qui ramenait indistinctement au commissariat filles de joie, quidams avinés, loustics bagarreurs, individus interlopes et excentriques mais aussi simples passants qui s'étaient, par malheur pour eux, trouvés par là… On s'étonnera aussi de voir que la bonne trentaine de noctambules raflés n'est encadré que par quatre ou cinq gardiens de la paix et ne fait que protester, maugréer, grogner alors que, de nos jours, pour conduire au poste la moindre racaille il faut presque une compagnie de CRS… Puis encore la bonne bouille des policiers, tous hommes d'âge mur, rassis et particulièrement calmes ; des pères de famille dont la femme, le plus souvent, occupe la considérable profession de concierge dans un immeuble parisien. Sociologie à deux balles que tout cela, si l'on veut ; mais pour qui regarde l'environnement immédiat des films, évidente clarté que Paris a changé… et guère en bien.

Maurice Dekobra dont La rafle est pour ce soir est la seule réalisation fut un écrivain d'une immense notoriété, dont le succès s'est étendu sur les deux premiers tiers du siècle dernier. De son abondante production surnage son titre le plus célèbre, La madone des sleepings qui fut adapté pour l'écran en 1928 par Marco de Gastyne et surtout en 1955 par Henri Diamant-Berger. Mais c'est également lui l'auteur de Minuit place Pigalle (Roger Richebé – 1934) et de Macao l'enfer du jeu (Jean Delannoy – 1938).

Intitulée comme elle l'est, son unique réalisation pouvait laisser penser qu'il s'agissait d'une plongée trouble dans le milieu interlope de la nuit, du désert de Pigalle, à base de mauvais garçons, de filles faciles et de plongées dans les cabarets qui permettraient de montrer à l'honnête spectateur de 1954 quelques strip-teaseuses girondes et quelques seins subliminalement dévoilés. Rien de cela ! Le film est une suite de sketches très hétéroclites, assez mal reliés entre eux (en fait acrobatiquement reliés entre eux). Dans le capharnaüm du commissariat où ils vont passer une nuit de garde à vue, sous la férule plutôt bienveillante du brigadier (Robert Burnier), des gens se racontent des histoires, édifiantes ou cocasses, ce qui donne l'occasion de s'évader du poste de police qu'on devine un peu empuanti par l'odeur du tabac froid, de la chaussette marinée et du poireau suri.

Comme dans tous les films de ce type, les sketches sont parfaitement inégaux ; c'est la loi du genre. Mais là, ils sont, en plus, tellement hétérogènes qu'on s'étonne qu'ils aient pu être réunis, cousus ensemble. Ou alors il faut considérer le patchwork comme l'un des Beaux-Arts. Parce que lier l'histoire édifiante, presque larmoyante du petit garçon sans père houspillé par les galopins de son village et qui finit par trouver un papa pour lui (Maurice Maillot) et un mari pour sa maman (Blanchette Brunoy), histoire contée par une vieille chouette (Jane Sourza) et les autres récits est un tour de force. Mais les spectateurs d'antan, ceux des salles périphériques, n'étaient pas bien exigeants. Et de cette gentille, plutôt mièvre apologie, on passe à un brave sketch où la mignonne fille (Jacqueline Pierreux) d'une vertueuse couturière en chambre (Jeanne Fusier-Gir) séduit et met la main sur une grande vedette internationale Chris Kersen, puis à une histoire rapide, légère inspirée (comme la première) de Maupassant pour terminer sur un apologue bien moral sur ce gangster (Armand Mestral), qui gourmande sa petite fille (Jocelyne Jany) pour avoir dérobé une statuette dorée à la sacristie de l'église où elle vient de communier alors qu'il est lui-même un habile chef de bande…

Les noms cités, dont peu ont atteint la notoriété montrent le genre de film qu'est La rafle est pour. ce soir. Et cela, même si on y ajoute quelques guest stars de modeste importance, Jean Tissier, Marcel Vallée, Grégoire Aslan, Henri Guisol, Paul Demange… N'empêche que si l'on aime ce cinéma d'archives, on est heureusement surpris.


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