Deux hommes en fuite réalisé par Joseph Losey en 1970 a longtemps été invisible. C'est un très bon film, qui oscille avec une relative réussite entre film d'action, et récit métaphysique. Les plans sont de grande qualité, comme l'interprétation, la photographie (Henri Alekan) et la musique. Le scénario est peut-être un peu daté mais cela se discute. On retrouve le caractère énigmatique propre à l'univers du cinéaste. Sur grand écran, ce film assure au moins dans le domaine du spectaculaire, avec ses belles images extérieures.

Revu ce soir sur grand écran dans le cadre de la rétrospective Losey actuellement en cours à la cinémathèque française.

Deux hommes en fuite fut mal accueilli, lors de sa sortie en 1970, en raison de son caractère abstrait très poussé. En effet, aucune indication n'est fournie au spectateur concernant la date et le lieu où se passe l'action, le parcours exact des deux protagonistes, la nature de leur incarcération et de leur évasion ou encore l'identité de l'armée qui les poursuit. Le titre original, Silhouettes dans un paysage, est en adéquation avec cette volonté d'abstraction. Mais ce qui fut reproché à l'époque aux auteurs apparaît aujourd'hui comme une qualité qui a préservé le film du vieillissement car il n'y a du coup pas besoin, en 2022, de le replacer dans un contexte quelconque.

L'argument est des plus minces, à un point tel que le titre français nous dit tout de l'intrigue. Menottes aux mains, deux évadés (Robert Shaw et Malcolm McDowell) s'enfuient à travers la campagne, poursuivis par la police en hélicoptère.

En revanche il est difficile de rester indifférent à la qualité de la réalisation. Le grand écran rend effectivement justice à la qualité des prises de vue, assez époustouflantes, notamment celles effectuées dans l'hélicoptère. Certaines séquences, telles que l'incendie dans les champs de maïs, sont d'autant plus bluffantes qu'elles ont été filmées il y a plus de 50 ans, à une époque où le recours aux effets numériques n'était pas possible… On se doute que le tournage a été très physique, ce que confirme Losey dans ses entretiens avec Michel Ciment. Tournage d'autant plus difficile que les excellents Malcolm McDowell, d'une sobriété dont il n'a pas toujours fait preuve par la suite, et Robert Shaw, exubérant et incontrôlable, ont eu des rapports aussi conflictuels à la ville que ceux qu'ils ont à l'écran…

Comme le faisait remarquer vincentp, Deux hommes en fuite est à la fois un film métaphysique et un film d'aventures. A priori, il s'agit d'une œuvre atypique dans la filmographie de Losey. On attendait davantage un John Boorman dans ce registre. A y regarder de plus près on retrouve des éléments typiques de Losey: un sens de l'espace affirmé, une volonté de montrer des personnages écrasés par le milieu qui les entoure. Sans oublier un regard d'entomologiste sur les êtres humains: les deux fuyards sont des fourmis poursuivies par un énorme insecte, cet hélicoptère noir susceptible de les attaquer à n'importe quel moment.

Deux hommes en fuite peut paraître par moments un peu aride, à l'image des paysages espagnols dans lesquels il a été réalisé, mais le mélange de parabole et de film d'action spectaculaire qui le caractérise est original et réussi.