Ayant écrit cela, je me dis que j'ai à peu près livré tout le sel de l'œuvre de Robert Wise, inspirée d'une nouvelle de Robert Louis Stevenson, qui s'appuie sur tout le fatras scientiste de l'époque, celle qui a mis en scène le personnage, promis à un grand avenir, du savant fou ; en fait, l'expression est un peu injuste et devrait être remplacée par celle du scientifique fou de savoir qui est près à sacrifier sur les autels de la connaissance absolue toutes les valeurs humanistes, escaladant ainsi et se débarrassant du vieux principe que Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. À l'heure de la PMA, de la GPA et du transhumanisme, voilà qui rend un son singulièrement actuel, n'est-ce pas ?
Donc le docteur Mac Farlane (Henry Daniell), professeur et anatomiste réputé enseigne à quelques étudiants les mystères du corps humain ; son élève préféré, Donald Fettes (Russell Wade) s'aperçoit vite que, pour son enseignement, Mac Farlane a besoin des cadavres qu'un personnage épouvantable, le cocher John Gray (Boris Karloff), lui fournit, déterrant, au besoin, des morts qui n'avaient rien demandé à personne, si j'ose dire, alors que la seule source légale des dissections ne pouvait être que l'exploration des corps des condamnés de droit commun. Aller des condamnés aux dépouilles fraîchement inhumées, va encore ! Mais lorsque ce gisement fait lui-même défaut, la police gardant sévèrement les cimetières, quelle autre ressource que de faire passer de vie à trépas le quidam malchanceux ? Le professeur avide de découvertes est pris dans un sombre dilemme, d'autant qu'il s'aperçoit que les progrès scientifiques qu'il a accomplis grâce à ces cadavres suspects lui permettent de rendre sa mobilité à une petite fille paralysée… Robert Wise filme tout cela avec les qualités solides qu'on lui connaît. C'est d'autant plus aisé qu'il n'est pas trop difficile d'instituer un climat trouble et inquiétant à l'aide de pénombres pluvieuses, de pavés mouillés, de ruelles à peine éclairées… et aussi de grandes demeures rébarbatives, à boiseries sombres, escaliers hautains, recoins dissimulés… c'est la grammaire élémentaire du genre, mais elle est très bien mise en valeur par un cinéaste alors débutant mais qui a montré dans la suite de sa carrière avec quel talent il savait jouer sur les atmosphères (je tiens La maison du diable pour un des films les plus dérangeants qui se puisse).Si on ne remarque qu'à peine Bela Lugosi, qui incarne un serviteur avide et vite trucidé, Boris Karloff qui interprète l'abominable pourvoyeur de cadavres ne surjoue pas trop et demeure dans les limites de l'acceptable. Les autres acteurs font honnêtement le boulot. N'empêche qu'il faudrait être particulièrement impressionnable pour frémir devant une séquence d'un film dont le titre est beaucoup plus inquiétant que ne l'est le déroulement.
Sur le même thème, L'impasse aux violences est une grande réussite.
Mertci de ce rappel, Verdun ! En me reportant sur le film de John Gilling, je vois que vous l'aviez fort bien commenté il y a déjà dix ans et que j'avais noté l'intérêt qu'on y pouvait prendre.
Je vois aussi que vous aviez cité cette phrase de Montaigne, Science sans conscience, etc. que j'ai également écrite dans mon commentaire sur le film de Robert Wise… il est vrai qu'elle s'impose absolument !
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