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Forum : La Légende du Tour de France

Sujet : Ne touchez pas à nos légendes !


De Impétueux, le 19 juillet 2017 à 18:30
Note du film : 2/6

S'il m'était donné de réaliser un film sur le Tour de France, en bénéficiant des moyens de l'I.N.A. et de France Télévisions, c'est-à-dire des milliers et des milliers d'heures d'images accumulées depuis 1903, je ne présenterais sûrement pas quelque chose d'aussi ennuyeux, douteux et dépourvu d'émotion que ce documentaire réalisé par Jean-Christophe Rosé et Benoît Heimermann en 2013 et présenté en deux épisodes lors des journées de repos de l'actuelle édition du Tour.

Déjà, je m'abstiendrais absolument de céder à la mode idiote de la colorisation, qui présente les enregistrements anciens avec des images pisseuses et délavées, qui prétendent recréer, avec un soupçon d'arrogance et de commisération, le temps passé. Qui, d'ailleurs, a jamais été gêné par un beau Noir et Blanc, sinon des sauvageons incultes ?

Puis je n'aurais sûrement pas confié la lecture du commentaire à la voix molle d'André Dussolier, dont le timbre ne convient évidemment pas à l'épopée folle des coureurs, étant trop sage et trop somnifère. Enfin, je n'aurais pas voulu m'engager dans un propos didactique qui, du ton de celui à qui on ne la fait pas entreprend de montrer le dessous des cartes (réel ou supposé) et de briser la magie du spectacle (comme un commentateur sarcastique qui entreprendrait de vous expliquer les tours d'un prestidigitateur alors que vous ne demandez qu'à vous émerveiller).

C'est entendu, et même les amateurs les plus naïfs l'admettront volontiers : il y a des combines, des tricheries, du dopage, des alliances de circonstance, des coups tordus, des haines recuites dans le Tour de France ; et on peut dire que les temps modernes de la compétition avec la marchandisation galopante, les substances et traitements médicaux sophistiqués, le verrouillage de la course, la spécialisation outrancière des champions ne va pas dans le bon sens. Toutes choses égales par ailleurs et avec les différences qui s'imposent, n'en est-il pas de même dans le monde de l'édition, dans le marché de l'art, dans l'industrie musicale… dans la vie politique ? Et alors ?

Mais le documentaire de Rosé et Heimermann n'a, dirait-on, qu'une seule orientation : celle de la dépréciation, du sarcasme, de la défiance, de la distanciation, toutes choses qui ne sont pas de mise pour une légende.

Car, qu'on le veuille ou non, le Tour en est une, qui constitue, pour sa part, qui n'est pas la principale mais qui doit tenir son bon rang, un des fragments de l'identité nationale. Dans ce film on dirait qu'il ne faut dresser, sur son compte, qu'un procès à charge, procès souvent mâtiné d'a priori politiques qui se veulent grinçants et qui sont dérisoires  : moqueries sur les bonheurs patriotiques du début des années 30 et l'exaltation des victoires d'André Leducq, d'Antonin Magne, de Georges Speicher (comme si nous n'aurions pas eu besoin d'avoir un peu plus de patriotisme en 1940 !) ou esprit de lutte des classes (les pauvres coureurs exploités par les organisateurs – L'Auto puis L'Équipe – et par les industriels du cycle ou plus tard les sponsors)…

C'est cela, le Tour, sans doute ; ou sans doute aussi. Mais ce que le spectateur attend, c'est la légende : c'est Eugène Christophe reforgeant sa fourche cassée à Sainte Marie de Campan en 1912, c'est le destin tragique d'Ottavio Bottecchia (vainqueur en 1924 et 1925) trouvé mort sur une route de campagne italienne (il est vrai hors du contexte du Tour), c'est la chute de Roger Rivière dans le Perjuret en 1960, celle de Luis Ocana dans le col de Mente en 1971, c'est la détresse de Laurent Fignon, scandaleusement battu par Greg Lemond de 9 secondes, en 1989… C'est tant de choses…

Certes le film présente d'autres moments, graves ou exaltants : le désappointement de René Vietto en 1934, contraint de laisser son vélo à son leader Antonin Magne, la chevauchée de Jean Robic dans la dernière étape en 1947, celle de Louison Bobet dans la Casse déserte de l'Izoard en 1953, le mano a mano de Jaques Anquetil et de Raymond Poulidor dans le Puy-de-Dôme en 1964, etc. Certes, il ne fait pas l'impasse sur la merveilleuse injustice des talents innés de Fausto Coppi, de Jacques Anquetil et du plus grand, Eddy Merckx… Mais c'est souvent pour passer au dessus de ces formidables qualités que pour se vouloir sociologue… accordant autant de temps à l'ennuyeux Miguel Indurain ou à l'affreux Lance Armstrong…

Drôle d'idée, en tout cas, pour France Télévisions, qui bénéficie avec le Tour d'une poule aux oeufs d'or qui remplit son coffre publicitaire pendant trois semaines de juillet que de vouloir abimer la légende…


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