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Forum : Le Dernier Vice-Roi des Indes

Sujet : Reflet des Indes


De DelaNuit, le 11 juillet 2017 à 14:08
Note du film : 5/6

L’Inde, ou les Indes, vu la diversité de ce grand pays, ont toujours inspiré les cinéastes. Souvent pour des films d’amour et d’aventure aux belles images (Le tigre du Bengale et Le tombeau hindou de Fritz Lang) permettant une confrontation de personnages occidentaux à des éléments et événements qui révèlent leur personnalité (La mousson dans sa version 1935 avec Tyrone Power et Myrna Loy ou La mousson de 1955 avec Lana Turner et Richard Burton…). On trouve aussi jusqu’aux années 50 maints récits dont les héros sont des militaires anglais maintenant la paix dans ces régions instables (Les trois lanciers du Bengale, Gunga Din, Les 4 plumes blanches, Capitaine King)… Plus tardivement, le cinéma se fait l’écho d’une critique de la colonisation et du traitement des autochtones, insistant sur les conséquences parfois tragiques des incompréhensions mutuelles (La route des Indes de David Lean, 1984, d’après le roman d’E. M. Foster)… L’Inde demeure dans les années 80-90 cet ailleurs où les certitudes et les repaires des occidentaux vacillent au contact d’une culture plusieurs fois millénaire qui les fascine autant qu’elle les choque et bien souvent leur échappe (Manika, une vie plus tard), parfois au point de s’y perdre (Nocturne indien)

Mais si on évoque souvent au cinéma l’indépendance du pays survenue en 1947 après trois siècles de domination anglaise (indépendance à venir, espérée, redoutée ou déjà faite, ayant redistribué les cartes) peu de films finalement ont de front abordé cet épisode pourtant crucial non seulement pour le pays lui-même mais pour les relations internationales. Neuf ans à peine après les événements, La croisée des destins de George Cukor (1956) situait son intrigue au cœur de cette période troublée. Mais ce contexte historique demeurait une toile de fond, l’essentiel de la narration se focalisant sur les questionnements existentiels d’une anglo-indienne (passionnément interprétée par Ava Gardner) s’interrogeant sur sa place en tant que métisse dans cette nouvelle société. En 1982, le film Gandhi de Richard Attenborough avec Ben Kingsley traitait la question parmi les épisodes de la vie du maître de sagesse.

Le dernier vice-roi des Indes (Viceroy’s house) tout juste sorti dans les salles, se concentre sur une plus courte période. On y suit les personnages historiques Lord Mountbatten et son épouse Edwina à leur arrivée à Delhi en 1947. Comme l’annonce le titre français, Mountbatten doit y occuper le poste charnière de dernier vice-roi représentant de l’empire britannique avec pour mission de préparer l’indépendance prochaine du pays. Mission rendue difficile par les conflits internes des indiens.

En effet, la minorité musulmane, craignant d’être moins bien traitée après le départ des anglais, réclame par la voix de son leader Jinnah la création d’un Etat indépendant (le Pakistan), tandis que le reste du Congrès, représenté par Nehru et conseillé par Gandhi, s’oppose à une partition de l’Inde… Malgré la sagesse pacifique de ce dernier, n’ayant de cesse de rappeler que la diversité fait partie intégrante de l’Inde et que chaque religion a sa légitimité parmi les autres, chacune exprimant à sa manière l’invisible qui nous dépasse, des troubles violents éclatent un peu partout entre les différentes communautés religieuses. Des massacres sont perpétrés à travers le pays, rendant de plus en plus urgent la signature d’un accord…

Hugh Bonneville, dans la lignée de son célèbre rôle de lord anglais pour la série Downton Abbey, campe un Mountbatten tout à fait crédible dans sa bonne volonté et ses doutes, tandis que Gillian Anderson incarne à la perfection son épouse toute en subtilité, montrant l’étendue d’un talent qu’il serait injuste de limiter au cadre restrictif de la série X Files qui fit sa renommée… Autour d’eux, la reconstitution historique est parfaite et impressionnante dans le moindre détail architectural, vestimentaire ou ethnique. L’histoire d’amour entre deux personnages romanesques, serviteurs indiens (l’un hindou et l’autre musulmane), pourra paraître stéréotypée mais elle est surtout une manière de nous faire entrer de façon humaine dans les contradictions et questionnements des indiens à l’approche du grand jour de l’indépendance, puis de la partition du pays, avec tous les débordements et migrations subséquents. Au-delà du retour sur une période historique importante et récente de notre monde et de l’apport des personnages historiques ou fictifs, l’intérêt du film réside également dans des thématiques hélas intemporelles et donc aussi contemporaines : la manipulation en politique ainsi que l’instrumentalisation des violences nées des conflits religieux et les tragédies humaines liées aux migrations de populations qui s’en suivent.

On pourra regretter qu’un seul film, même épique, soit trop court pour aborder ces questions dans toute leur complexité, et considérer que le format d’une mini-série télévisée en plusieurs épisodes aurait mieux convenu. Le film n’aborde en effet que superficiellement la diversité des cultures indiennes et se contente d’une légère allusion aux relations équivoques de Nehru et Edwina, sans aborder davantage la réalité de la vie conjugale de celle-ci avec son lord de mari (laquelle suscita dans la réalité bien des interprétations)… On pourra se consoler en appréciant que ce film extrêmement bien documenté, fidèle à son époque et subtil dans son approche, a été réalisé par une femme, Gurinder Chadha, personnellement concernée par le sujet puisqu’elle-même petite-fille d’une des migrante ayant vécu ces événements il y a 70 ans.

Un grand film à voir donc pour toutes ces raisons, et aussi pour réfléchir à notre propre époque. Et puis pour rester en Inde à la même période, on pourra s’autoriser un retour au romanesque de La mousson pour partager les atermoiements d’une autre Edwina amoureuse d’un hindou, ou La croisée des destins, histoire de se souvenir que les vies de Gandhi et Nehru furent selon la légende hollywoodienne sauvées par la métisse Ava Gardner… Pour relier avec un clin d’œil la grande Histoire du monde à la petite du septième art !


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