Un de mes collègues de travail me disait cette semaine ne pas comprendre quel était l'intérêt d'aller au cinéma, celui-ci n'apportant rien selon lui de bénéfique. La réponse à cette interrogation peut se situer dans ce que l'on peut retirer d'une découverte sur grand écran de Broadway Bill comédie réalisée par Frank Capra en 1934. Oeuvre quasi-inconnue, très rarement diffusée, filmée en noir et blanc, réalisée pour le studio Columbia et son producteur Harry Cohn, et portant sur une course hippique… Broadway Bill démarre sans emphase, en plantant un décor et des personnages, sur un ton plutôt enjoué. Un spectateur assis devant moi, visiblement en perte de repères, quitte la salle au bout de dix minutes. Dommage pour lui. Le rythme du film s'accélère, un puzzle très élaboré se construit peu à peu : derrière les péripéties de la course hippique, émerge un portrait de société, et un portrait de l'humanité.

Broadway Bill est l'histoire du pot de terre contre le pot de fer, comme souvent chez Capra, avec un nombre considérable de personnages, jeunes et âgés, riches et pauvres, masculins et féminins, de différents caractères, rationalités et moralités. A mi-longueur, l'oeuvre atteint sa plénitude et carbure à plein-régime. Je suis impressionné (et très surpris) par ses qualités artistiques, sa perfection formelle et l'envergure de son propos. Capra m’apparaît comme un messie, qui décrypte de façon géniale les règles de fonctionnement de l'humanité, nous intégrant à ses côtés sur ce chemin de décryptage. Le cinéma est sans aucun doute un média qui permet à des artistes d'accéder à une dimension quasi-divine, d'échapper à leur condition de mortel, et de faire participer le quidam à une expérience transcendantale ou métaphysique, ceci pour une somme d'argent faible, et un investissement mental minimaliste.