Vu qu'elle est aussi productrice et que ses partenaires sont nettement moins connus qu'elle, on pourra toujours dire qu'il s'agit d'un film-véhicule pour Charlize Theron. Mais c'est tout un rôle et on peut dire aussi qu'elle tient à bout de bras le poids de ce film à l'intrigue remarquablement bien conçue, que n'auraient pas renié Michael Connelly… ou Boileau/Narcejac.

Libby Day fut jadis, à l'âge de huit ans, la seule victime rescapée du massacre de sa famille pour lequel son frère, âgé alors de 13-14 ans, a été jugé et condamné sur le base notamment de son témoignage de petite fille. Et quand le film commence, vingt-huit ans après le «Massacre des pleines du Kansas» qui a jadis mis toute l'Amérique en émoi, Libby est à bout de ressources, car elle n'a jamais rien fait de sa vie sinon être la célèbre victime du massacre. Le fonds jadis constitué pour lui venir en aide est désormais épuisé (il ne reste que 400 dollars), son livre sur la tragédie (qu'elle n'a pas écrit) n'est plus en librairie depuis longtemps. Elle doit deux mois de loyer. C'est alors qu'elle est contactée par un club de crime fans (sic) qui raffolent de vieilles affaires criminelles et lui offrent 1 000 dollars pour participer avec eux à une dernière récapitulation des faits, car par mesure d'économie, l'État du Kansas est sur le point de pilonner les vieilles archives d'affaires classées.

Évidemment, il n'y aurait pas de film si Libby, toujours hantée par le souvenir embrouillé et angoissant de cette terrible nuit, ne tirait sur un fil, qui à son tour mène à un autre fil, et ainsi de suite jusqu'à qu'on comprenne avec elle ce qui s'est vraiment passé. Et c'est toute une histoire, qui jette un éclairage terrible sur l'Amérique profonde.

C'est un thriller contemplatif (pour ce qui est du présent) mêlé de drame de la terre (pour ce qui est du passé) où tout se tient remarquablement grâce à l'intrigue en béton conçue par la romancière Gillian Flynn (également l'auteur du plus connu Gone Girl). Tous les éléments sont parfaitement agencés, de la crise agricole des années 80 à la mode "gothique-satanique" qui faisait alors fureur chez les ados, en passant par la façon qu'ont certains de faire dire aux petites filles seulement ce qu'ils veulent bien entendre : tout se tient, les questions reçoivent toutes une réponse plausible. Alors pour les amateurs du genre, c'est un vrai bonheur.

Avec sa mise sans apprêts, coiffée de son indévissable casquette de base-ball, Charlize Theron est une très convaincante prairie girl et ses partenaires, quoique peu connus, sont tous excellents et bien castés. La photographie, sombre et précise (sauf dans les scènes de flash-back en noir et blanc à gros grain), est formidable et le montage en souplesse nous ballade très efficacement d'aujourd'hui à hier et retour. Et ça débouche même in fine sur quelque chose qui dépasse l'intrigue policière bien huilée. Du coup mon 4 est presque un 5…

Alléchant, alléchant !

Réplique tirée d'un soliloque de Libby (Theron) : «Qu'est-ce que ça dit sur moi que mon père habite sur une décharge de déchets toxiques ?»