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Fidélité un peu froide


De Impétueux, le 18 avril 2014 à 19:19
Note du film : 5/6

On m'a de tout temps chanté des merveilles de cet Évangile selon saint Matthieu. Et comme je ne trouvais aucun film encore inconnu de moi plus susceptible de me faire passer l'après-midi du Vendredi saint dans d'édifiantes dispositions d'esprit, j'ai regardé ce Pasolini avec bienveillance et douceur (naturellement) évangéliques.

Il ne m'étonne pas que le film ait reçu tant de suffrages et ait été récompensé à la fois par le prix spécial du jury du festival de Venise et par le grand prix de l'Office catholique du cinéma. C'est d'une parfaite conformité au texte canonique et le réalisateur a d'ailleurs particulièrement tenu à une absolue fidélité. Cela même au prix d'une querelle avec ses amis marxistes qui lui ont reproché de montrer explicitement les miracles prêtés au Christ, leur donnant ainsi une sorte de confirmation visuelle (ou d'attestation, si l'on préfère).

En fait Pasolini filme le récit de Matthieu comme si l'on assistait aux épisodes et écoutait les propos tenus par Jésus ; l'orientation est intéressante, mais rend, à mes yeux, le film difficile à suivre à ceux qui n'ont pas une solide formation chrétienne, et cela pour (au moins) deux raisons.

La première, c'est que c'est effectivement l'Évangile du seul Matthieu qui est filmée, alors que l'enseignement basique, si je puis dire, amalgamait à celui de Matthieu, pour donner une vision complète de l'histoire du Christ, les trois autres enseignements, ceux de Marc, de Luc et de Jean (ainsi même que ceux de quelques récits apocryphes et non canoniques). D'où la disparition de certains épisodes très connus : le pardon de la pécheresse (Marie-Madeleine) ou le dialogue avec les deux larrons qui figurent essentiellement chez Luc, ou les noces de Cana qui ne sont que chez Jean.

La seconde, c'est que si le film peut admirablement dépeindre la surprise et la fascination émerveillée des contemporains devant le personnage de Jésus, ses paroles ne sont pas explicitées par leur contexte ou, mieux, par les paraboles qui les éclairent et en précisent souvent le sens.

Dès lors, le Christ peut apparaître comme continuellement buté, violent, grave, révolté. Un des intéressants suppléments du DVD où est interrogé Enrique Irazoqui qui incarnait, précisément, le Messie, va d'ailleurs tout à fait dans ce sens. Ce jeune Catalan antifranquiste était venu demander à Pasolini de l'argent pour sa cause politique et le cinéaste, assisté d'Elsa Morante, est parvenu à grand mal de le convaincre d'interpréter le rôle, mais en l'orientant vers un personnage seulement révolté contre les injustices, les hypocrisies et les vilenies de son temps. Cet oubli de toute transcendance, fût-il corrigé par de sincères interrogations, me semble ôter un peu de puissance au film.

… Qui, par ailleurs, est d'une grande beauté formelle, utilisant à merveille les paysages misérables des Pouilles ou du Basilicate, saisissant au vol des visages d'une grande expressivité et laissant en tête des scènes bouleversantes, soit de tendresse (la ferveur joyeuse des rois mages devant l'enfant Jésus) soit de désolation (la douleur de la Vierge Marie – interprétée par la propre mère de Pasolini – devant son fils sur la croix).

On n'est pas dans un péplum de Cinecittà ou d'Hollywood, bien sûr ; mais un peu davantage d'émotion ne ferait pas de mal…


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