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Honorable réalisateur


De Impétueux, le 29 juin 2023 à 14:57
Note du film : 4/6

Ah oui, c'est un film très agréablement dégueulasse, qui met mal à l'aise, qui insinue au fin fond de votre épine dorsale une médiocre petite coulée de boue. Un film qui vous gêne, vous exaspère, vous met mal à l'aise, ne vous laisse pas tout à fait intact. Mais – ne soyons tout de même pas emphatique – ne vous dérange pas autant que, par exemple, l'inatteignable Délivrance de John Boorman. C’est bien, c'est très bien même mais ça demeure filmé au niveau des oripeaux de notre pauvre humanité : sale pays, sales gens, sales situations, sales médiocrités mais à peu près similaire à tout ce que l'on voit dès que la caméra quitte les tendresses consensuelles à la TF1 pour aller voir un peu plus loin la réalité du monde.

Réveil dans la terreur pourrait presque être présenté comme un conte philosophique, avec de multiples entrées.

D'abord celle de l'enfermement dans un environnement hideux et inhumain, celui de l'Outback, centre désertique de l'Australie, continent superflu ; enfermement qui produit, suscite, détermine tous les vices et tous les dégoûts : alcoolisme, nymphomanie, cruauté, sadisme, mépris de soi et des autres. Tout cela cause et conséquence de ce que Jean Giono appelait la charge la plus lourde de la condition humaine : l'ennui.

Puis la fascination pour la déchéance, pour la dégradation, pour l'engloutissement dans la vomissure, afin de pouvoir se placer au niveau de ceux qui entourent, pour ne pas en être différent, pour jouer le même jeu. Le malheureux instituteur John Grant (Gary Bond), confiné parmi les crétins et enfants de crétins de la bourgade de Tiboonda, part en vacances, qu'il va passer avec sa jolie fiancée, loin de cet affreux Outback. Il part pour Sidney, mais rêve de quitter l'Australie pour se retrouver dans un pays réellement civilisé… Londres par exemple. En transit, il doit faire une escale nocturne à Yabbabonda, une petite ville crasseuse où l'activité principale est d'ingurgiter des hectolitres de bière tout en pariant des sommes folles au jeu idiot et addictif de Pile ou Face et, de temps à autre, d'aller massacrer des abondants kangourous.

Grant n'est pas, au demeurant, un garçon bien sympathique, ni un esprit bien fort. Il possède une belle gueule, mais un peu mièvre, un peu veule ; il regrette d'avoir fait des études littéraires, sans doute assez sommaires, qui ne lui laissent pas d'autre perspective qu'un pauvre poste d'instituteur dans une région désolante. D'ailleurs on parvient presque à comprendre comment les malheureux qui vivent là sont minés : plaine jaune malsain à perte de vue, vent de sable poisseux, ciel idiot à force d'être bleu. Ted Kotcheff fait très bien sentir la chaleur, l'étouffement, la pesanteur du monde, son aridité, sa fermeture.

De deux choses l'une, lorsqu'on se trouve prisonnier de cette atmosphère : soit on s'accoutume, on s'adapte et même on finit par se complaire dans l'avilissement, l'abrutissement. Soit on essaye de s'en sortir par un coup de chance. C'est précisément ce qui arrive à Grant, qui sait bien que ses six semaines de vacances ne pourront être qu'une parenthèse et qu'il devra retourner, à la rentrée des classes à Tiboonda, retrouver les débiles, le sable, le soleil écrasant, la plaine jaune. Comme il a gagné une forte somme au jeu de Pile ou face, il se dit qu'il peut gagner davantage et s'enfuir pour toujours. On sait bien que ce genre de trucs ne marche jamais. Donc il perd tout.

Et commence la dégringolade, où Grant est bien poussé par le vicelard Tim Hynes (Al Thomas), sa fille Janet (Sylvia Kay), sur qui toute la ville est passée, ses copains malabars violents tueurs nocturnes de kangourous Dick (Jack Thompson) et Joe (Peter Whittle) ; surtout par l'étrange Doc (Donald Pleasence) qui se définit comme médecin, clochard par tempérament et alcoolique. Toutes les tentatives de Grant de se reprendre, de fuir, échouent. Et la dernière est une belle parabole : faisant du stop pour aller à Sydney, il retourne, en fait à Yabbabonda, puisqu'il a simplement dit au camionneur de l'emmener à la ville et que c'est là que le routier allait. Il ne lui reste plus, après une tentative de suicide ratée – aussi ratée que sa vie – de recommencer l'année scolaire à Tiboonda. Coincé.

Sordide, gluant, poisseux, souillé. Implacable.


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De vincentp, le 11 juillet 2018 à 23:10
Note du film : 5/6

Cauchemar dans l'outback, pour un instituteur. Le film tourné à Broken Hill en 1970, a valeur aujourd'hui de documentaire. L'interview de Kotcheff en supplément du dvd est à voir : c'est en France que Wake in Fright aurait eu son plus gros succès, selon le cinéaste. Ce n'est pas un grand film, mais un film important, qui a décomplexé et relancé le cinéma australien. Kotcheff serait toujours en vie : il aurait 87 ans. Un sacré parcours !


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